A la uneL'editorial

La diversification économique en Afrique : comment et pourquoi elle est importante

De nombreux pays africains ont fait de la diversification économique l'une de leurs priorités politiques, mais ils doivent d'abord définir ce qu'elle signifie dans leurs contextes structurels et socio-économiques spécifiques.

Par Zainab Usman, David Landry *

Depuis des décennies, la diversification économique est une priorité politique pour les économies à faible et moyen revenu. Selon Christine Lagarde, ancienne directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), « nous savons que la diversification économique est bonne pour la croissance. La diversification est également extrêmement importante pour la résilience ». Malheureusement, cet objectif continue d’échapper à de nombreux pays africains. En fait, le continent abrite huit des quinze pays les moins diversifiés au monde sur le plan économique. Cette réalité affaiblit les fondements de leur transformation économique et ralentit leur rythme de progression. Elle rend également ces pays particulièrement vulnérables aux chocs extérieurs soudains, comme l’ont illustré les perturbations provoquées par la pandémie dans les économies dépendantes du tourisme et du pétrole.

Catalyser une transformation économique plus large grâce à l’expansion de l’activité dans des industries et des secteurs spécifiques

Étant donné l’importance de la diversification des économies africaines, il est essentiel de reconnaître que les différentes dimensions de la diversification peuvent avoir des implications différentes sur le menu des options politiques. Étroitement associée au processus de transformation structurelle des secteurs à faible productivité vers des secteurs à plus forte productivité, la diversification économique comporte trois dimensions évidentes. La première concerne l’expansion des secteurs économiques qui contribuent à la diversification de l’emploi et de la production ou du produit intérieur brut (PIB), et la deuxième est associée au commerce international ou à la diversification des exportations. Ce document se concentre toutefois sur une troisième dimension à laquelle la littérature économique n’accorde que peu d’attention : la diversification fiscale. Cet élément fiscal implique l’élargissement des sources de revenus et des objectifs de dépenses publiques et peut donc jouer un rôle central en aidant à catalyser une transformation économique plus large grâce à l’expansion de l’activité dans des industries et des secteurs spécifiques.

Il est également essentiel que les décideurs politiques mesurent efficacement le degré de réalisation de cet objectif. L’expansion des secteurs économiques existants et la création de nouveaux secteurs peuvent diversifier une économie. Toutefois, ces processus sont très différents dans la pratique et donneront lieu à des résultats distincts. Parmi les principaux outils utilisés par les économistes pour mesurer la diversification, l’indice de Theil différencie les contributions respectives des nouveaux secteurs économiques et des secteurs existants à la diversification globale. Un autre outil largement utilisé par les praticiens du développement – le cadre des dépenses publiques et de la responsabilité financière (PEFA) – présente un potentiel important pour l’évaluation de la diversification fiscale, mais il faudrait recueillir davantage d’informations sur la collecte des recettes et les dépenses du gouvernement et les relier aux objectifs politiques.

Les pays riches en ressources ont tendance à être moins diversifiés que leurs homologues

Cependant, toutes les dimensions et mesures de la diversification économique ne s’appliquent pas de la même manière à tous les pays africains. D’importantes différences structurelles – dont beaucoup se manifestent pleinement en Afrique – ont des implications sur la manière dont ces pays poursuivent l’objectif politique de la diversification économique. Dans la littérature économique, le revenu national est étroitement lié à la diversification économique : les pays à faible revenu sont généralement peu diversifiés mais se diversifient au fur et à mesure qu’ils passent à un revenu moyen. Un autre facteur essentiel est la dépendance à l’égard des ressources naturelles : les pays riches en ressources ont tendance à être moins diversifiés que leurs homologues. La qualité de la gouvernance est également un facteur, mais contrairement à son lien avec la croissance économique, son lien exact avec la diversification économique reste peu exploré et peu concluant dans la littérature.

Au-delà de la relation entre les caractéristiques structurelles nationales et la diversification économique, il est important de tenir compte des différences infranationales au sein des pays, qui peuvent parfois être très marquées. L’inégalité interrégionale est particulièrement prononcée dans les pays côtiers de l’est et de l’ouest de l’Afrique, où des îles plus diversifiées et des zones côtières plus productives contrastent avec de vastes étendues de zones intérieures utilisées principalement pour l’agriculture de subsistance. Dans d’autres pays africains, les zones économiquement diversifiées et productives, ou pôles de croissance, sont regroupées autour de la capitale nationale, tandis que l’arrière-pays se consacre principalement à l’agriculture de subsistance. Par conséquent, les défis de la diversification économique des pays africains peuvent être plus aigus au niveau infranational et nécessiter des réponses politiques différentes. Cette dimension spatiale et infranationale de la diversification économique mérite des recherches plus approfondies.

Dans l’ensemble, les stratégies politiques de diversification de l’économie dépendent de l’identification – en gardant à l’esprit les caractéristiques structurelles du pays – de la dimension spécifique de la diversification économique souhaitée.

Lire le texte intégral : https://carnegieendowment.org/2021/04/30/economic-diversification-in-africa-how-and-why-it-matters-pub-84429

*Zainab Usman est senior fellow et directrice du programme Afrique au Carnegie Endowment for International Peace à Washington, D.C. Ses domaines d’expertise comprennent les institutions, la politique économique, la politique énergétique et les économies émergentes en Afrique.

Elle est professeur à la Sanford School of Public Policy de l’Université de Californie et professeur invité à l’Université Duke Kunshan.

*David Landry est chargé de cours à la Sanford School of Public Policy de l’université Duke et professeur invité à l’université Duke Kunshan.

Source : Fondation Carnegie pour la paix internationale

Fondation Carnegie pour la paix internationale

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page