Rose Pola Pricemou : « L’intelligence artificielle et le numérique vont transformer l’écosystème guinéen »
La Guinée a longtemps misé sur ses mines pour bâtir sa richesse. Aujourd’hui, elle parie sur le numérique pour dessiner son avenir. Rose Pola Pricemou, Ministre des Postes, des Télécoms et de l’Économie numérique, explique comment le pays transforme son potentiel minier en un véritable écosystème digital, en développant les compétences locales, en soutenant les start-up et en préparant l’émergence d’une intelligence artificielle africaine adaptée aux réalités du continent.

Madame la Ministre, quel rôle le numérique joue-t-il dans le programme de transformation socio-économique de la Guinée, notamment autour du projet minier Simandou ?
Le programme Simandou 2040 a été conçu pour transformer notre écosystème socio-économique dont l’axe 3 porte sur la technologie. Le numérique, en tant qu’élément transversal, pourra soutenir chaque secteur, que ce soit l’énergie, les infrastructures, l’industrie, l’éducation ou la culture.
A ce titre, Transform Africa Summit a servi de vitrine à ce programme. Quels résultats concrets attendez-vous de ce sommet et de la coopération internationale ?
Abriter un tel sommet est pour nous une fierté : il reconnaît les efforts de la Guinée et sa position sur l’échiquier international. Accueillir chercheurs, présidents d’institutions et chefs d’État est à la fois magique et un moment de réjouissance : c’est l’occasion de mettre l’accélérateur et de montrer que nous pouvons avancer rapidement avec nos partenaires.
Nous avons présenté des projets, et plusieurs investisseurs se sont montrés intéressés. La Guinée seule ne pourra pas tout réaliser ; nous avons besoin des partenaires pour accompagner ce changement et montrer que notre trajectoire mène vers une destination prometteuse.
Quel est l’état actuel de l’écosystème numérique guinéen ?
L’écosystème existe déjà, avec des start-up qui ont un réel impact social et des initiatives d’intégration régionale et de backbone numérique. Aujourd’hui, notre ambition est encore plus grande : augmenter la contribution du numérique au PIB et développer les compétences locales.
Vous avez parlé du soutien aux start-up. Quelles types d’initiative sont mises en place ?
Nous voulons former l’écosystème des start-up. Lors du Grand Prix, nous avons reçu plus de 300 candidatures. Parmi elles, 10 lauréats seront financièrement et techniquement accompagnés. L’an dernier, 4 lauréats ont été primés au niveau international, au Sommet Mondial de la Société de l’Information à Genève. D’autres ont été récompensés au concours mondial de Huawei. Ces succès montrent que nous créons de la valeur et que le monde reconnaît notre travail.
La Guinée a lancé plusieurs chantiers en parallèle pour atteindre ces ambitions. Des réalisations ont déjà été faites, en termes d’accessibilité notamment…
Nous investissons dans les backbones, les centres numériques d’apprentissage et dans la réforme du système éducatif à tous les niveaux. Même les enfants à la maternelle sont initiés à l’informatique. Pour ceux qui n’ont pas accès à l’école, nous offrons des formations en numérique, en mettant l’accent sur la création de contenus dans nos langues et nos cultures. Par exemple, lors du programme national R-Cun, nous avons formé 300 femmes à l’usage du numérique : elles ont appris à gérer leur emballage, à commander et vendre en ligne tout en restant chez elles, créant ainsi une économie de valeur locale. Cette année, nous visons 1 500 femmes, en collaboration avec les centres d’autonomisation.
Nous montrons notre ambition à travers un cadre légal et institutionnel solide, incluant la protection des données et des lois qui régissent l’écosystème. Nous mettons en place des incitations fiscales et des technopoles, comme le projet de Symphonia sur 20 hectares, pour créer un environnement favorable aux investissements. Nous révisons aussi le code des investissements avec un accent sur le numérique et la Startup Act, afin de rendre notre pays attractif.
Enfin, que signifie pour vous une IA africaine et comment la Guinée s’y prépare-t-elle ?
Une IA africaine, c’est créer des solutions adaptées à nos besoins, avec la recherche locale qui se conforme aux standards internationaux. Nous développons déjà de l’IA en Guinée, dans l’administration publique et au sein de la Cité des sciences. Cela permet de créer des talents qui renforceront le dispositif de l’IA guinéenne et africaine. Nous sommes prêts et déterminés à poursuivre cette ambition.



