Anticolonialiste, infatigable défenseure des droits des femmes, l’avocate du FLN algérien a eu le droit à un hommage national orchestré par Emmanuel Macron à Paris, à l’occasion de la journée du 8 mars.
Par Mérième Alaoui, à Paris
Déjà lors de son “enfance dans une famille pauvre et séfarade de Tunisie, Gisèle Halimi était telle qu’elle apparaît aujourd’hui, à l’heure de lui rendre hommage, d’une fièvre indocile et d’une colère brûlante.” Ce sont ces termes qu’Emmanuel Macron a choisi pour évoquer Gisèle Halimi, née Zeiza Taïeb, célèbre avocate française et tunisienne disparue le 28 juillet 2020. En dépit d’une polémique franco-française autour de son entrée au Panthéon, l’hommage de la nation a été rendu symboliquement lors de la journée des droits des femmes du 8 mars. L’occasion pour le président d’annoncer que le droit à l’avortement, pour lequel elle aura activement milité, sera inscrit dans la constitution, le rendant inviolable.
« Le pire pour les femmes qui ont eu la chance d’étudier, qui ont ce pouvoir du savoir, comme je l’appelle, c’est de laisser tomber les autres femmes »
Née le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie, l’anecdote d’enfance qui représente le mieux l’avocate militante reste sa grève de la faim. « À 12 ans, j’ai fait une grève de la faim parce que les filles servaient les garçons » a-t-elle raconté à Radio France lors d’une émission qui lui a été consacrée. Pas étonnant qu’elle ait ensuite lutté pour poursuivre ses études et renoncer au destin tout tracé du mariage arrangé. Arrivée à Paris pour rejoindre la faculté de droit, celle dont le père naturalisé français, fasciné par les idéaux de la France, découvre le racisme et les inégalités. Devenue avocate, elle avait “des comptes à régler avec la République” et décide de défendre le Front de libération nationale (FLN) algérien. Elle rencontre la si emblématique Djamila Boupacha, jeune infirmière poseuse de bombes et la défend ardemment lors d’un procès qui a mobilisé le monde entier et engagé des grands noms comme Simone de Beauvoir, Picasso, Sartre… “Gisèle Halimi voulut faire de cette condamnée à mort le remords vivant d’une guerre que l’on refusait d’avouer, de traitements indignes que l’on infligeait, de la justice que l’on dévoyait” a reconnu Emmanuel Macron, pour désigner la torture systématique de l’armée française d’alors et le viol en masse des Algériennes.
“Gisèle Halimi devint ainsi la figure du féminisme contemporain, d’un féminisme qui veut éveiller les consciences, anéantir les inégalités, tendre avec exigence et détermination vers un monde de concorde entre les femmes et les hommes”
L’infatigable Gisèle Halimi est en effet une ardente défenseuse s’il en est, de la cause des femmes. “Le pire pour les femmes qui ont eu la chance d’étudier, qui ont ce pouvoir du savoir, comme je l’appelle, c’est de laisser tomber les autres femmes” compte parmi ses citations les plus connues. Chacun de ses combats se transforme en tribune politique et sont menés avec brio comme le célèbre procès de Bobigny en 1972. Elle y défend une jeune femme violée à seize ans, qui a eu recourt à l’avortement aidée par sa mère ainsi que trois femmes tenues pour complices. Le retentissement est tel, que trois ans plus tard, l’avortement est légalisé avec la loi sur l’IVG portée par son amie Simone Veil et le président Valéry Giscard D’Estaing.
Mais il faut aller plus vite, plus loin. L’avocate, proche du parti socialiste, est élue députée en 1981. “Gisèle Halimi devint ainsi la figure du féminisme contemporain, d’un féminisme qui veut éveiller les consciences, anéantir les inégalités, tendre avec exigence et détermination vers un monde de concorde entre les femmes et les hommes” a détaillé dans son discours le président.
Au- delà de cet hommage national, le nom de Gisèle Halimi est aussi entré dans le long mécanisme de la panthéonisation. Après moult polémiques franco-françaises, l’Elysée a bien confirmé que le processus était enclenché pour que la célèbre avocate anticolonialiste d’origine africaine, entre finalement un jour dans l’enceinte de symbole monumental de la République.