L’Afrique digitale en marche : cap sur l’innovation, la souveraineté et l’inclusion
La transformation numérique africaine se déploie à grande vitesse, portée par des ambitions technologiques audacieuses. De Conakry à Kigali, en passant par Abidjan et Nairobi, startups, gouvernements et institutions continentales investissent dans l’intelligence artificielle, la cybersécurité, la connectivité mobile et la souveraineté digitale. L’objectif : transformer les sociétés, créer des emplois et offrir à des millions de jeunes Africains un accès aux services essentiels. Mais au-delà de la croissance, c’est la question de la souveraineté des données, ainsi que l’accès équitable au numérique, qui s’imposent désormais comme des priorités stratégiques. Un sujet au cœur de notre ANAMag spécial Tech, qui décrypte les enjeux, les innovations et les acteurs qui façonnent le futur numérique du continent.

Par Dounia Ben Mohamed
ANAMAG Spécial Tech Novembre – Décembre 2025
L’Afrique n’a jamais été aussi proche d’une véritable révolution digitale. Selon la Banque africaine de développement, le continent compte plus de 700 millions d’utilisateurs mobiles, dont près de 60 % sont connectés à Internet, un chiffre en constante progression depuis cinq ans. Cette dynamique transforme profondément les secteurs de l’éducation, de la santé, de la finance et de l’administration publique.
“La digitalisation peut transformer nos économies et rapprocher les services publics de nos citoyens” rappelle Blade Nzimande, ministre sud-africain des Sciences, de la Technologie et de l’Innovation.
Cette inclusion numérique passe par la démocratisation de l’accès aux infrastructures et services
Cette inclusion numérique passe par la démocratisation de l’accès aux infrastructures et services. Aujourd’hui, plus de 30 % des gouvernements africains ont lancé des plateformes digitales permettant aux citoyens d’accéder à des services publics en ligne, selon l’Union africaine.
Dans le même temps, la fintech et les solutions mobiles continuent de réduire les fractures financières : les transactions mobiles ont représenté plus de 400 milliards de dollars en 2024, touchant des populations jusque-là exclues du système bancaire traditionnel.
Souveraineté numérique : un enjeu stratégique
L’Afrique ne rêve plus seulement d’être connectée : elle aspire à contrôler ses propres infrastructures numériques, ses données et son avenir technologique.
“Nous ne pouvons pas laisser nos données être contrôlées par n’importe qui, n’importe où… Sans souveraineté numérique, nous n’avons pas de souveraineté nationale” avertit Blade Nzimande.
Quand les données africaines résident sur des serveurs africains, nous maîtrisons notre destin numérique. Nous ne sommes plus soumis aux décisions de Silicon Valley
Cette prise de parole est reprise par Solly Malatsi, ministre sud-africain des Communications et des Technologies numériques : “Il est important que nous protégeons notre pays et nos systèmes des intrusions qui pourraient compromettre la souveraineté de nos données”
Sans infrastructures locales solides, l’Afrique risque de dépendre encore longtemps d’acteurs étrangers pour héberger ses données. Wole Abu, directeur d’Equinix Afrique de l’Ouest, insiste : “Quand les données africaines résident sur des serveurs africains, nous maîtrisons notre destin numérique. Nous ne sommes plus soumis aux décisions de Silicon Valley.”
Innovation locale et impact global
Mais l’innovation seule ne suffit pas. Développer des data centers locaux, sécuriser les infrastructures et créer des logiciels africains sont des priorités pour réduire la dépendance et protéger les données des citoyens. La montée des centres de données “made in Africa” permet de créer des emplois, de renforcer l’autonomie technologique et de stimuler l’innovation locale.
Entre 2020 et 2025, les investissements dans les startups africaines ont dépassé 6 milliards de dollars, selon le African Tech Observatory, un chiffre record qui reflète la confiance des investisseurs internationaux et la maturité croissante des entreprises africaines.
La souveraineté numérique passe autant par la construction physique de centres de données que par la formation d’écosystèmes technologiques locaux
souligne Wole Abu, Directeur général d’Equinix pour l’Afrique de l’Ouest.
Des entreprises africaines développent déjà des solutions adaptées aux réalités locales — applications d’e‑santé, plateformes d’e‑éducation, fintechs inclusives — tout en reposant sur une infrastructure résiliente et locale. Ce double mouvement infrastructure + innovation est la clé d’une digitalisation qui ne reproduit pas les schémas néocoloniaux.
Enjeux éthiques et culturels
L’Afrique digitale n’est pas une abstraction : c’est un mouvement concret, porté par des hommes et des femmes déterminés, capable de transformer profondément les économies et les sociétés du continent.
Mais cette ambition comporte aussi des choix éthiques et culturels : qui définit les standards technologiques ? Comment garantir que les données personnelles des Africains sont protégées ? Comment encourager la multiplication de plateformes “made in Africa” ? Des voix comme celle de Andile Ngcaba, président du Digital Council Africa, rappellent que : « la souveraineté numérique est essentielle : nous devons développer, déployer et contrôler nos propres systèmes d’IA au lieu de dépendre exclusivement de plateformes étrangères ».Cette édition spéciale de l’ANAMag pose un regard sur ces enjeux : innovation, souveraineté et inclusion. Elle montre que l’Afrique digitale n’est pas une abstraction : c’est un mouvement concret, porté par des hommes et des femmes déterminés, capable de transformer profondément les économies et les sociétés du continent.
Encadré : L’Afrique digitale en chiffres
Utilisateurs mobiles : 700 millions
Internautes : 60 % des utilisateurs mobiles
Transactions mobiles 2024 : 400 milliards de $
Gouvernements avec plateformes digitales : 30 %
Investissements startups africaines 2020-2025 : 6 milliards de $
Startups fintech actives : >200
Centres de données en projet / construction : 25+
Taux d’adoption du cloud local : 18 % (en moyenne continentale)
Nombre de jeunes formés au numérique 2024 : 1,2 million



