Sommet UE-Afrique : ça passe ou ça casse …
Il est de plus en plus évident que le bien-être futur de l’Europe dépendra de plus en plus du bien-être futur de son voisin le plus proche, l’Afrique. Le sommet UA-UE peut-il encore faire ce qu’il avait prévu à l’origine – et ce qu’il doit faire – et faire de la relation entre l’UE et l’Afrique un « véritable partenariat d’égal à égal » ?
Par Mikaela Gavas et W. Gyude Moore*
Le 17 février, le sommet tant attendu entre l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE), retardé depuis 2020, commencera enfin. Mais depuis que l’événement a été programmé, le monde a été ravagé par une pandémie qui a bloqué une décennie de croissance continue et d’amélioration du capital humain sur le continent africain.
Depuis 2020, le sommet ayant été reporté à plusieurs reprises, les dirigeants africains ont renforcé leurs liens avec d’autres puissances mondiales – pensez à la Chine. Le huitième Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), qui s’est tenu en décembre de l’année dernière, a non seulement démontré la profondeur et l’étendue impressionnantes des relations entre la Chine et l’Afrique, mais a également signalé une nouvelle approche fondée sur les actifs « soft », ce qui n’est pas sans poser de problèmes à l’UE et à sa stratégie de connectivité mondiale de 300 milliards d’euros.
« Une Afrique plus forte était dans l’intérêt économique de l’Europe et vice versa »
La tentative de l’UE de contrer la menace de l’influence de la Chine par le biais d’infrastructures de meilleure qualité, plus écologiques et plus transparentes, constitue un élément clé de son offre à l’Afrique par la mobilisation d’investissements privés utilisant les garanties budgétaires de l’UE. On peut espérer que ces mesures, associées à la priorité explicite accordée à l’Afrique par la présidence française de l’UE et à des annonces considérables d’investissements et d’initiatives « Team Europe », relanceront l’élan perdu lors de la pandémie. Mais cela sera-t-il suffisant pour réinitialiser et reconstruire la relation Europe-Afrique ? Nous l’appelons « reconstruction » car beaucoup de choses doivent changer.
En prévision du sommet de 2020, Gyude Moore a fait valoir qu’une Afrique plus forte était dans l’intérêt économique de l’Europe et vice versa. C’est plus vrai que jamais après les cicatrices économiques laissées par le COVID-19. Une Afrique économiquement plus forte débloquerait de nouvelles opportunités pour les investissements en capital, des importations moins chères et plus variées, et une offre prête de nouveaux travailleurs à un moment où la population européenne en âge de travailler est en déclin.
« Les priorités des deux continents sont clairement déconnectées, l’UE se concentrant sur le changement climatique et les migrations, tandis que l’Afrique est déterminée à mettre fin à la pandémie de COVID-19 et à relancer ses économies »
Au début de 2020, l’UE a défini sa stratégie globale avec l’Afrique. Bien que celle-ci contienne certains éléments clés d’une approche novatrice et la promesse d’un « abandon de la relation donateur-bénéficiaire », elle a été perçue par les dirigeants africains comme une tentative de l’Europe de continuer à dominer la relation, faisant écho à un héritage colonial. Les priorités des deux continents sont clairement déconnectées, l’UE se concentrant sur le changement climatique et les migrations, tandis que l’Afrique est déterminée à mettre fin à la pandémie de COVID-19 et à relancer ses économies.
En octobre 2021, une réunion ministérielle UA-UE a eu lieu pour définir leurs priorités communes en matière d’éducation et de développement des compétences ; de résilience, de paix, de sécurité et de gouvernance ; de migration et de mobilité ; et d’investissements dans la transformation structurelle. À l’approche du sommet, les collègues du CGD publieront leurs réflexions sur ces priorités et sur ce qui doit se passer pour qu’elles aient un sens et un impact dans la reconstruction de la relation Europe-Afrique.
*Mikaela Gavas, Co-directrice de la coopération au développement en Europe et Senior Policy Fellow (CGD)
W. Gyude Moore, Senior Policy Fellow (CGD)
Source : Centre pour le développement mondial (CGD)