Sommet États-Unis‑Afrique : vers une nouvelle ère d’investissement
Le XVIIe Sommet des affaires États-Unis‑Afrique à Luanda a placé l’investissement et le commerce au cœur des relations entre les deux continents, mettant fin à l’ère de l’aide traditionnelle. Un appel fort à saisir les opportunités stratégiques, notamment autour du corridor de Lobito, a été lancé.

Du 22 au 25 juin 2025, Luanda, la capitale angolaise, a accueilli le XVIIe Sommet des affaires États-Unis‑Afrique, rassemblant plus de 1 500 participants, dont plusieurs chefs d’État africains, hauts responsables gouvernementaux, ainsi que des représentants du monde économique américain et africain. Cette édition, marquée par un contexte international tendu et un repositionnement stratégique des relations entre les deux continents, a placé au centre des discussions les minerais, le pétrole, les infrastructures et les accords commerciaux.
Les relations entre Washington et le continent africain évoluent, passant d’une diplomatie basée sur l’aide au développement vers un modèle axé sur le commerce et l’investissement
Alors que les relations entre Washington et le continent africain évoluent, passant d’une diplomatie basée sur l’aide au développement vers un modèle axé sur le commerce et l’investissement, le sommet s’est déroulé dans un climat géopolitique complexe. Sous l’administration Trump, plusieurs mesures ont notamment fragilisé les échanges, avec la suspension de certains programmes d’aide, la mise en place de droits de douane punitifs pouvant atteindre jusqu’à 50 % sur certains pays comme le Lesotho, ou encore des restrictions de visa frappant plusieurs nations africaines. Face à cette réalité, la concurrence de la Chine, qui a récemment annoncé l’exonération quasi totale des droits de douane sur les exportations africaines vers son territoire, accentue la pression sur les États-Unis pour qu’ils réinventent leur politique africaine.

Dans ce contexte, le sommet de Luanda, organisé par le Corporate Council on Africa (CCA) en partenariat avec le gouvernement angolais, s’est affirmé comme une plateforme stratégique pour promouvoir un modèle renouvelé de coopération économique. Parmi les nombreuses personnalités présentes figuraient sept chefs d’État africains, notamment Brice Oligui Nguema du Gabon, Denis Sassou Nguesso du Congo, Félix Tshisekedi de la RDC, ainsi que plusieurs Premiers ministres, hauts responsables de la Banque africaine de développement (BAD) et de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Le corridor ferroviaire de Lobito, “un projet ambitieux”
L’un des points clés du sommet a été le corridor ferroviaire de Lobito, une infrastructure stratégique reliant la République démocratique du Congo à l’Angola, essentielle pour le transport des minerais. Osvaldo Mboco, spécialiste des relations internationales à l’université technique d’Angola, souligne que ce corridor est bien plus qu’une simple ligne ferroviaire : « On peut s’attendre à ce que de nouveaux investisseurs considèrent le corridor de Lobito comme un projet ambitieux, en allant au-delà du simple investissement dans la ligne ferroviaire elle-même. Il s’agit aussi d’investissements dans des plateformes logistiques, des industries de transformation, etc. » Ce projet est soutenu par la Banque africaine de développement, qui mobilise 500 millions de dollars à travers son Fonds africain de développement, ainsi qu’un milliard de dollars supplémentaires sur cinq ans pour des investissements complémentaires dans les chaînes de valeur agricoles, les routes et les infrastructures énergétiques.
Les investisseurs avisés devraient s’intéresser à l’Afrique

L’importance de ce nouveau paradigme d’investissement a été rappelée par le président de la BAD, Akinwumi Adesina, lors de son intervention au sommet. Il a exhorté les investisseurs, notamment américains, à s’intéresser davantage au continent africain, insistant sur le fait que « les investisseurs avisés devraient s’intéresser à l’Afrique », soulignant que le continent dispose d’abondantes ressources naturelles, des terres arables inexploitées et abrite certains des pays à la croissance la plus rapide au monde. Selon lui, le taux de retour sur investissement en Afrique pourrait atteindre entre 15 et 20 %, tandis que la prime de risque reste faible selon les données récentes de Moody’s. Il encourage ainsi les entreprises à « agir en fonction des données, pas des perceptions » et à saisir les nombreuses opportunités offertes par le continent.
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Il est temps de remplacer la logique de l’aide par la logique de l’investissement et du commerce
Le président angolais João Manuel Gonçalves Lourenço, hôte du sommet, a appuyé ce message en invitant les entreprises américaines à investir dans un continent riche en potentialités, non seulement dans les secteurs traditionnels du pétrole et des minerais, mais aussi dans des domaines tels que l’industrie automobile, la construction navale, le tourisme ou la production de ciment et d’acier. Lors de la cérémonie d’ouverture, il a affirmé avec force : « Il est temps de remplacer la logique de l’aide par la logique de l’investissement et du commerce. »
Un appel à l’action
Dans la même veine, Mahmoud Ali Youssouf, président de la Commission de l’Union africaine, a insisté sur la nécessité de lever les obstacles commerciaux tels que les droits de douane punitifs et les restrictions de visa, soulignant que l’Afrique, avec sa population de 1,3 milliard d’habitants et ses ressources abondantes, représente une opportunité économique majeure encore trop peu exploitée. Il a appelé à un « appel à l’action », fondé sur l’unité, la détermination et l’Agenda 2063, pour construire un partenariat véritablement transformateur.
Cette volonté de passage à l’acte s’est traduite par des engagements concrets autour du développement des infrastructures, du renforcement de l’agriculture, de l’industrialisation des minéraux, ainsi que de la modernisation des infrastructures numériques et des marchés financiers. Le secrétaire général de la ZLECAf, Wamkele Mene, a quant à lui réaffirmé l’importance cruciale de l’intégration régionale pour accélérer le développement industriel et faciliter les investissements, insistant sur l’ambition nécessaire du projet.
La stratégie commerciale des États-Unis en Afrique devait s’adapter aux réalités actuelles

Du côté américain, Troy Fitrell, haut fonctionnaire du Département d’État, a souligné que la stratégie commerciale des États-Unis en Afrique devait s’adapter aux réalités actuelles, bien différentes de celles d’il y a vingt-cinq ans. Il a insisté sur le rôle désormais actif des ambassades américaines auprès du secteur privé africain, affirmant que « notre mission est de trouver les opportunités et de les inciter à se lancer ». Selon lui, il est essentiel que les entreprises américaines prennent conscience des véritables opportunités du marché africain, qui allie une main-d’œuvre locale qualifiée à des investissements dans les technologies et innovations les plus récentes.
Le sommet a ainsi marqué un tournant : celui d’une Afrique qui ne cherche plus l’aide mais réclame des partenariats économiques durables et stratégiques, capables de libérer son potentiel évalué à mille milliards de dollars. Le Corporate Council on Africa, représenté par sa présidente Florie Liser, a encouragé les participants à dépasser les simples accords pour bâtir des transformations durables.
Renégociation de l’AGOA
Cependant, si les ambitions sont élevées, la réussite dépendra de la capacité à concrétiser ces annonces, notamment en finalisant la renégociation de l’AGOA, l’accord commercial Afrique-États-Unis qui arrive à échéance en septembre 2025, en déployant effectivement les financements annoncés, et en assurant la transparence et le suivi des projets engagés. Le chemin vers une prospérité partagée repose désormais sur la volonté politique des États et des acteurs économiques de passer de la parole aux actes.