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Nollywood : à la conquête du marché francophone

Nollywood est en termes de volume la deuxième industrie cinématographique au monde après le Bollywood indien. Le secteur, qui valait 1,4% du PIB 2014 du Nigéria, est devenu au fil des années une véritable mine d’or. Aujourd’hui, Nollywood dépasse ses frontières natales pour faire référence à une production continentale, certes anglophone, mais qui vise de nouveaux marchés.

Le succès du Nollywood auprès du public africain en général, et de sa diaspora en particulier, s’explique de plusieurs façons. Pour les immigrés installés à des milliers de kilomètres de leur famille, c’est avant tout la nostalgie du pays et les « péripéties de la vie sociale africaine » qui séduisent dans ces œuvres cinématographiques. « Je suis un togolais résidant à Lyon (en France) depuis 2001. J’ai connu les films africains pour la première fois après un passage au pays et je peux vous dire que j’en ai gardé une bonne impression : ces films nous mettent en contact avec les réalités du pays ; j’en raffole sur les plateformes »  souligne Albert Lawson, un cinéphile de la diaspora. Et ce sont justement ces nouveaux modes de distributions qui interrogent à présent Nollywood, notamment à l’heure du numérique.

Une distribution encore sauvage

Pour Gab Okoye (Gabosky), Directeur général de la firme de production et de distribution FilmHouse Cinemas, « la distribution demeure le nœud du problème dans l’industrie cinématographique en général, et c’est aussi vrai pour l’industrie  nigériane. »  Pourtant cette dernière valait environ 853.9 milliards de naira soit 5,1 milliards de dollars US en 2014 – ce qui la place en troisième position derrière Hollywood et Bollywood en termes financiers.

Mais compte tenu de son rayonnement sur tout le continent, il semble urgent de mettre en place de véritables entreprises de distribution d’envergure internationale. Ceci permettrait de lutter contre la piraterie que subissent les œuvres de Nollywood.  « La piraterie résiste à cause du manque de réseaux de distribution. Quand nous avons démarré Nollywood, nous ne disposions pas d’un réseau de distribution, et nous la faisions en direct avec tout son lot de problèmes. Par la suite, j’ai décidé d’ouvrir un réseau après l’obtention d’une licence auprès du gouvernement » explique Okoye.  Aujourd’hui, son groupe G-Media « est installé dans 20 Etats pour combler le manque de distributeurs nollywoodiens. »

De même pour les autorités nigérianes, cette distribution encore trop sauvage à l’international est un véritable manque à gagner. C’est pourquoi elles cherchent à réguler le secteur en allouant plus de la moitié des subventions – estimées à trois milliards de naira – au seul développement des réseaux de distribution, avec en ligne de mire les marchés étrangers, notamment francophones.

Des nouvelles plateformes pour des nouveaux marchés

Pour profiter du secteur, qui contribue à environ 1,4% de l’économie nationale du Nigeria, des plateformes de distribution de films ont aussi fait leur apparition. Notamment trois d’entre elles s’intéressent aux films de Nollywood : Ibaka TV, Nollywood TV et IrokoTV.  Cette dernière lancée en décembre 2011 avec des fonds de 3 millions de dollar US revendiquait l’an dernier un million de visiteurs uniques par mois. Désormais, Iroko veut aller plus loin dans la distribution en ligne, et c’est dans cette optique qu’elle a lancé en novembre 2015 Iroko Global, la division chargée de la distribution mondiale.

Basée à Londres, l’équipe d’Iroko Global va distribuer son catalogue notamment via les chaînes Tv sur Internet, les plateformes de télévision payante ou encore via les chaînes YouTube. Et c’est justement pour s’attaquer aux marchés francophones qu’elle a récemment signé un partenariat de plusieurs millions d’Euros avec le groupe français Canal Plus – avec le lancement du « premier » service de vidéo à la demande (VOD) sur mobile Android pour l’Afrique francophone.

En proposant de diffuser « notamment les films et séries TV de Nollywood » les deux groupes ambitionnent de conquérir un marché de 250 millions de francophones répartis dans 23 pays en Afrique. Et de participer ainsi à la conquête francophone que Nollywood nécessite pour poursuivre son expansion et harmoniser sa distribution.


 

Auteur : Blamé Ekoue // Photo : Ghana-Must-Go, succès de Nollywood – © Blamé Ekoue

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