Maram Kaïré : le rêveur pragmatique qui conduit le Sénégal vers les étoiles

Maram Kaïré n’est pas un OVNI, ni même un extraterrestre. Pourtant, son parcours et ses ambitions pour le Sénégal peuvent sembler tout droit sortis d’un roman de science-fiction. « Peut-être juste dans l’anticipation, » dit-il en riant lorsqu’on lui demande s’il se considère comme un OVNI terrestre. Depuis son plus jeune âge, Kaïré a toujours eu les yeux rivés vers les étoiles. « À l’âge de 12 ans, j’ai commencé à m’intéresser à l’astronomie après l’explosion de la navette Challenger. Cet événement tragique a marqué ma mémoire et déclenché ma passion pour l’exploration spatiale. »

Cependant, le Sénégal de l’époque n’offrait pas les ressources nécessaires pour nourrir cette passion. « L’astronomie n’était pas une science qu’on pouvait apprendre dans nos écoles ou dans nos universités. Il fallait se documenter, apprendre seul et surtout, observer. » Sans télescope, Kaïré a commencé à en construire un lui-même, un projet qu’il a mené à terme à l’âge de 14 ans. Ce premier pas vers les étoiles l’a conduit à créer l’Association sénégalaise d’astronomie en 2006, avec pour mission de vulgariser l’astronomie et d’inspirer les jeunes Sénégalais.

L’engagement de Kaïré pour l’astronomie a rapidement attiré l’attention internationale. En 2018, la NASA l’a sollicité pour coordonner une mission d’occultation stellaire pour la sonde New Horizons. « Nous avons accompagné la NASA au-delà de Pluton pour rencontrer un astéroïde à 6 milliards de kilomètres de la Terre. Le survol a eu lieu le 1er janvier 2019, une grande réussite pour notre équipe de cinquante astronomes et astrophysiciens. »

L’Afrique a considéré le spatial comme un luxe, mais c’est une erreur. Les données satellitaires sont essentielles

Fort de ces succès, Kaïré a discuté avec le président sénégalais de la nécessité de créer une agence spatiale nationale. Ainsi, le 29 mars 2023, l’Agence sénégalaise d’études spatiales (ASES) a vu le jour, avec Kaïré comme premier directeur général. « Notre mission est d’élaborer la politique et la stratégie nationale dans le domaine spatial, de coordonner les initiatives, de construire les infrastructures nécessaires et de faire le transfert de compétences. »

L’ASES a des projets ambitieux. « Nous travaillons sur notre premier satellite, finalisé avec le Centre spatial universitaire de Montpellier, et sur une constellation de 5 à 7 satellites que nous espérons lancer à partir de 2028. Nous voulons également créer une ‘Sénégal Space Valley’, une ville dédiée exclusivement au spatial, inspirée par des modèles comme Toulouse en France ou la Floride aux États-Unis. »

Pour Kaïré, l’investissement dans le spatial est crucial pour le développement de l’Afrique. « Les pays avancés dans les objectifs de développement durable sont ceux qui ont misé sur le spatial. L’Afrique a considéré le spatial comme un luxe, mais c’est une erreur. Les données satellitaires sont essentielles pour l’agriculture, la santé, l’éducation, la sécurité et même l’exploitation pétrolière et gazière. Par exemple, grâce au spatial, nous pouvons surveiller nos frontières, améliorer l’agriculture intelligente et faciliter la télémédecine dans des zones reculées. »

Kaïré croit fermement que l’Afrique doit rattraper son retard spatial pour ne pas être laissée pour compte. « Avec l’avènement du New Space, le spatial est à la portée des États africains. Aujourd’hui, un satellite peut être développé avec seulement 1 million de dollars, rendant cette technologie accessible aux universités, startups et jeunes innovateurs. »

En plus de ses projets nationaux, l’ASES cherche à collaborer avec d’autres agences africaines. « Nous travaillons avec le Kenya, le Rwanda, la Tunisie et d’autres pays pour partager nos expériences et avancer ensemble. La création de l’Agence spatiale africaine va également jouer un rôle crucial dans la coordination des efforts sur le continent. »

Nous voulons que les jeunes générations puissent non seulement rêver des étoiles, mais aussi se projeter dans des carrières spatiales

Kaïré, nommé Commandeur de l’Ordre National du Lion du Sénégal et dont le nom a été attribué à un astéroïde (35462 Maramkaire), incarne la vision d’un Sénégal audacieux et ambitieux. « Nous voulons que les jeunes générations puissent non seulement rêver des étoiles, mais aussi se projeter dans des carrières spatiales. Le spatial doit devenir un levier de croissance et de développement pour notre pays. Nous avons 50 ans à rattraper, mais avec détermination et anticipation, nous pouvons y arriver. »

Maram Kaïré est un rêveur pragmatique, un homme dont les rêves touchent aux étoiles tout en ayant les pieds bien ancrés sur Terre. Son leadership à la tête de l’ASES est une promesse d’avenir radieux pour le Sénégal et pour l’Afrique.