Moataz Helmy : “L’un des principaux atouts de l’écosystème technologique africain est sa capacité à innover et à trouver des solutions aux problèmes locaux”
L'Afrique abrite un écosystème technologique florissant qui a connu une croissance considérable ces dernières années. Quelles sont les forces, les faiblesses du secteur technologique africain ? Analyse à travers l’expérience, et l’expertise d’Afrilabs, acteur majeur de cet écosystème.

Par Moetaz Helmy*
L’écosystème technologique africain a connu une croissance considérable ces dernières années, sous l’effet d’une combinaison de facteurs tels qu’une population jeune et dynamique, un accès croissant aux technologies mobiles et à l’internet, et un appétit grandissant pour l’innovation et l’esprit d’entreprise. Selon un récent rapport de Partech, le secteur africain des startups technologiques a levé un montant record de 6,5 milliards de dollars de financement en 2022 à travers 764 tours de table, contre 5,2 milliards de dollars en 2021 (+8% d’augmentation en glissement annuel), mené par le Nigeria (1,2 milliard de dollars), suivi de l’Afrique du Sud (830 millions de dollars) et de l’Égypte (787 millions de dollars).
Cette croissance est due à un certain nombre de facteurs, notamment l’augmentation des investissements dans le secteur par des investisseurs locaux et internationaux, l’émergence d’une nouvelle génération de chefs d’entreprise férus de technologie, et l’essor des technologies mobiles et de l’internet qui ont permis une plus grande connectivité et un meilleur accès à l’information.
Ce montant d’investissement est réparti entre différents secteurs : fintech (39 %), suivi par cleantech (18 %) et E-commerce (13 %). D’autres secteurs ne sont pas encore très attractifs pour les investisseurs providentiels, bien qu’ils soient très importants, comme les technologies de la santé (4 %), la mobilité (4 %), la logistique (4 %) et les technologies de l’éducation (2 %).
Points forts de l’écosystème technologique africain
L’un des principaux atouts de l’écosystème technologique africain est sa capacité à innover et à trouver des solutions aux problèmes locaux. Les entrepreneurs africains ont été en mesure de tirer parti de la technologie pour résoudre un large éventail de problèmes, allant des soins de santé et de l’éducation à l’agriculture et à la finance. Cela a conduit à l’émergence d’un certain nombre de startups prospères sur le continent, notamment Fawry, Flutterwave, Andela et Jumia.
Un autre atout de l’écosystème technologique africain est son potentiel de croissance. Avec plus de 1,3 milliard d’habitants et une classe moyenne en pleine expansion, l’Afrique représente un énorme marché inexploité pour les produits et services technologiques. Cette situation, associée à l’augmentation des investissements locaux et internationaux, crée un terrain fertile pour l’innovation et l’esprit d’entreprise.
Les faiblesses de l’écosystème technologique africain
Malgré ses nombreux atouts, l’écosystème technologique africain reste confronté à un certain nombre de défis. L’un des principaux obstacles est le manque d’accès au financement et aux ressources. De nombreuses startups africaines ont du mal à obtenir le financement dont elles ont besoin pour se développer, en raison du manque d’investisseurs locaux et de l’accès limité aux capitaux internationaux.

Un autre défi est le manque d’infrastructures et de soutien aux startups. De nombreux pays africains manquent encore d’infrastructures de base telles qu’une électricité fiable et une connectivité internet, ce qui peut entraver la croissance des startups technologiques. En outre, de nombreux pays africains souffrent d’une pénurie de travailleurs qualifiés dans le secteur des technologies, ce qui peut empêcher les startups de trouver les talents dont elles ont besoin pour se développer.
Politiques et réglementations
La réglementation et les politiques du secteur technologique en Afrique diffèrent d’un pays à l’autre et sont encore en cours de développement dans de nombreuses régions. Plusieurs pays, dont la Tunisie, le Sénégal et le Nigeria, ont mis en œuvre de nouvelles lois sur les startups et d’autres politiques visant à stimuler le secteur technologique, telles que la labellisation des startups, les incitations fiscales, les fonds d’investissement et le soutien aux startups. L’Égypte a adopté une approche plus ciblée, en établissant des réglementations distinctes pour soutenir l’innovation fintech spécifique. L’Algérie a également pris des mesures pour promouvoir les startups, notamment la création d’un nouveau ministère qui se consacre exclusivement à l’économie de la connaissance et aux startups.
Entreprises technologiques dirigées par des femmes
Disrupt Africa et Madica ont publié un nouveau rapport sur l’égalité des sexes dans l’écosystème technologique africain, qui révèle un manque important de diversité des genres. Sur près de 2 500 startups technologiques africaines étudiées, seules 14,6 % avaient une femme cofondatrice et 9,6 % étaient dirigées par une femme PDG. En outre, seulement 21 % des 711 startups technologiques africaines qui ont obtenu un financement en 2022 et 2023 avaient au moins une femme cofondatrice, et seulement 11,7 % étaient dirigées par une femme PDG.
En conclusion, AfriLabs a joué un rôle clé dans la croissance de l’écosystème technologique africain en fournissant une plateforme pour la collaboration, l’innovation et l’entrepreneuriat. Malgré les défis auxquels le secteur technologique africain est encore confronté, il ne fait aucun doute qu’il a le potentiel pour devenir une force majeure dans le paysage technologique mondial dans les années à venir.
Avec le soutien et les investissements appropriés, les startups africaines peuvent non seulement résoudre des problèmes locaux, mais aussi créer des solutions innovantes susceptibles d’être transposées à plus grande échelle et appliquées à l’échelle mondiale. À mesure que l’écosystème technologique africain continue de se développer et de mûrir, il est clair qu’il jouera un rôle de plus en plus important dans la définition de l’avenir de la technologie et de l’innovation.
*Moetaz Helmy est le président d’AfriLabs
AfriLabs est un réseau de plus de 427 centres de technologie et d’innovation répartis dans 52 pays africains. Il a été fondé en 2011 dans le but de soutenir la croissance de l’écosystème technologique africain en fournissant une plateforme de collaboration, de partage des connaissances et d’innovation. AfriLabs est une organisation à but non lucratif financée par des entreprises, des gouvernements et des organisations philanthropiques.
L’objectif principal de l’organisation est de soutenir les startups et les entrepreneurs en leur donnant accès au financement, au mentorat, à la formation et à d’autres ressources. AfriLabs organise également un certain nombre d’événements et de programmes tout au long de l’année, notamment le programme de renforcement des capacités d’AfriLabs, le Fonds Catalytique pour l’Afrique, la simulation d’entreprise Rollo, des hackathons, des camps d’entraînement et des conférences, visant à promouvoir l’innovation et la collaboration au sein de la communauté technologique africaine.




