Rwanda : « Se souvenir, s’unir et se renouveler »
Au lendemain du génocide, le Rwanda s’est uni dans la réconciliation, réalisant des progrès remarquables pour devenir une nation plus pacifique et plus prospère. À l’occasion du 28e anniversaire de ces événements tragiques, commémorés chaque année en avril, ANA revient sur le modèle de reconstruction du Rwanda, où commémoration rime avec développement.
Par Dounia Ben Mohamed à Kigali
Si le développement, visible, tangible, confirmé par des indicateurs crédibles, se confirme, s’accélère, impressionne, il faut être dans le pays, quand arrive le fatidique mois d’avril pour se souvenir qu’en 1994, il n’y a pas si longtemps finalement, le Rwanda était frappé par une terrible tragédie : le génocide contre les Tutsis perpétré par le gouvernement extrémiste hutu, au cours duquel plus d’un million de Tutsis ont été massacrés en seulement cent jours. Un passé douloureux qui hante encore les Rwandais, ceux qui l’ont vécu comme ceux qui sont nés après. Une mémoire d’autant plus lourde à porter que toute la lumière sur les événements qui ont conduit au drame n’a pas encore totalement été faite malgré les investigations et recherches multiples mises en œuvre depuis des années. D’où cette douleur, elle aussi tangible, à Kigali comme ailleurs dans l’une des mille collines qui composent le pays, quand arrive le mois d’avril.
Car chaque année en avril, et pendant cent jours, le Rwanda se souvient. À l’occasion du 28e anniversaire du génocide rwandais contre les Tutsis, co-organisé par la Commission de l’Union africaine (UA) et la Mission permanente de la République du Rwanda auprès de l’Union africaine le thème choisi était « »Se souvenir, s’unir et se renouveler ». Un triptyque qui résume parfaitement le modèle de reconstruction du Rwanda, où commémoration rime avec développement.
« Le Rwanda a réalisé des progrès spectaculaires en termes de développement depuis le génocide de 1994 »
En effet, dès le lendemain du génocide, le Rwanda s’est reconstruit en travaillant sur les deux volets : reconstruction qui s’est traduit par la réconciliation et donc l’unité retrouvée; et développement, réalisant des progrès remarquables pour devenir une nation plus pacifique et plus prospère.
De fait, le PIB du Rwanda progresse de plus de 8% par an depuis 2001. « Le Rwanda a réalisé des progrès spectaculaires en termes de développement depuis le génocide de 1994 » indique la Banque Mondiale dans son dernier rapport annuel sur le pays. Avec, indique l’institution, « l’amélioration du système éducatif, le développement de la santé et une très grande parité hommes/femmes (au parlement rwandais, 64% des députés sont des femmes). » Le Rwanda ainsi, et c’est suffisamment rare sur le continent pour le souligner, a atteint la plupart des objectifs du Millénaire pour le développement, dès fin 2015, avec notamment 70% d’alphabétisation, un taux parmi les plus élevés du continent. Grâce à un accent porté sur l’éducation, la santé également_ à ce jour 90% de la population bénéficie d’une couverture sociale. Les autorités ont par ailleurs réduit le taux de pauvreté, de l’ordre de 30% aujourd’hui. Tout en mettant en place des réformes drastiques pour améliorer le climat des affaires, avec une politique zéro vis-à-vis de la corruption, la mise en place d’outils de contrôles, une culture de l’évaluation, que l’on retrouve au plus haut sommet de l’Etat, à travers les contrats de performance, et qui font la réputation du modèle rwandais. Un modèle inscrit dans la Vision Rwanda 2020 suivi de la Vision Rwanda 2050 qui doit faire ce petit pays d’Afrique de l’Est enclavé, un pays à revenu intermédiaire en misant sur les services… et la Tech.
Un hub technologique et financier
Une ambition dont Kigali se veut la vitrine. Une capitale qui se veut être un hub numérique. Avec l’installation de 500 km de fibre optique, l’adoption de la wifi dès 2013, la digitalisation des services de l’Etat, et la promotion de l’économie numérique à travers, entre autres, la création de Kigali Innovation City (lire KIC, un centre d’innovation panafricain). Kigali, s’inspirant de modèle comme Singapour, se veut le hub numérique régionale… et également financier avec la création du Centre financier international de Kigali (KIFC), un projet mené par Rwanda Finance pour transformer Kigali en un centre financier majeur capable d’attirer les investissements étrangers et d’encourager la création d’emplois hautement qualifiés dans le secteur financier (lire l’interview de Nick Barigye, CEO de RFL). Membre de la communauté des Etats d’Afrique de l’Est, l’EAC, Kigali se veut plus largement la porte des investisseurs en Afrique de l’Est…et en Afrique !
Un pays qui attire et qui inspire, sur le continent comme ailleurs. Investisseurs et entrepreneurs se ruent vers Kigali, Mecque du business en Afrique. « Un pays qui nous donne de l’espoir, l’espoir qu’il est possible, quand on est un petit pays africain, sans pétrole, après avoir connu le pire, d’incarner aujourd’hui le meilleur en Afrique ». Cette analyse d’une entrepreneuse ivoirienne aujourd’hui installée à Kigali traduit l’idée générale.
Si les Rwandais, résolument tournés vers l’avenir n’évoquent pas, ou peu, le génocide, son souvenir est partout. Dans l’énergie que met tout un peuple pour s’en sortir par lui-même. Un leg du génocide, devenu un trait marquant de la culture rwandaise. « C’est sûr, on s’en serait bien passé, confie un consultant franco-rwandais aujourd’hui installé à Kigali, mais le génocide, a eu pour conséquence que chaque habitant de la ville ou presque a vécu un moment où l’autre en exil. A notre retour, nous avons développé une forme de culture de l’autosuffisance. Sur le plan économique d’abord, pour ne plus être dépendant des importations, mais pas seulement. Chaque Rwandais aujourd’hui va tout faire pour se débrouiller, gagner son pain, et vivre. Même les étudiants. Ils n’attendant pas de finir leurs études pour lancer un projet d’entreprise. C’est devenue quelque chose de très ancrée dans notre culture. » Et de souligner : « Quelque chose qui est également rendu possible grâce au leadership de ce pays. Qui a une vision claire et s’assure qu’elle soit suivie sur le terrain. »
« Chaque année qui passe nous rend plus forts et meilleurs »
Un leadership incarné par Paul Kagamé. « Il n’y a pas de personnes plus importantes que nous nulle part, qui ont des vies plus importantes que les nôtres, déclarera Paul Kagame le 7 avril dernier pour le début des commémorations officielles. Beaucoup de nos vies ont été détruites, ont été gâchées. Au cours des 28 dernières années, chaque année qui passe nous rend plus forts et meilleurs. Et pour être ce que nous voulons être, c’est nous qui déciderons, et non pas quelqu’un qui décidera pour nous ce que nous devons être et comment le faire ».