L'AFRIQUE DANS LE MONDELE MONDE VU D'AFRIQUE

Le monde vu d’Afrique : les milliardaires peuvent‑ils réellement sortir le monde de la pauvreté ?

Un rapport de Oxfam alerte : la richesse accumulée par les milliardaires des pays du G20 en un an suffirait à éradiquer l’extrême pauvreté mondiale. Cela dit, entre inégalités croissantes, choix politiques et réalités structurelles, cette richesse ne garantit en rien un avenir plus juste — encore moins pour l’Afrique, souvent la plus exposée aux dynamiques inégales.

Depuis fin novembre 2025, à la veille du sommet du G20 en Afrique du Sud, Oxfam a relancé un débat vieux de plusieurs décennies : l’accumulation spectaculaire de richesses à l’échelle planétaire peut‑elle se traduire en réduction durable de la pauvreté globale ? Selon l’ONG, les milliardaires des 19 pays du G20 ont augmenté leur fortune collective de 2 200 milliards de dollars en un an, ce qui porterait leur patrimoine combiné à 15 600 milliards de dollars. 

Oxfam compare cette somme à l’estimation du coût pour sortir de la pauvreté les 3,8 milliards de personnes qui vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté : environ 1 650 milliards de dollars par an. Pour l’ONG, cela prouve que les ressources existent — du moins sur le papier — pour financer un réveil massif de la justice sociale à l’échelle planétaire. 

Il ne suffit pas que l’argent existe, il faut le  taxer équitablement

Mais ce scénario — simple en chiffres — bute sur des obstacles structuraux. D’abord, la richesse des ultra‑riches ne se transforme pas automatiquement en investissements publics ou en transferts vers les plus démunis. Les mécanismes de redistribution (taxation, solidarité, régulation) exigent des décisions politiques, un cadre institutionnel solide, et beaucoup de volonté collective. Oxfam le souligne d’ailleurs : il ne suffit pas que l’argent existe, il faut le « taxer équitablement », afin qu’il serve à financer la lutte contre la pauvreté et le dérèglement climatique. 

Par ailleurs, la montée des inégalités s’accompagne d’un creusement des disparités entre pays — et c’est là que l’Afrique apparaît particulièrement vulnérable. Pour de nombreux États africains, l’accès limité aux infrastructures, la faiblesse des systèmes fiscaux et le poids de la dette compliquent la captation d’investissements étrangers ou internes. Même si des flux de capitaux arrivaient, il faudrait encore en garantir une bonne gouvernance et une distribution juste.

Une concentration du pouvoir économique susceptible de fragiliser la démocratie, accroître les inégalités internes et compromettre les politiques de redistribution

En outre, l’origine même des fortunes massives, souvent liée à des héritages, des monopoles ou des avantages fiscaux, suscite des interrogations sur la notion de mérite ou d’équité. Selon le rapport d’Oxfam, la hausse de la richesse privée mondiale depuis 1995 — 342 000 milliards de dollars sur l’ensemble — a été huit fois plus rapide que celle des ressources publiques. Cela induit une concentration du pouvoir économique susceptible de fragiliser la démocratie, accroître les inégalités internes et compromettre les politiques de redistribution.

Pour l’Afrique, un risque de marginalisation 

Pour l’Afrique, l’enjeu est double. D’un côté, l’existence de capitaux suffisants pour éradiquer la pauvreté mondiale pourrait — sous certaines conditions — représenter une opportunité historique : financement des infrastructures, renforcement des systèmes de santé et d’éducation, développement de projets structurants. Mais de l’autre, s’il n’y a pas de réforme profonde — fiscale, institutionnelle, de gouvernance —, le continent risque de rester marginalisé, observateur d’un contraste entre fortunes obscènes et pauvreté endémique.

Ainsi, loin d’être une simple question de chiffres, la discussion autour de la richesse des milliardaires et de la pauvreté mondiale interroge la capacité collective à transformer des ressources privées en bien public. Tant que les mécanismes de redistribution resteront incertains, la promesse d’un monde sans pauvreté — si séduisante soit-elle — aura peu de chances de se réaliser.

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