Bousculé par le Brexit, le Royaume-Uni multiplie les accords bilatéraux avec les pays africains et sort de sa zone de prédilection. Une conférence, prévue en janvier, à Londres, devra traduire les nouvelles ambitions nourries par Londres pour l’Afrique subsaharienne.
Par Bilkiss Mentari
« UK-Africa Investment Summit» , c’est le titre, des plus simplistes, de l’évènement annoncé par le Royaume-Uni et qui se tiendra à Londres en ce début d’année. Présidé par le Premier ministre Boris Johnson et co-organisé avec le Département du développement international (DfiD), il intervient alors que le Royaume-Uni s’apprête à quitter l’Union européenne et se cherche de nouvelles perspectives, en Afrique notamment. Une vingtaine de pays du continent ont été invités à ce sommet britanno-africain qui doit réunir des entreprises, des membres de gouvernements et des institutions internationales et à vocation à accroître et promouvoir les opportunités d’investissement en Afrique.
Faire du Royaume-Uni, le premier investisseur des pays du G7 en Afrique d’ici à 2022
Dans l’œil du viseur de Londres, l’Afrique subsaharienne. Alors que les échanges entre l’Afrique et le Royaume-Uni sont peu développés, à peine 3% des exportations et des importations britanniques dont plus de 50% avec deux pays, l’île Maurice et l’Afrique du Sud, dans le contexte du Brexit, Londres cherche en effet à s’ouvrir de nouveaux marchés et de nouveaux débouchés… En Afrique subsaharienne notamment. La conférence doit ainsi être l’occasion d’élargir son champs d’opération, jusque-là très concentré sur les anciennes colonies britanniques. Avec lesquelles, à l’inverse de la France qui a maintenu des relations privilégiées, parfois contestées avec les pays de son ancien empire, le retrait de la Grande-Bretagne au lendemain des indépendances fut plus palpable. Ce qui lui laisse aujourd’hui plus de champs de manœuvre pour opérer « un retour » sur le continent.
Une réorientation stratégique initiée par l’ancien premier ministre, Théresa May, lors de sa tournée en Afrique, au Kenya, en Afrique du Sud et au Nigéria, il y un an. La première visite d’un premier ministre britannique en Afrique depuis cinq ans. Celle-ci, à la tête d’une délégation comptant une trentaine de chefs d’entreprise, avait alors annoncé son intention de faire du Royaume-Uni, le premier investisseur des pays du G7 en Afrique, d’ici à 2022. « Alors que le Royaume-Uni se prépare à quitter l’Union Européenne, nous sommes déterminés à assurer une transition souple qui garantit la continuité de nos relations commerciales, avait déclarait Thérésa May, lors d’une conférence de presse, à Nairobi. Aujourd’hui, nous avons regardé vers l’avenir, vers un partenariat renouvelé qui va débloquer l’incroyable potentiel de la prochaine génération pour nos deux pays. »
« Nos programmes d’aide doivent aussi être bénéfiques au Royaume-Uni. Ils doivent non seulement combattre l’extrême pauvreté, mais aussi soutenir nos propres intérêts nationaux »
Une déclaration assortie de l’annonce d’un plan d’investissement de 4,4 milliards d’euros pour soutenir les économies africaines et une nouvelle approche « décomplexée » de l’aide au développement. « Je n’ai pas honte de dire que nos programmes d’aide doivent aussi être bénéfiques au Royaume-Uni. [Ils doivent] non seulement combattre l’extrême pauvreté, mais aussi soutenir nos propres intérêts nationaux. »
C’est dans ce sens que le Royaume-Uni a signé l’année dernière un nouveau « partenariat stratégique » avec l’Union africaine (UA), lequel vise à renforcer la coopération avec les pays africains. Et ce dans différents domaines, allant de la sécurité à l’environnement à travers la promotion de l’énergie verte notamment, jusqu’à l’éducation ou les infrastructures. « Notre nouveau partenariat consolidera également nos relations avec l’Union africaine, en s’appuyant sur des liens économiques croissants pour créer de nouvelles opportunités pour les jeunes et renforcer nos liens étroits » indiquait alors la ministre britannique d’État pour l’Afrique, Harriett Baldwin. Un accord qui doit se traduire par une enveloppe de près de 40 millions $ sur une période de trois ans.
Depuis, multipliant les accords bilatéraux avec les pays africains, Londres a également procédé à une expansion de son réseau diplomatique sur le continent et la mise en place d’une politique étrangère mieux axée sur le commerce et les investissements en Afrique. Ainsi, un ambassadeur du pays a été nommé en Mauritanie, l’ambassade du Mali a été agrandie, et le premier bureau diplomatique britannique a été ouvert au Tchad.
Le Brexit s’annonce ainsi comme l’occasion d’une nouvelle coopération Afrique-Royaume-Uni. Mais alors que le Royaume est sérieusement concurrencé sur le continent, par la France, les Chinois, les Américains, les Turcs, les Russes, etc. Ce sommet marque l’intention très sérieuse du Royaume-Uni de créer de nouveaux partenariats durables avec les pays africains pour assurer une prospérité mutuelle.
En attendant, un autre RDV majeur, la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth 2020, également connue sous le nom de CHOGM 2020, la 26e réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth des nations, prévu au Rwanda en juin prochain. Le sommet devrait se tenir au Rwanda. Ce sera le premier sommet du Commonwealth qui se tiendra dans un pays qui n’est pas une ancienne colonie ou le Royaume-Uni lui-même.
Pour en savoir plus : UK-Africa Investment Summit 2020 – GOV.UK