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La mobilité des étudiants africains : entre exode et circulation régionale

Les flux d’étudiants africains se recomposent : si l’exode vers l’Europe, l’Amérique du Nord ou la Chine reste massif, l’Afrique voit émerger une mobilité intra-régionale croissante. Entre politiques d’attractivité, visa étudiant et coûts, que révèlent les chiffres récents et quelles stratégies pour inverser la fuite des talents ?

Le nombre d’étudiants internationaux a plus que triplé depuis 2000 : près de 6,9 millions d’étudiants étaient inscrits hors de leur pays en 2022, selon l’UNESCO, et la tendance à la hausse se poursuit. Ces chiffres traduisent une demande mondiale pour des formations reconnues et, pour beaucoup d’Etats africains, une opportunité économique et diplomatique.

Pour l’Afrique, la situation reste contrastée. Les études montrent que la part des étudiants africains qui se déplacent intra-africainement demeure relativement faible : seulement environ 20 % des étudiants originaires d’Afrique subsaharienne choisissent un autre pays africain ; la grande majorité part vers l’Europe, l’Amérique du Nord ou l’Asie. Les causes sont structurelles : langue d’enseignement, reconnaissance des diplômes, coût de la vie, bourses insuffisantes et attractivité encore faible de nombreuses universités africaines.

La mobilité internationale est un moteur d’échanges et d’employabilité

Des États hôtes africains multiplient néanmoins les offres. Le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et le Rwanda développent des cursus en anglais ou en français, des partenariats internationaux, et des programmes d’accueil pour étudiants africains. Campus France relève toutefois que l’Europe reste une cible majeure ; la France a même formalisé une stratégie « Bienvenue en France » visant 500 000 étudiants étrangers d’ici 2027, une illustration de la concurrence mondiale pour les talents. « La mobilité internationale est un moteur d’échanges et d’employabilité », rappelle l’agence.

Au-delà des politiques, la mobilité étudiante est aussi déterminée par des choix individuels liés à l’employabilité : les familles investissent dans des diplômes perçus comme « passeports » vers des emplois à l’international. Cela explique pourquoi, malgré la qualité croissante de certains campus africains, un grand nombre d’étudiants continuent de privilégier des destinations hors continent.

Les partenariats public-privé et la promotion coordonnée des universités africaines à l’étranger peuvent aussi inverser progressivement les flux

Que faire ? Les leviers sont connus : faciliter la reconnaissance mutuelle des diplômes via des conventions régionales, multiplier les programmes conjoints et doubles diplômes, développer des bourses ciblées et simplifier les procédures de visa pour étudiants. Les partenariats public-privé et la promotion coordonnée des universités africaines à l’étranger peuvent aussi inverser progressivement les flux.

La mobilité étudiante africaine n’est plus qu’une question de départs : elle est devenue un enjeu stratégique. Si des pays africains parviennent à développer des écosystèmes attractifs (qualité, recherche, insertion), la carte de la mobilité pourrait se redessiner, au bénéfice d’une circulation plus équilibrée et d’un renforcement des capacités du continent.

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