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Reine Mbang Essobmadje : « En adaptant les best practices au contexte local, on peut arriver à créer l’étincelle »

Première vice-présidente du patronat camerounais, Reine Mbang Essobmadje est une pionnière du numérique. A la tête d’Evolving, elle accompagne, conseille, bouscule et participe au renforcement de l’écosystème numérique en Afrique.

Par Dounia Ben Mohamed

Discrète, Reine Mbang Essobmadje avance, majestueusement, ses pions parmi les acteurs tech les plus influents du continent. Née au Cameroun, Reine affiche un parcours sans faute. Titulaire d’un Master en réseaux et télécommunications de l’Ecole Centrale d’Electronique de Paris ainsi que d’un Global Executive MBA de l’Instituto Empresa d’Espagne, d’un Executive MBA de l’Université de Singapour et d’un programme de formation en management de l’Université Stafford d’Angleterre, elle a fait ses premiers pas dans le monde professionnelle comme Network Engineer à Colt Technology services avant de rejoindre en Février 2004 Spie Communications. En janvier 2006, elle rejoint CheckPhone comme Consultante Sécurité. En Avril 2008, elle devient Project Manager de Devoteam Consulting pendant dix mois. De janvier 2009 à janvier 2012, elle est recrutée à Alcatel Lucent comme Manager Services.

J’avais envie de servir et d’être utile, de créer de l’impact. Et cet impact, on ne peut l’avoir qu’en Afrique

Mais la jeune femme a d’autres objectifs, d’autres ambitions. Reine veut avoir de l’impact sur le continent. Ainsi, en 2009, elle lance Evolving Consulting. Installé au Cameroun et en France, le cabinet se spécialise dans la transformation numérique en Europe et en Afrique. “C’est un déclic, confie-t-elle. J’avais envie de servir et d’être utile, de créer de l’impact. Et cet impact, on ne peut l’avoir qu’en Afrique.”

Très vite, le cabinet vient renforcer l’écosystème tech panafricain, en mettant à profit son expertise. “Il s’agissait de se positionner dans un secteur qui est toute la partie stratégie et conseil. Or, on ne peut pas faire de la stratégie dans ce secteur en Afrique sans être un ingénieur, sans comprendre l’aspect sociétal et humain. La façon dont je vais aborder cette stratégie est “bottom up”. Comme le dit notre slogan : des solutions technologiques et durables. Parce que la plupart des projets en Afrique ont peu, voire pas du tout de succès, parce qu’ils ne sont pas assez structurés. On part de la conception du projet, il doit être pensé à la base.”

Même si elle admet des débuts difficiles, Reine, véritable pionnière, innove, bouscule, et s’impose. “Au quotidien, c’est difficile, il faut avoir des références, un nom, la confiance et être capable. C’est comme cela qu’on va durer. Il faut présenter 20 dossiers pour en gagner un. Ce qui demande de l’endurance, de la patience, et finalement nos meilleurs cartes visite ce sont des projets brillamment implémentés qui, plusieurs années après, sont encore utilisés.”

Mieux, au-delà des activités d’Evolving, Reine multiplie les initiatives, au Cameroun et ailleurs, pour encourager, promouvoir, renforcer les compétences locales. “Quand on regarde la Chine qui a envoyé ces pèlerins à travers le monde qui sont revenus construire. En adaptant les best practices au contexte local, on peut arriver à créer l’étincelle.

On est encore dans un continent qui doit se professionnaliser. Ces valeurs qu’on pense ringardes, sont essentielles. L’engagement associatif y contribue. Afin d’avoir un impact positif sur la communauté, tout l’écosystème des jeunes, mais également les écosystèmes professionnels qui travaillent mais pas toujours aux standards internationaux.”

Les jeunes, “diamants bruts du continent” parmi lesquels, “dans des environnements déstructurés émergent des pépites

C’est à ce titre qu’elle co-fonde, en 2010, Digital Coalition, une ONG qui fait la promotion de l’économie numérique en Afrique et organise les journées des TIC avec de nombreux partenaires dont l’UNESCO. Et après avoir occupé le titre de Présidente de la commission économie numérique depuis Septembre 2017 du patronat camerounais, le Gicam, elle a intégré son Conseil d’administration en avril 2018 avant d’en être nommée vice-présidente. Elle mène dans ce cadre un certain nombre de plaidoyer, sur la question des données personnelles entre autres. “Cela renvoie à la question de la cyberstratégie du continent. L’enjeu aujourd’hui c’est influencer les jeunes sur les RSS et pour cela, il faut les connaître, à partir des profils et des données que l’on peut obtenir. Un domaine où les politiques n’ont pas encore saisi tout l’enjeu. La jeunesse africaine comme la jeunesse du monde est influencée par les RSS et dans l’Union africaine, on n’a pas encore de réflexion sur ces questions. Comment on protège cette jeunesse ?”

Ces jeunes qui sont “les diamants bruts du continent” parmi lesquels, “dans des environnements déstructurés émergent des pépites. Comment les aider à s’exprimer dans le domaine du numérique ? C’est l’autre aspect de l’innovation. On ne doit pas encadrer mais on doit pouvoir créer les conditions adaptées. On ne va peut-être pas aller au bout mais on a lancé les choses et d’autres prendront le relais”. À condition “ de faire confiance aux entreprises locales”.

 Véritable source d’inspiration, Reine a reçu un certain nombre de distinctions. En 2020, elle a reçu le Prix EPIC « Women Inspiring Women Award ». Elle est par ailleurs la seule Africaine, et une des rares femme, membre du Tech MBA Advisory Board de l’IE Business School.

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