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Révolution silencieuse : l’Afrique tech sort de l’ombre

L'Afrique est à un tournant de sa révolution numérique. Malgré les défis rencontrés, l'écosystème technologique du continent démontre une résilience et une capacité d'adaptation remarquables. Avec une diversification des sources de financement et une concentration sur des secteurs à fort potentiel, l'Afrique est bien positionnée pour jouer un rôle clé dans l'innovation technologique mondiale...

L’Afrique vit une transformation numérique silencieuse mais profonde qui se manifeste par une croissance exponentielle dans le secteur technologique. En l’espace de dix ans, le continent a su capter l’attention des investisseurs mondiaux et des acteurs locaux, attirés par le potentiel immense de ses marchés. Cette évolution, bien que marquée par de nombreux défis, témoigne de l’essor de l’écosystème tech africain.

De 2013 à 2023, l’Afrique a levé près de 20 milliards de dollars en capital-risque, répartis sur environ 3 000 transactions. Cette dynamique a été particulièrement renforcée au cours des trois dernières années, avec 68% de l’ensemble des investissements réalisés pendant cette période. En dépit des turbulences économiques mondiales, le secteur a montré une résilience significative. Un des facteurs clé de cette performance a été l’augmentation de l’accès au financement par la dette, qui a représenté 35% du total des fonds levés en 2023, contre 24% en 2022.

Tensions et défis : une année 2023 difficile

L’année 2023 a néanmoins été marquée par des difficultés importantes. Le marché du capital-risque a connu une contraction sévère, avec une baisse de 46% des fonds levés, passant de 6,5 milliards de dollars en 2022 à 3,5 milliards en 2023. De plus, le nombre de transactions a chuté de 28%, avec 547 accords réalisés. Ce recul peut être expliqué par plusieurs facteurs. Tout d’abord, le nombre d’investisseurs actifs a connu une chute de 50%, passant de 1 149 en 2022 à 569 en 2023, signe d’un désengagement notable des acteurs étrangers. Parallèlement, le secteur fintech, tout en restant dominant, a représenté 37% des investissements en equity, mais il a également dû faire face à la concurrence d’autres secteurs comme l’e-commerce et les technologies propres. Enfin, des défis macroéconomiques comme les taux d’intérêt élevés, la dévaluation des devises et l’inflation ont pesé lourdement sur l’attractivité du marché africain.

Perspectives : une reprise timide mais prometteuse

Cependant, 2024 a montré des signes de stabilisation pour le capital-risque africain. Les fonds levés ont atteint 3,2 milliards de dollars, enregistrant une baisse modeste de 7% par rapport à l’année précédente, tandis que le nombre de transactions est resté stable, avec 534 accords. Cette légère reprise s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’augmentation du financement par la dette a permis aux startups de compenser partiellement la baisse du financement en equity. Par ailleurs, le secteur fintech, toujours prédominant, a continué sa progression en levant 1,3 milliard de dollars, représentant 60% des investissements en equity, avec une croissance de 16% du nombre de transactions. Enfin, l’engagement croissant des fonds locaux, notamment au Ghana, au Kenya et en Afrique du Sud, a permis de diversifier les sources de financement, réduisant ainsi la dépendance vis-à-vis des investisseurs étrangers.

Les investisseurs africains montent en puissance

Une tendance forte qui se confirme, la montée en puissance des fonds et structures africaines dans le financement de la tech du continent. Mieux connectés aux réalités locales, ces investisseurs africains jouent un rôle de plus en plus stratégique, non seulement en finançant, mais aussi en co-investissant aux côtés d’acteurs internationaux. Selon les données de Partech Africa, les investisseurs africains ont participé à plus de 40 % des deals réalisés en 2023, un chiffre en hausse constante depuis 2020. Des structures comme Future Africa (Nigéria), Janngo Capital (Côte d’Ivoire), Norrsken22 (Afrique du Sud), ou encore le fonds Catalyst Fund, ont injecté plusieurs millions de dollars dans des startups locales. Leur connaissance fine du terrain leur permet d’identifier plus rapidement les projets viables et d’apporter un accompagnement plus adapté. Ce rééquilibrage des forces contribue à ancrer davantage l’innovation dans des modèles africains, plus résilients et adaptés aux contextes locaux.

L’Afrique se trouve à un carrefour crucial dans sa révolution numérique. Bien que le chemin reste semé d’embûches, l’écosystème technologique du continent démontre une capacité d’adaptation et de résilience remarquables. Grâce à la diversification des sources de financement et à un focus sur des secteurs à fort potentiel, l’Afrique est désormais bien positionnée pour jouer un rôle clé dans l’innovation technologique mondiale.

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