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Leïla Chaïbi : “Il y a un vrai réveil cinématographique en Afrique avec l’écriture documentaires”

Les Africains veulent raconter leurs propres histoires, révéler leur vision du monde sur grand écran, mais encore faut-il être repérés, produits et diffusés. C’est tout le combat de Leïla Chaïbi, réalisatrice franco-algérienne qui a vécu en Tunisie et qui promeut le cinéma Nord-Sud. 

Par Mérième Alaoui 

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Elle est franco-algérienne mais aussi d’une certaine façon tunisienne. “J’y ai vécu pendant des années, et mes deux parents ont des liens très forts avec ce pays, pour des raisons différentes », murmure Leïla Chaïbi, 40 ans. Pas étonnant que cette réalisatrice ait trouvé son inspiration au pays du jasmin. Après un documentaire remarqué, “Le Verrou”, son dernier film, “Gardien des mondes” est en compétition cet automne au prestigieux festival des Journées cinématographiques de Carthage (JCC). Mais aussi au festival du film arabe de Fameck et à celui du cinéma méditerranéen Cinémed à Montpellier. 

Son documentaire poétique, magnifiquement filmé, raconte l’histoire de Hassan, un gardien de cimetière dans les collines du Jellaz en Tunisie. « C’est ce qu’on appelle un indigent qui a choisi de vivre avec les morts. Il navigue entre le monde des vivants et celui des morts, en quête de liberté. Un portrait de la solitude, en ces temps modernes ». Ces trois sélections simultanées sont déjà de belles reconnaissances du milieu, une validation très prisée par ses pairs. “Des centaines et des centaines de films sont envoyés pour chaque festival, il y a ensuite des présélections. Pour moi, être simplement en compétition finale, c’est déjà une victoire” se réjouit-elle. 

Derrière cette mise en lumière qu’offre le festival, il y a tout un intérêt économique

Car derrière cette mise en lumière qu’offre le festival, il y a tout un intérêt économique. L’objectif est d’être repéré par un diffuseur pour un achat par la télévision, ou par un distributeur pour une éventuelle sortie en salle de cinéma. Un sacré pari, sachant que le film de Leila a par exemple coûté 150 000 euros, et qu’elle y a consacré environ cinq ans de travail.

Après une faculté de cinéma, la réalisatrice s’est retrouvée journaliste reporter d’images (JRI) pour la télévision publique française à l’île de la Réunion. “Pendant ces trois années, j’ai appris le métier sur le terrain.” Puis l’Afrique du nord l’appelle, elle part tenter sa chance sur cette terre qui l’attire tant. Elle intègre la télévision Nessma TV à Tunis et intègre le réseau des réalisateurs et producteurs tunisiens. “Une production très riche, qui développe plusieurs styles. Ce n’est pas un hasard si le film d’horreur maghrébin à succès, “Dachra”, est tunisien”. 

Très vite Leila a envie de raconter ses propres histoires. Elle décroche une résidence d’écriture dans le cadre du programme Africadoc organisé chaque année par les rencontres Tënk de coproduction à Saint-Louis du Sénégal. Un cadre parfait pour celle qui croit aux co-productions entre le Nord et le Sud. En Afrique, les plus grands festivals visés sont le Fespaco, le JCC à Carthage ou le festival international de Durban en Afrique du Sud. 

Elle participe à plusieurs projets avec des collègues africains. Elle cite d’abord le film du Guinéen Souleymane Diallo « Au cimetière des pellicules » ou elle était chargée de l’image. Le film raconte le périple personnel du réalisateur qui part à la recherche de la pellicule perdu de Mouramani. Le tout premier film réalisé par un Africain en 1953, mais que personne n’a vu. Sa quête, dans laquelle il fait l’état des lieux des cinémas de son pays, l’emmène jusqu’en France, à naviguer dans l’histoire coloniale entre ces deux pays.

Le film documentaire “offre un nouveau regard, qui défend un propos africain. Et puis cela coûte moins cher que de se lancer dans une fiction” 

Sélectionné entre autres, à la Mostra de Venise, il est reparti avec quatre prix. Ce qui a été précieux pour celui qui n’a pas pu bénéficier de l’aide de son pays. La Guinée n’a pas de fond pour le cinéma. “Il y a un vrai réveil cinématographique en Afrique avec l’écriture de documentaires. Il offre un nouveau regard qui défend un propos africain. Et puis cela coûte moins cher que de se lancer dans une fiction” observe Leila. 

Celle qui met un point d’honneur à travailler minutieusement chaque cadre, considère la caméra et le cinéma comme de simples outils. “Pour créer des liens. Et porter la parole des autres, leurs histoires”. Avec un collectif de professionnels du Maghreb et de France, elle crée l’association la Lucarne. “Nous avons plusieurs activités : nous accompagnons des enfants qui réalisent leur propre film. Mais nous avons aussi des projets audiovisuels collaboratifs”. Des projets tout aussi ambitieux, qui pourront peut-être trouver un jour leur place dans des festivals. 

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