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Le “Paris noir” de Kévi Donat : une mémoire en marche

Avec ses visites guidées et son livre À la découverte du Paris noir, Kévi Donat réhabilite les figures noires de l’histoire parisienne, longtemps invisibilisées. Une démarche salutaire qui s’inscrit dans une quête de mémoire et de justice, au moment où le Centre Pompidou consacre une exposition au sujet.

Depuis plus de dix ans, Kévi Donat arpente les rues de Paris pour y faire résonner les voix oubliées de l’histoire noire. Dans ses « balades du Paris noir », le guide-conférencier martiniquais met en lumière des figures issues d’Afrique, des Caraïbes et des États-Unis, intellectuels, artistes, résistants ou politiques. Son livre, À la découverte du Paris noir (Faces cachées, juin 2025), prolonge ce travail de terrain par un récit richement documenté, dans un pays encore en quête d’une mémoire partagée.

Le seul changement visible depuis 2020, c’est la statue de Solitude

« Le seul changement visible depuis 2020, c’est la statue de Solitude », note-t-il. Érigée dans le 17e arrondissement, elle est la première en l’honneur d’une femme noire à Paris. Quelques autres avancées – comme le parc Jane Vialle dans le 18e ou des hommages aux sœurs Nardal – restent encore des exceptions.

Il y a l’histoire officielle et l’histoire invisibilisée

La démarche de Kévi Donat trouve un écho renouvelé depuis 2020, dans un contexte post-George Floyd et de remise en question mondiale des héritages coloniaux. Il attire désormais un public français en quête de récits absents des manuels scolaires. « Il y a l’histoire officielle et l’histoire invisibilisée », témoigne Smail, professeur venu assister à une visite sur la rive gauche.

Ce n’est pas parce que la France n’était pas raciste, mais parce qu’elle devait se donner une image universaliste

Ces balades, ouvertes à tous sans distinction, reposent sur un socle rigoureux : « Je ne raconte pas des anecdotes, j’apporte un contexte, une analyse », insiste Donat. Devant le Panthéon, il évoque Félix Éboué, premier Noir panthéonisé, et Gaston Monnerville, ancien président du Sénat. Son discours replace leurs parcours dans la logique impériale française : « Ce n’est pas parce que la France n’était pas raciste, mais parce qu’elle devait se donner une image universaliste. »

L’exposition Paris Noir du Centre Pompidou, visible jusqu’au 30 juin, marque une première institutionnelle, mais reste timide, selon lui : « Elle manque d’un parti pris radical, d’une vraie narration anticoloniale », regrette-t-il. Il appelle à des initiatives pérennes, comme la Maison des mondes africains, qui peine encore à s’installer durablement dans le paysage culturel parisien.

Il faut du courage politique. Mais la mémoire, elle, est là

Mais l’espoir demeure. « Il existe des institutions volontaires comme la Fondation pour la mémoire de l’esclavage », souligne-t-il. Et les succès publics de ses visites prouvent une demande forte : « Il faut du courage politique. Mais la mémoire, elle, est là. »

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