Le Rwanda a été l’un des premiers pays à s’associer au Projet pour le capital humain, avec le lancement du projet pour la prévention et la réduction des retards de croissance (ou SPRP selon son acronyme en anglais), la pièce maîtresse d’un plus large programme de la Banque mondiale pour combattre ce fléau et assurer un avenir en bonne santé et productif à tous les enfants.
Généraliser le recours aux services de santé et de nutrition pour le suivi de la croissance des enfants et la supplémentation en micronutriments; élargir l’accès aux services de développement de la petite enfance, et de réformer les structures communautaires de prestation des services. Les grands axes de cette stratégie menée en étroite collaboration avec la Banque Mondiale qui en publie les premiers résultats.
« Le Rwanda a fait des progrès remarquables en matière de lutte contre la mortalité infantile, juvénile et maternelle, qui lui ont permis d’atteindre ou dépasser la plupart de ses objectifs dans ce domaine »
« Le Rwanda a fait des progrès remarquables en matière de lutte contre la mortalité infantile, juvénile et maternelle, qui lui ont permis d’atteindre ou dépasser la plupart de ses objectifs dans ce domaine, souligne l’Institution. Toutefois, le taux de retards de croissance reste obstinément élevé, à environ 38 % (2015), et ce phénomène touche près de 50 % des enfants les plus pauvres. » Aussi, en 2017, le gouvernement a résolument affiché sa volonté politique de réduire de manière drastique les retards de croissance, conscient qu’ils freinaient le développement cognitif des enfants, le niveau d’éducation et les revenus à l’âge adulte, et qu’ils privaient l’économie d’un capital humain essentiel pour atteindre le statut d’économie à revenu intermédiaire.
Selon des études menées en 2018, 24 % des enfants de moins de deux ans recevaient des soins de santé adéquats, 34 % d’entre eux bénéficiaient d’une alimentation minimale acceptable, 37 % vivaient dans un environnement salubre, et 4 % seulement bénéficiaient de ces trois conditions essentielles à leur développement, ce qui a mis en évidence l’importance d’une approche multisectorielle.

Un enfant savoure un repas nutritif dans un centre de développement de la petite enfance du district de Muhanga. Photo : Miriam Schneidman
Démarche : cibler 13 districts fortement touchés
Pour soutenir l’ambition et l’engagement ferme du gouvernement rwandais, la Banque mondiale a conçu un programme comprenant trois projets (santé, protection sociale et agriculture) et prévoyant un ensemble d’interventions novatrices, tant du côté de l’offre que de la demande. La Banque mondiale a préparé un dossier d’investissement et s’est fondée sur des données mondiales pour cibler 13 districts fortement touchés par les retards de croissance ainsi que les enfants des quintiles de richesse les plus bas pendant la période critique des 1 000 premiers jours de vie.
Le SPRP a différents objectifs : sensibiliser les populations et changer les comportements face au retard de croissance (kugwingira) ; élargir la couverture et la qualité des interventions à fort impact en matière de santé et nutrition ; restructurer le programme phare de formation d’agents de santé communautaires ; soutenir le développement de la petite enfance au sein du foyer en assurant aux enfants pauvres une alimentation de base, une stimulation précoce et un environnement protecteur ; améliorer les mécanismes de responsabilisation au moyen de primes d’incitation et de subventions aux districts. Le projet était étayé par un solide processus itératif, comprenant des rapports de suivi réguliers sur les résultats et des mesures correctives si nécessaire, ainsi qu’une évaluation d’impact.

Mesure de la taille d’une fillette durant la Journée de promotion de la croissance, dans le district de Gerenke. Miriam Schneidman/Banque mondiale
Avec pour premier résultat, l’amélioration de la portée des interventions à fort impact et de l’adhésion de la population grâce au projet de protection sociale. En effet, la proportion d’enfants de 6 à 59 mois soumis à un suivi de la croissance est passée de 73 % en 2017 à 83 % en 2019, et le nombre d’enfants faisant l’objet d’un dépistage de la malnutrition au moyen de la mesure de la circonférence moyenne du bras a atteint plus de 3,2 millions. De même, le pourcentage de femmes enceintes qui se sont rendues à la première consultation prénatale au cours du premier trimestre de grossesse est passé de 42 % en 2017 à 51 % en 2019, et celui des femmes ayant bénéficié de quatre consultations prénatales ou plus au cours de leur dernière grossesse est passé de 36 % en 2017 à 41 % en 2019. Enfin, la part d’enfants de 6 à 23 mois ayant reçu des poudres de micronutriments (Ongera) a grimpé de 18 % en 2017 à 88 % en 2019.
» Les premiers résultats sont très positifs mais la pandémie de COVID-19 risque néanmoins d’aggraver l’insécurité alimentaire et de faire reculer certains des progrès réalisés »
Autre progrès enregistré , la lutte contre l’insécurité alimentaire généralisée des ménages vulnérables a été soutenue par une restructuration rapide du projet visant à soutenir la fourniture d’aliments composés enrichis, en ciblant les enfants et les femmes des quintiles inférieurs dans les 13 districts prioritaires. Les critères d’éligibilité ayant été élargis, la couverture est passée de 94 à 100 % des enfants et de 11 à 42 % des femmes enceintes et allaitantes dans les 13 districts entre septembre 2019 et juillet 2020.
Ce qui s’est traduit également par une augmentation rapide du nombre de crèches parentales pour aider les ménages les plus vulnérables : plus de 162 000 enfants ont bénéficié de compléments nutritifs, de stimulations et de suivi de leur croissance grâce au personnel de 8 000 structures soutenues par le SPRP dans les 13 districts. En marge de cela, la réforme du programme des agents de santé communautaires a été engagée, avec l’introduction d’un système de certification, d’accréditation et d’évaluation basée sur les compétences : environ 26 500 agents ont suivi ce nouveau programme intégré, complété par un renforcement de la supervision et du mentorat qui a permis d’augmenter la part d’agents de santé ayant bénéficié de visites de soutien par un superviseur de 40 % en 2017 à 86 % en 2019.

Des villageois devant leur potager communautaire, dans le district de Muhanga. Photo : Miriam Schneidman/Banque mondiale
Un financement de 55 millions de dollars USD
Doté d’un financement de 55 millions de dollars, dont un crédit de 25 millions accordé par l’IDA, le SPRP s’est appuyé sur des recherches relatives aux déterminants du retard de croissance au Rwanda (2017). « Les premiers résultats sont très positifs en termes d’extension des interventions à fort impact, mais aussi en ce qui concerne la responsabilisation des prestataires de services, des agents de santé communautaires et des parents en faveur du programme de lutte contre les retards de croissance, indique la Banque Mondiale dans son rapport. La pandémie de COVID-19 risque néanmoins d’aggraver l’insécurité alimentaire et de faire reculer certains des progrès réalisés. » Et l’Institution de préconiser : « À l’avenir, il conviendra avant tout d’accélérer la mise en œuvre du programme et veiller à ce que les plus pauvres bénéficient de l’ensemble des interventions essentielles ; de continuer à consigner les enseignements tirés, à améliorer le suivi régulier et à prendre des mesures correctives ; der enforcer les capacités des districts ; garantir un financement efficace et durable ; enfin maintenir le cap, car la réduction des retards de croissance est un problème complexe qui nécessite du temps. »
Pour en savoir plus : https://www.banquemondiale.org/fr/results/2021/01/14/tackling-stunting-in-rwanda-to-build-human-capital-early-achievements-and-strategic-priorities