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Nyagakecuru, la femme, le roi, le serpent et les chèvres

À l’occasion de l’exposition Umugore, Umwami, Inzoka n’Ihene (La Femme, le Roi, le Serpent et les Chèvres), Guillaume Sardin rend hommage à Nyagakecuru, une figure féminine emblématique de l’histoire rwandaise, en réinterprétant son héritage à travers l’art. Une exploration de la mémoire et de la culture rwandaise qui met en lumière cette leader extraordinaire et son impact indélébile sur le pays.

Il était une fois, au Rwanda, une femme nommée Nyagakecuru, qui régnait sur une colline avec une poigne de fer. Vieille mais rusée, elle refusait de se soumettre aux rois et gouvernait seule, entourée de guerriers fidèles. Son pouvoir semblait inébranlable, mais un jour, un jeune héros du nom de Ruganzu Ndoli usa de sa sagesse pour l’affronter. Plutôt que de la combattre de front, il assécha la source qui alimentait son domaine. Affamée et assoiffée, Nyagakecuru perdit peu à peu son emprise, et ses hommes l’abandonnèrent. Ainsi, par l’intelligence plutôt que par la force, Ruganzu mit fin à son règne, et la colline retrouva la paix.

Réalité ou fiction, l’histoire de Nyagakecuru continue de hanter les collines du Rwanda ainsi que ses habitants. Parmi lesquels Guillaume Sardin. Ce dernier a vécu plusieurs années au Rwanda avant de partir pour d’autres horizons. Architecte un temps, il devient artiste et revient à Kigali le temps d’une exposition, Umugore, Umwami, Inzoka n’Ihene, présentée le 8 février à l’Atelier Pop-Up Gallery de Kimihurura. A travers cette exposition, l’artiste nous invite à une immersion dans l’histoire fascinante de Nyagakecuru, qui demeure une figure centrale de l’histoire rwandaise. Ce, à travers une peinture monumentale et une série d’Ingogoro (pots à lait peintes), l’exposition explore l’héritage de cette leader féminine de la région de Huye, dont l’influence a marqué son époque et continue de résonner dans l’imaginaire collectif du Rwanda.

Une héroïne intemporelle, dont les valeurs continuent de résonner dans le Rwanda d’aujourd’hui

C’est dans l’œuvre de Guillaume Sardin que Nyagakecuru retrouve une place centrale. À travers ses œuvres, Sardin interroge la manière dont l’histoire de cette femme puissante a été racontée et réinterprétée au fil du temps, tout en rendant hommage à sa grandeur et à son héritage. L’artiste joue sur l’ambiguïté de la narration pour aborder la question de l’historiographie, soulevant des interrogations sur le pouvoir des récits et leur capacité à façonner la mémoire collective.

Les Ingogoro peintes, traditionnellement associées à la vie quotidienne des rwandais, deviennent dans cette exposition un véhicule d’histoire et de mémoire. Chaque pot, soigneusement décoré, fait écho à des récits ancestraux, et en particulier à ceux qui tournent autour de Nyagakecuru. Ces objets, à la fois utilitaires et symboliques, sont réinterprétés par Sardin comme des témoins de l’histoire, portant les traces d’une époque où les femmes tenaient un rôle clé dans la transmission des savoirs et la gestion des communautés.

À travers la peinture monumentale, Guillaume Sardin propose une nouvelle lecture de Nyagakecuru, plaçant l’accent sur sa capacité à naviguer entre les mondes de la spiritualité, du pouvoir et de la sagesse. L’œuvre interroge le statut de la femme dans les récits historiques, tout en insistant sur l’importance de reconnaître et de célébrer ces figures souvent effacées par les grands récits masculins.

Guillaume Sardin se positionne ici comme un témoin extérieur qui questionne la manière dont l’histoire est construite, oubliée et réécrite. Par cette démarche artistique, l’artiste met en lumière la subjectivité des récits historiques et leur constante évolution au fil du temps. L’exposition propose ainsi un espace de réflexion sur la manière dont les femmes comme Nyagakecuru sont souvent reléguées aux marges de l’histoire officielle, malgré leur rôle fondamental dans la construction de la société.

L’artiste joue sur cette tension entre l’histoire orale rwandaise et l’interprétation contemporaine, ouvrant un dialogue entre la tradition et la modernité. À travers cette exploration de la figure de Nyagakecuru, Sardin nous invite à réfléchir sur la mémoire collective et son impact sur la construction de l’identité rwandaise actuelle, tout en soulignant la nécessité de redonner voix à ceux dont l’histoire a été éclipsée.

L’œuvre de Sardin ne se contente pas de relater l’histoire de Nyagakecuru : elle en redonne la parole, la vivifie et lui permet de traverser les âges. Par ce biais, l’artiste met en lumière l’importance des figures féminines dans les récits historiques et leur capacité à incarner des modèles de leadership, de résistance et de résilience. Nyagakecuru, à travers cette exposition, devient bien plus qu’un simple personnage du passé : elle incarne une héroïne intemporelle, dont les valeurs continuent de résonner dans le Rwanda d’aujourd’hui.

Ainsi, Umugore, Umwami, Inzoka n’Ihene n’est pas seulement une exposition artistique, mais une invitation à réexaminer la place de la femme dans l’histoire et à redonner à des figures comme Nyagakecuru le statut qu’elles méritent. C’est un appel à préserver la mémoire des femmes leaders du Rwanda, tout en interrogeant la manière dont l’histoire se raconte et se transmet à travers les âges.

Pour en savoir plus : https://www.guillaumesardin.com

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