Ressources naturelles : le Zimbabwe mise sur la transformation locale du lithium
Le gouvernement zimbabwéen a décidé d’interdire l’exportation de concentrés de lithium dès janvier 2027 pour stimuler la production nationale de lithium de qualité batterie. Ce tournant stratégique vise à accroître les revenus, créer des emplois et bâtir une industrie chimique locale.

Zimbabwe, premier producteur de lithium en Afrique, franchit une étape décisive dans sa stratégie minière : à compter de janvier 2027, il sera interdit d’exporter des concentrés de lithium. L’information a été confirmée le 10 juin 2025 par le ministre des Mines, Winston Chitando, à l’issue d’une réunion du cabinet.
Ce renforcement du contrôle exportateur, initié en 2022 avec l’interdiction des minerais bruts, répond à un double objectif : encourager les entreprises minières à investir dans la transformation locale et garantir à l’État des revenus plus élevés grâce à l’exportation de produits à valeur ajoutée. Avec près de 122 000 tonnes de concentré produites en 2024 — soit quasiment deux fois plus que l’année précédente — selon S&P, le pays dispose désormais des volumes nécessaires pour bâtir une chaîne de valeur locale.
Encourager les entreprises minières à investir dans la transformation local
L’attractivité du pays ne faiblit pas, notamment pour les investisseurs asiatiques. Depuis 2021, des groupes chinois comme Sinomine, Huayou Cobalt, Chengxin, Yahua ou encore Canmax ont investi ensemble plus d’un milliard de dollars dans le secteur. Le pays bénéficie de gisements importants et d’un cadre politique relativement stable dans le secteur minier, ce qui en fait une destination privilégiée pour les investissements internationaux.
Toutefois, la baisse brutale des prix du lithium en 2023 a conduit les autorités à assouplir temporairement certaines de leurs exigences, notamment en matière de transformation immédiate. Harare avait, en 2024, allégé ses conditions pour ne pas freiner l’activité des opérateurs. Mais la direction stratégique reste inchangée : promouvoir une industrie nationale de la batterie et ne plus se contenter de vendre la matière première brute.
Les gains attendus pour l’économie zimbabwéenne peuvent être considérables…
L’enjeu économique est clair : sur le marché de Shanghai, une tonne de carbonate de lithium raffiné peut se négocier jusqu’à 8 489 dollars, contre seulement 570 dollars pour une tonne de concentré exporté. Le différentiel est tel que le Zimbabwe, en misant sur la transformation locale, espère capter une bien plus grande part de la valeur.
Mais plusieurs obstacles demeurent. Le pays souffre de déficits d’infrastructures critiques, notamment en énergie et en transport. L’instabilité du réseau électrique, en particulier, freine le déploiement de projets industriels lourds. À cela s’ajoutent la volatilité des prix mondiaux du lithium et la nécessité de mieux coordonner les efforts entre le gouvernement et les acteurs privés.
Certaines critiques se sont fait entendre. Des observateurs jugent que la décision d’interdire les exportations de concentré arrive trop tardivement, alors que plusieurs années d’extraction ont déjà profité essentiellement aux entreprises étrangères. Par ailleurs, les industriels locaux demandent le report de l’application d’un nouveau droit d’exportation de 5 %, prévu dans la réforme, tant que les premières usines ne sont pas opérationnelles. Ils craignent un alourdissement fiscal prématuré qui pourrait nuire à la rentabilité de leurs projets.
Malgré ces défis, la stratégie du Zimbabwe est saluée comme un modèle pour d’autres pays africains riches en ressources naturelles.
Un signal envoyé à tout le continent : détenir des matières premières ne suffit plus… L’Afrique doit se positionner comme un continent de transformation
L’exemple zimbabwéen montre qu’un pays peut passer d’un statut de simple exportateur à celui d’acteur intégré dans la chaîne de valeur mondiale. C’est un signal fort : face à la montée en puissance du secteur des batteries et à la demande croissante en minerais critiques, l’Afrique doit se positionner comme un continent de transformation, pas seulement d’extraction.
Pour cela, les États doivent mettre en place des politiques claires, stables et attractives. Cela suppose également de développer des partenariats industriels durables, avec des investisseurs prêts à accompagner la montée en compétences et en équipements.
Si le Zimbabwe parvient à concrétiser ses ambitions d’ici à 2027, il pourrait non seulement générer des milliards de revenus supplémentaires, mais surtout inspirer une nouvelle génération de politiques industrielles africaines, plus souveraines, plus durables, plus stratégiques.
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