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Mahi Binebine : « Nous, écrivains africains devons croire en notre potentiel »

Écrivain et peintre marocain reconnu dans le monde, il défend avec ferveur la création artistique africaine avec le Festival du livre africain de Marrakech (FLAM) qui a tenu sa première édition du 9 au 12 février 2023. 

Par Merieme Alaoui

On ne le présente plus. Célèbre écrivain et peintre marocain, ses livres sont traduits dans une dizaine de langues, et ses tableaux sont comptés dans la collection permanente du musée Guggenheim de New York. Il y a quelques mois seulement, il a eu l’idée simple de créer un festival du livre sud-sud pour mettre en lumière les œuvres d’auteurs africains, de part et d’autre du Sahara. « Nous nous sommes rendus compte que nous ne nous connaissions pas. Nous, écrivains africains, devons présenter notre travail d’abord en Afrique et croire en notre potentiel. Pourquoi est-ce qu’un artiste africain n’arrive pas à émerger sans passer par Paris ? », s’interroge le président du festival.

Arrivé lui-même en 1980 dans la capitale française pour des études supérieures de maths à l’université de Jussieu, il devient professeur dans une « boîte à bac ». S’il a toujours été attiré par l’art, il répond définitivement à l’appel de la création artistique près d’une dizaine d’années plus tard. En 1992, il s’installe à New York où sa carrière prend un tournant majeur. 

« Nous nous sommes rendus compte que nous ne nous connaissions pas… Nous écrivains africains devons présenter notre travail d’abord en Afrique et croire en notre potentiel »

De retour à Paris en 1999, il quitte pourtant la France peu après. « Lorsque Jean-Marie Le Pen s’est retrouvé au second tour des Présidentielles en 2002. Je n’ai pas supporté, je me suis senti trahi et j’ai décidé de rentrer à Marrakech ou je suis né », justifie-t-il son départ. Un « coup de tête » qui s’est avéré être « la meilleure décision de ma vie » affirme-t-il.

L’amoureux de Paris s’installe définitivement au Maroc, et décide de développer ses relations sud-sud. Avec son ami, le réalisateur franco-marocain Nabil Ayouche, il lance les centres culturels de la Fondation Ali Zaoua qu’il co-préside. Une façon d’ouvrir à la culture, les enfants démunis du royaume. « Je suis moi-même né dans une famille pauvre. Mes parents se sont séparés quand j’avais 3 ans. Ma mère a élevé seule sept enfants avec sa petite paye de secrétaire », se rappelle Mahi Binebine. Offrir à ces jeunes la possibilité de découvrir la culture, « c’est extraordinaire ! » répète-t-il. « Après une dizaine d’années à faire tourner ces centres avec de maigres moyens, nous avons obtenu une subvention de l’INDH (Initiative nationale pour le développement humain) à hauteur de 30 % pour chacun des cinq centres », raconte l’écrivain. C’est justement dans celui de Marrakech, « Les Etoiles de Jemaa El-Fna », que les artistes reconnus et invités au FLAM, se sont rassemblés. 

« Le potentiel de l’art africain est exceptionnel, on compte des foires d’art uniques »

Initiée par l’association « We Art Africa/NS » et le soutien de nombreux partenaires nationaux et internationaux sur le thème « L’Afrique en toutes lettres », ce festival était d’abord « une aventure un peu en kamikaze. Nous avons invité une quarantaine d’auteurs du monde entier, qui étaient dans nos réseaux ». Et pas des moindres : Achille Mbembe, Jean Marie Le Clézio, Lilian Thuram, Jennifer Richard, Ken Bugul, Makenzy Orcel, Fouad Laroui, Rodney Saint-Eloi, Louis-Philippe Dalembert, Sami Tchak, Fawzia Zouari, Véronique Tadjo ou encore Mohamed Bennis… Et des auteurs arabophones, francophones et anglophones issus de toute l’Afrique. 

« Le potentiel de l’art africain est exceptionnel, on compte des foires d’art uniques comme celle de Touria El Glaoui 1-54, (principale foire d’art internationale dédiée à l’art contemporain africain, avec des éditions à Londres, New York, Marrakech et Paris depuis 2013, NDLR) ou celle de la Mamounia », poursuit Mahi Binebine. Après les banques, les assurances, le Maroc veut se hisse à la tête de l’organisation artistique du continent. Devenir un centre névralgique de créations et de rencontres africaines. La première édition du FLAM n’était-elle pas annoncée comme celle qui « consacre une place particulière à la réactivation et à la consolidation des mémoires et des liens indéfectibles qui unissent tous les Africains partout où ils se trouvent » ? Un rendez-vous réussi qui devrait trouver un public toujours plus large. 

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