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Rachel Kambou : « Faire de la Côte d’Ivoire la principale destination pour le karité en Afrique et dans le monde »

Présidente de la coopérative des productrices du karité du Bounkani et deuxième vice-présidente de l’Interprofession du karité de Côte d’Ivoire, Lydie Kambou est incontournable dans le secteur. Celle qui a créé Malika, sa propre marque, est surtout l’avocate acharnée de la cause des travailleuses du karité en milieu rural. 

Par Issiaka N’Guessan à Abidjan

« C’est un secteur qui a donné un sens à ma vie. Depuis 2008, j’y suis très investie parce j’ai compris, dès l’âge de 14 ans, que c’est un secteur au potentiel énorme ». Lydie Kambou reste marquée par le triste jour où elle a perdu son père à l’adolescence. Devenue trop tôt orpheline avec 30 frères et sœurs, il a fallu faire très vite d’importants choix. Pour être autonome. 

Si la couturière de formation décèle vite le potentiel de cet arbre, elle remarque aussitôt les carences du secteur. « Malheureusement 98% des femmes qui sont dans le secteur du karité en Côte d’Ivoire, sont analphabètes et donc j’ai vite décelé leurs difficultés de réussir dans la filière » indique Lydie Rachel.

Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire se classe au cinquième rang mondial avec une estimation de 300.000 tonnes d’amandes de karité par an. « Parce que tout n’est pas ramassé. Mais Nous pouvons atteindre les 500 000 tonnes si tout était traité ». 

Du ramassage des amandes jusqu’à la transformation des produits dérivés, Lydie Kambou, native de la plus grande région de Côte d’Ivoire, le Bounkani (chef-lieu de région, Bouna, Nord-Est d’Abidjan) en a fait son cheval de bataille. Son rêve ? « Faire de la Côte d’Ivoire, la principale destination pour le karité en Afrique et dans le monde », pleine de reconnaissance envers les « chefs traditionnels [qui] ont pris la décision depuis des décennies de ne pas abattre les arbres. »

12000 femmes travaillent dans cette filière dans 8 régions

Belle femme, avec sa paire de lunettes, on la prendrait pour une enseignante. Mais à  l’entendre, on pense surtout à une avocate pour la cause des femmes. « La filière karité est un domaine d’activité typiquement feminin et nous pouvons réussir à atteindre l’autonomisation financière. 12 000 femmes travaillent dans cette filière dans huit régions du Nord-Est jusqu’au Nord-Ouest » détaille celle qui est aussi présidente de l’Alliance des femmes entrepreneures et solidaires de Côte d’Ivoire. 

Pour cela, nombre de défis doivent être relevés pour permettre aux femmes rurales de vivre décemment de leur labeur. « Les femmes ont un certain âge, il faut renouveler la main d’œuvre et utiliser des équipements de dernière génération ». Elle soutient que ces « équipements vont nous y faciliter pour être économiquement forts ». 

Ces vieilles femmes « sont mains nues, sans bottes, sans gants. Elles bravent tous les dangers pour ressortir avec cet or »

Le karité est un arbre sauvage qui pousse en région de savane. Il faut attendre la tombée des fruits pour les ramasser. Ce n’est pas une mince affaire pour les femmes. « Je les vois mourir chaque année car piquées par des serpents, des scorpions lors de la collecte. Et même violée dans la brousse parce qu’il faut parcourir des kilomètres pour avoir des fruits sains » se désole Lydie Kambou. Pour le ramassage, ces vieilles femmes « sont mains nues, sans bottes, sans gants. Elles bravent tous les dangers pour ressortir avec cet or, puis y retourner, casser du bois, cuire les amandes, revenir à la production du beurre… C’est pénible ». 

Le travail de Lydie Kambou a été reconnu par le gouvernement Ivoirien le 15 octobre 2022, par ONU-Femmes, et à l’international, « pour la certification du beurre de karité biologique. Et c’est parce que j’ai tenu bon. J’ai cru en ma capacité de réussite ». Si elle revient sur son parcours, c’est pour donner de l’inspiration aux jeunes filles déscolarisées, sans repère. « J’ai un regard très triste sur la scolarisation de la jeune fille en Afrique, car il n’y a pas de vraie volonté politique qui accompagne ces enfants ». Elle constate que « beaucoup de futures cadres de la gente féminine restent sur le carreau » faute de soutien familial. 

« C’est une brave femme, elle ne baisse pas les bras en dépit de ses difficultés financières »

Vendeuse d’attiéké, Gisèle Kiali a du jour au lendemain changé de statut pour devenir entrepreneure. « C’est grâce à elle. Avant je vendais de façon archaïque. C’est une brave femme, elle ne baisse pas les bras en dépit de ses difficultés financières ». 

Lydie Kambou entend poursuivre son « plaidoyer auprès du gouvernement pour passer à la phase pratique du Projet des Chaînes de Valeur Compétitives pour l’Emploi et la Transformation Économique (PCCET), qui va nous permettre d’obtenir des résultats face aux besoins et attentes énormes. Elle donne cinq ans à la filière karité pour qu’elle devienne un pilier de l’économie ivoirienne.

Tout le travail et la passion de Lydie Kambou n’ont donc pas fini de faire des émules. 

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