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Rwanda : les clés du retour de la croissance

Durement éprouvé par la pandémie de Covid-19, le pays des Mille Collines a très vite rebondi grâce à une série de judicieuses politiques sanitaires, sociales et économiques. Décryptage. 

Par Ange Iliza, à Kigali

Bon élève de la classe africaine en matière économique, le Rwanda continue de conforter sa réputation. Même en période de pandémie. Après avoir plongé en 2020 dans une récession économique (NDLR : -3,4 % selon les données du Fonds monétaire international) qu’il n’avait plus connu depuis le génocide de 1994, le pays a très vite rebondi avec une croissance du PIB estimée à 10,2 % en 2021. Mieux, cette reprise devrait rester solide à court terme, le dernier rapport du FMI consacré au Rwanda- publié le 13 novembre– pronostiquant une progression de 7,2 % de l’activité économique en 2022. 

Numéro un en Afrique de l’Est

Une croissance supérieure à celle de tous les autre pays est-africains, et qui est le résultat des importants efforts consentis par le gouvernement rwandais pour à la fois protéger la population contre le virus et soutenir l’économie. Sur le front sanitaire, le pays a ainsi imposé, dès mars 2020, un des confinements les plus stricts du continent, ainsi que des campagnes poussées de détection et de traçage de cas contact, réussissant ainsi à contenir efficacement la pandémie (au 21 janvier 2022, 1422 cas mortels de Covid-19 confirmés par l’Organisation mondiale de la Santé [OMS], pour une population totale de 13 millions d’habitants).   

Le Rwanda a par ailleurs agi avec célérité pour atténuer le choc économique née de la pandémie, les services du Ministère des Finances rappelant notamment que « les principales interventions ont porté sur l’extension des programmes de protection sociale pour soutenir les personnes les plus vulnérables, le soutien au secteur agricole pour assurer la sécurité alimentaire et la mise en place du Fonds de relance économique (NDLR : lancé en juin 2020 avec une dotation initiale de 100 milliards de francs rwandais [99 millions de dollars]) pour soutenir les entreprises privées les plus touchées ». 

Sources de financement extérieur

Pour faire face à ces engagements sans précédent, le pays a pu il est vrai compter sur plusieurs sources de financement extérieur, à commencer par une allocation du FMI de droits de tirage spéciaux- l’actif de réserve international du Fonds- équivalant à 219 millions de dollars et l’émission réussie, en août dernier, d’un eurobond de 620 millions de dollars sur les marchés obligataires internationaux. De quoi, selon les auteurs du rapport précité du FMI « contribuer à réduire les pressions sur les liquidités à court terme et faire face à l’impact de la pandémie ». 

Davantage, au-delà des mesures de soutien actionnées par les pouvoirs publics, le Rwanda a très vite fait le pari de rouvrir des secteurs clés de l’économie, notamment celui du tourisme, le pays reprenant avec succès sa stratégie consistant à accueillir de grandes conférences et événements sportifs internationaux, telle que la deuxième réunion ministérielle UE-UA, la Ligue africaine de basket-ball et le Championnat africain de volley-ball, trois événements tenus en 2021. Au total, l’objectif est de récolter 800 millions de dollars de revenus annuels grâce au tourisme d’ici 2024. 

Parier sur la réouverture rapide des secteurs clés de l’économie

En attenant la venue, en 2025, des championnats du monde de cyclisme, qui seront organisés dans la capitale rwandaise. Une première pour le continent africain. La reprise de l’activité économique est également soutenue par le commerce régional, notamment avec la République démocratique du Congo, qui dispose depuis l’année dernière de deux nouvelles dessertes aériennes- Goma et Lubumbashi-depuis Kigali, opérées par la compagnie RwandAir. 

Autant de mesures qui justifient « [qu’à] moyen terme, la croissance devrait converger progressivement vers la tendance pré-pandémique de 7,5 %, grâce à la vigueur des investissements directs étrangers (IDE), au maintien d’investissements publics élevés et à la reprise dans les pays partenaires commerciaux », expliquent les équipes du FMI qui craignent toutefois un risque d’aggravation de la  pauvreté et du chômage. Une appréhension partagée par les experts de la Banque mondiale : ces derniers estiment qu’en raison du confinement, des règles de distanciation sociale et de l’augmentation des coûts liés à la pandémie, le nombre de pauvres dans le pays pourrait augmenter de 5,1 points de pourcentage (soit plus de 550 000 personnes), plus de 80 % des personnes touchées se trouvant dans les zones rurales.

Une des nations africaines les plus résilientes

Il n’empêche, au-delà de l’impact immédiat de la pandémie, notamment sur les finances publiques (le déficit public est attendu à 8,6 % du PIB pour l’exercice fiscal 2022, selon l’agence de notation Fitch), la gestion économique à long terme du Rwanda n’est pas remise en cause. Bien au contraire. D’après l’agence financière Moody’s, le pays serait, avec le Cameroun et la Côte d’Ivoire, l’une des nations africaines qui résisterait le mieux à une crise économique. 

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