L’Afrique et la course à l’IA : analyse de la compétitivité du continent
Dans une tribune percutante, Sidi Saccoh alerte sur le retard de l’Afrique dans la course mondiale à l’intelligence artificielle, non par manque de talents, mais faute d’infrastructures adaptées.

Par Sidi Saccoh*
Alors qu’une grande partie de la population africaine découvre encore les technologies émergentes, la classe moyenne montante du continent s’est révélée prompte à les adopter et à les intégrer dans la vie quotidienne.
Depuis des années, l’Afrique est un consommateur enthousiaste de nouvelles technologies. Mais lorsqu’il s’agit de créer des innovations fondamentales — celles reposant sur une propriété intellectuelle (PI) compétitive à l’échelle mondiale — le continent reste à la traîne.
Ce retard n’est pas dû à un manque de talents. Certaines des technologies les plus influentes du monde ont bénéficié de talents africains issus de la diaspora. Le véritable défi réside dans les infrastructures : puissance de calcul insuffisante, financement de la recherche limité, absence de laboratoires avancés et manque de soutien global à l’écosystème rendent difficile, pour les innovateurs africains, le développement de technologies fondamentales à grande échelle.

Source: StartupList Africa
Pour mieux comprendre la position actuelle de l’Afrique dans le paysage de l’intelligence artificielle (IA), StartupList Africa a analysé des données spécifiquement centrées sur les entreprises développant des technologies d’IA fondamentales, et non simplement celles utilisant des API ou plateformes tierces pour appliquer de l’IA (les entreprises se contentant d’appeler des API sans autre technologie de base ont été exclues).
Dans cette analyse, nous définissons les « entreprises IA » comme celles créant des modèles d’IA propriétaires, des algorithmes ou des cadres techniques — en d’autres termes, des entreprises disposant d’une PI propre à l’IA.
L’analyse exclut donc les entreprises qui appliquent l’IA via des intégrations tierces ou des API, car ces modèles ne contribuent pas de manière significative à la compétitivité du continent dans les technologies de rupture.
Cette approche filtrée est essentielle, d’autant plus que les dépenses mondiales en R&D sur l’IA se chiffrent désormais en milliards de dollars. L’objectif est de savoir si l’Afrique ne se contente pas de participer à la vague IA, mais contribue réellement à sa construction.
Résultats clés : où en est l’Afrique
- Seulement 120 startups IA fondamentales ont levé des fonds externes sur l’ensemble du continent.
- À juin 2025, ces entreprises ont levé 513,1 millions de dollars au total.

Répartition par pays :
- Kenya en tête en capital levé : 142,7 M$ répartis sur 17 startups
- Tunisie suit de près : 124,7 M$ pour 9 startups
- Afrique du Sud en troisième position : 120,8 M$ pour 24 startups
- En nombre de startups, l’Égypte domine avec 36 entreprises IA
- Le Nigeria, de façon surprenante, ne domine pas — reflet des goulots d’étranglement infrastructurels persistants malgré un marché local important.

Vers quels secteurs se dirigent les startups IA ?
Répartition sectorielle (en % du total des entreprises) :
- Fintech reste le secteur dominant avec 20,9 % des startups IA fondamentales, le Nigeria en tête.
- Talent Tech suit avec 19,9 %, également dominé par le Nigeria.
- Santé, agriculture et climate tech ferment la marche — mais présentent le plus fort potentiel à long terme en matière d’innovation et d’impact.

Quelques cas emblématiques attirent fortement les investisseurs.
Par exemple, Instadeep, avant son acquisition, a levé plus de fonds que toute autre startup IA africaine à ce jour.

À noter également :
Comme pour la tendance blockchain, certaines entreprises ont récemment rebrandé ou pivoté vers l’IA. Cela ne reflète pas toujours une création réelle de PI, mais constitue un phénomène à surveiller pour les investisseurs et les constructeurs d’écosystèmes.
Vue d’ensemble mondiale
En 2024 uniquement :
- Les investissements privés et de capital-risque mondiaux dans la R&D IA ont atteint entre 100 et 130 milliards de dollars
- L’IA a attiré 30 % de tous les financements VC mondiaux
- Au T4, 60 % des capitaux VC (en valeur) sont allés à des entreprises liées à l’IA (source : PitchBook)
Les États-Unis et la Chine sont en tête à la fois pour les investissements publics et privés, creusant rapidement l’écart avec l’Afrique.
L’Afrique risque d’être à nouveau laissée pour compte.
Durant la vague blockchain, le continent est resté essentiellement un consommateur, rarement un contributeur. Le même schéma semble émerger avec l’IA.
Mais cela peut changer. Les gouvernements, les institutions de recherche et les investisseurs doivent prendre au sérieux la nécessité de financer la création de PI fondamentale, de développer les infrastructures régionales de calcul, et de mettre en place des politiques incitatives pour la R&D IA.
L’Afrique a le talent.
Ce qu’il lui faut désormais, c’est l’infrastructure et un engagement à long terme pour construire, et non simplement utiliser, la prochaine génération de technologies mondiales.
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*Sidi Saccoh, entrepreneur, conférencier et expert des écosystèmes technologiques, également mentor exécutif et consultant en stratégie.