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Rachid Sguini alias Rakidd“ la force du dessin qui “permet en cinq traits de dire beaucoup et de toucher les gens”

Il s’est fait connaître avec ses “gribouillages”, Rakidd, de son vrai nom Rachid Sguini, multiplie les publications de livres illustrés. Auteur, illustrateur, le Franco-marocain se lance dans l’édition d’autres artistes atypiques, notamment issus de la diaspora. 

Par Mérième Alaoui 

Dans son dernier ouvrage “Souvenirs du bled”*, les pages style vieilles cartes postales, mettent en valeur les souvenirs de l’écrasante majorité des enfants d’immigrés maghrébins. La route du bled en Renault 21, les taureaux le long des routes espagnoles, les pastèques, les sodas hyper sucrées, les jeux de cartes vintage… Pas si étonnant que le dessinateur Franco-marocain ait reçu de nombreux retours de lecteurs originaires ou natifs du grand Maghreb et même au-delà. “On m’a répété à quel point ces souvenirs faisaient rejaillir des émotions. Des anecdotes de famille, avec des proches vivants ou disparus… un outil pour communiquer avec les plus anciens grâce aux dessins” se réjouit Rachid Sguini. 

“Sans m’en rendre compte j’ai touché un public important, issu de la diaspora ou proche de cette jeunesse immigrée. Il y avait un grand vide à ce niveau là”

Et il est bien là le style de Rakidd, celui d’un adulte parfois nostalgique, qui regarde le monde avec humour sans jamais taire son âme d’enfant. Né en 1988 au Puy-en-Velay au fin fond de l’Auvergne, il a toujours eu un crayon à la main, pour gribouiller. “Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours voulu dessiner” affirme-t-il. Sa famille “100% amazigh” originaire de la ville de Khénifra au moyen Atlas marocain, l’encourage à poursuivre sa passion. Si bien qu’avec son bac littéraire option dessin, il s’inscrit sans surprise à l’école d’art Bellecour à Lyon. “C’était un rythme assez intense, je me suis retrouvé avec d’autres passionnés comme moi, et nous nous sommes dépassés”. Il décroche un diplôme de designer graphique, s’intéresse vite à la communication. Mais le véritable tournant de son parcours, reste la publication en 2012 de son blog « Les Gribouillages de Rakidd » partagé sur les réseaux sociaux (il rassemble une communauté de plus de 150 000 personnes). Souvent devenus virales, ses petites pastilles parfois piquantes, souvent drôles, croquées en réaction à l’actualité ou à l’humeur du moment, font le buzz. “Sans m’en rendre compte j’ai touché comme cela un public assez important, issu de la diaspora ou proche de cette jeunesse immigrée. Il y avait un grand vide à ce niveau là”. 

Il s’installe à Paris pour développer son réseau. Il collabore avec la télévision Gulli, écrit des sketchs pour Canal + et poursuit des missions de communication. Après quelques années, toujours aussi persuadé par la force du dessin qui “permet en cinq traits de dire beaucoup et de toucher les gens”, il veut écrire davantage et cherche à être publié. Pour une portée bien plus forte et laisser une trace”. “Et puis, j’ai toujours imaginé trouver un jour mes livres dans la bibliothèque municipale de la ville ou j’ai grandi, là où je passais des après-midis entiers à lire et à rêver” s’amuse-t-il. Mais surtout, il ne voulait plus être tributaire de Facebook et Instagram qui pouvaient du jour au lendemain “couper le robinet”.  

“Si les Marocains peuvent se concentrer sur l’art, c’est que le pays est plus stable aujourd’hui”

Son premier contrat d’édition, il le signe avec Ouafa Mameche fondatrice de Faces cachées édition. On est venu le chercher pour reprendre ses dessins à travers 35 événements de 2001 à 2016, passés au crible de sa mine de crayon. Ses autres albums illustrés (Le petit manuel antiraciste pour les enfants (mais pas que !!!); Souvenirs du bled) sortis chez Edition Lapin ont été imprimés à plusieurs reprises. Il passe même de l’autre côté en prenant la tête d’une collection chez ce même éditeur. “Il s’agit de publier de nouveaux auteurs disons atypiques, avec un profil et un discours différent. On m’a clairement demandé de dénicher des talents avec un nouvel imaginaire, d’autres histoires que celles qu’on a trop vues”. Il cite l’exemple d’une illustratrice voilée, ou d’un auteur avec une maladie mentale…  

Très proche du Maroc, Rachid Sguini revendique ses deux nationalités. Et compte bien développer des projets artistiques entre ses deux patries. “J’ai besoin de m’y rendre très régulièrement, et à chaque fois, je réalise qu’il y a de plus en plus de musées, d’artistes qui émergent. Si les Marocains peuvent se concentrer sur l’art, c’est que le pays est plus stable aujourd’hui”. Au point que certains Franco-marocains parmi ses amis proches ont même décidé de s’y installer. “Après l’expérience de la Covid 19 et de la découverte du travail à distance facilitée pour certaines professions, l’idée d’être entre “ici et là-bas” fait son chemin” reconnaît Rakidd. 

*“Souvenirs du bled” Edition du Lapin, 2022

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