Grâce à leurs potentiels économiques et stratégiques importants, le Maroc et le Nigeria pourraient, dans un futur très proche, dynamiser leurs échanges.Les deux « lions de l’Afrique » pourraient ainsi rapprocher leurs synergies dans les domaines de l’industrie mais aussi dans celui de l’agriculture, de la finance, de l’énergie, des infrastructures…
Selon le site d’informations économique marocain Medias 24, le ministre délégué aux Affaires étrangères du Maroc, Nasser Bourita s’est rendu au Nigeria pour y rencontrer le Président Muhammadu Buhari, à Abuja, avec la perspective d’installer une usine de produits fertilisants par le biais du producteur de phosphate marocain OCP. Ainsi, le Maroc et le Nigeria démontrent leur ambition commune d’agir pour la sécurité alimentaire. Ces deux pays qui sont deux modèles de développement ont inspiré l’objet d’un séminaire qui a eu lieu le 19 juillet 2016 à Lagos : « Morocco-Nigeria, Bridging the Synergies », organisé par Economie Entreprises, un média marocain, en partenariat avec le think thank nigérian, Center for Public Policy Alternatives. Il a pour objectif de rapprocher la réflexion économique entre le Maroc et le Nigeria. Il réunissait plus de 150 personnalités des secteurs publics et privés, décideurs, chercheurs, économistes dont Olusegun Obasanjo, ex-Président du Nigeria ainsi que Obiageli Ezekwesili, ex-ministre de l’Education du Nigeria.
Une perspective de partenariat sud-sud
Traversant actuellement une crise économique et financière sans précedent, le Nigeria pourrait bien mettre l’accent sur ses relations avec le Maroc afin de sortir de cette situation. Les derniers chiffres rapportés par le bureau nigérian des statistiques démontrent une augmentation de l’inflation à 16,5% fin juin, contre 15,3% en mai. Il s’agit du plus haut niveau enregistré depuis octobre 2005. Ces deux grandes économies sont également deux grands acteurs qui pourraient parfaitement réussir le partenariat sud-sud. Notons que les échanges entre ces deux géants économiques n’ont jamais été conséquents. « Le Maroc et le Nigeria sont deux pays avec beaucoup d’atouts et des complémentarités qui ont été insuffisamment évaluées à ce jour et sont de ce fait nettement sous-exploitées. Peut-être que l’obstacle linguistique a amené le gouvernement marocain et ses hommes d’affaires à s’intéresser plutôt à l’Afrique francophone où le Maroc est bien positionné dans de nombreux secteurs notamment les banques, les assurances et les services. De ce fait, les échanges entre le Maroc et le Nigeria sont très limités et le Nigeria ne contribue qu’à seulement 0,6% des exportations marocaines et 0,1% de ses importations. Ces exportations portent essentiellement sur deux produits : les engrais et les produits halieutiques. Quant aux importations, il s’agit surtout de gaz naturel, d’aliments pour bétail, de café et de cacao. Cela dit, les bases d’une bonne coopération sont en place et à cet égard, j’observe que la Royal Air Maroc assure une desserte quasi-quotidienne entre Casablanca et Lagos qui tient lieu de pont stratégique entre les deux pays et avec les autres continents.
On observe cependant que d’importantes niches sont encore sous-utilisées y compris dans le domaine du tourisme où le Maroc pourrait capter une clientèle nigériane relativement aventureuse et dans de nombreux secteurs où il existe un potentiel de partenariat gagnant-gagnant », indique Marie Françoise Marie-Nelly, Directrice du Département Maghreb et Malte, Moyen-Orient et Afrique du Nord de la Banque mondiale.
Des atouts économiques considérables
Le Maroc et le Nigeria sont deux pays classés dans la catégorie de pays à revenu intermédiaire par la Banque mondiale. « …C’est donc dire que notre valeur ajoutée est bien plus liée à notre contribution intellectuelle qu’à notre appui financier. Dans les deux pays, la Banque mondiale apporte son expertise dans différents domaines liés au développement. Elle conduit des analyses et des études techniques qui aident aux réflexions dans le cadre de la préparation et la revue des politiques publiques et elle contribue au partage du savoir (knowledge sharing) et à la facilitation de partages d’expériences entre pays. A titre d’exemple, les deux pays ont des plans de diversification et d’amélioration de leur productivité agricole et peuvent beaucoup apprendre l’un de l’autre. Étant présente dans ce secteur dans les deux pays, la Banque peut jouer un rôle de catalyseur dans ces échanges. De même, le Maroc a été précurseur dans le développement d’une stratégie pour atténuer les effets du changement climatique et a défini un programme ambitieux pour améliorer son mix énergétique avec un objectif de 42% d’énergies renouvelables à l’horizon 2020 et 52% à l’horizon 2030. Dans ce contexte, il a développé une capacité de production d’énergie solaire concentrée avec l’appui de la Banque mondiale et d’autres partenaires financiers. Cette expérience localisée à Ouarzazate, au centre du pays, est bien avancée avec une première tranche de 180MW déjà opérationnelle depuis quelques mois. Le Nigeria pourrait apprendre de cette expérience, car sa partie Nord dispose de toutes les conditions pour développer l’énergie solaire dans des conditions favorables et ainsi diversifier son mix énergétique. La Banque mondiale qui intervient dans les deux pays peut également favoriser ces échanges », ajoute Marie Françoise Marie-Nelly. Ainsi, en renforçant ses rapports économiques avec le Maroc, la première puissance économique d’Afrique, qui souffre de crise pétrolière, pourrait envisager de développer sa croissance économique.
Par Darine Habchi