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Kenya: l’Afrique de l’Est vers l’union politique

Grâce à une certaine prospérité économique, la troisième génération des dirigeants de l’Afrique de l’Est s’oriente vers une union politique – afin de réaliser les rêves des grands hommes d’État et des pères de l’Afrique libre.

 

Selon Ibrahim Rashid, 76 ans, un enseignant retraité tanzanien, la nouvelle Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) est dans la bonne direction car elle corrobore la vision des dirigeants indépendantistes africains de mettre en place les Etats-Unis d’Afrique. Ibrahim indique que « Les dirigeants d’aujourd’hui doivent réaliser les rêves de nos grands hommes d’État, notamment Kwame Nkrumah du Ghana, Julius Nyerere de Tanzanie, Jamal Abdel Nasser d’Egypte, Ahmed Ben Bella d’Algérie et Ahmed Sekou Toure de Guinée. Ils ont jeté les bases pour unir l’Afrique. »

Il se référait à la CAE qui comprend six pays à savoir le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi et le Sud-Soudan avec une population totale de 150 millions, un PIB de 146 milliards de dollars et une superficie de 1,82 million de kilomètres carrés. La CAE a été créée en 1967 par trois pays: le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie, et a été dissoute en 1977 pour diverses raisons, notamment des divergences d’idéologies politiques et économiques.

L’unité revivifiée

La nouvelle CAE est mise en place par des responsables qui ont une approche commune des problèmes auxquels sont confrontées leurs populations, tels que la pauvreté et le chômage. Les pays ont un traité en quatre phases : l’union douanière, le marché commun, l’union monétaire et l’union politique.

La feuille de route de l’union douanière a été mise en place en 2005 et s’est achevée en 2010. Elle a établi des droits de douane nuls sur le commerce intra-États et des tarifs communs pour les marchandises en provenance de l’extérieur du bloc. La même année, le marché commun est également entré en vigueur. Il permettait la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux, du travail et des services ainsi que les droits à la création d’entreprises, à la résidence, et aux règlements des différends commerciaux.

Par exemple  Mary Njoki, 30 ans, commerçante à Nairobi, se rend en Ouganda et en Tanzanie pour acheter des matières textiles, des chaussures en cuir et d’autres produits à vendre dans son magasin: « Je visite chaque pays une fois par mois, parce que les marchandises sont très bon marché et sont appréciées par les Kenyans. » En effet, les Kenyans achètent plus de marchandises en Ouganda et en Tanzanie en raison de la force de leur devise : 1 Ksh (Shilling Kenyan) fait 21Tsh (Shillings Tanzanian) et 35 Ush (Shillings Ougandais).

La Cour de justice de l’Afrique de l’Est

Beaucoup de choses ont été réalisées, notamment la mise en place de l’Assemblée législative de l’Afrique de l’Est et de la Cour de justice de l’Afrique de l’Est.

  1. Daniel Achach, avocat à la Haute Cour du Kenya, expert en politique commerciale et en droit commercial, explique que : « Le CAE est le bloc régional qui connaît la croissance la plus rapide en Afrique subsaharienne et de nouveaux marchés ont été créés dans la région. Les produits de base tels que le café, le thé, le tabac, le coton, le riz, le maïs et la farine de blé dominent le marché. D’autres sont des produits de fabrication, tels que le ciment, le pétrole, les textiles, le sucre, la bière et le sel. Le Kenya en est le principal bénéficiaire, suivi par l’Ouganda et la Tanzanie. » Il précise aussi que le Protocole du Marché commun a libéralisé sept secteurs dans les services, à savoir la communication, le transport, les finances, les affaires, la distribution, l’éducation et le tourisme.

Cependant, M. Achach estime que les questions relatives aux documents de voyage et aux autorisations de travail des citoyens des États membres doivent être harmonisées. La Tanzanie exige que les Africains de l’Est utilisent des passeports pour avoir accès à son sol – ainsi qu’une autorisation de travail pour y travailler – alors que les autres pays ne demandent que des cartes d’identités nationales. La Tanzanie exige également que les employeurs ne donnent pas d’emplois aux étrangers, exceptés dans les secteurs où les Tanzaniens ne sont pas qualifiés.

Les défis à relever

Bien que de nombreux progrès aient été réalisés, la CAE est confrontée à certains défis, dont tous ne sont pas rendus publics par les États membres, même s’ils sont du domaine public. Trois tensions ont par exemple émaillé la dernière année…

En janvier 2016, le président Magufuli de Tanzanie a déclaré ce l’on appelle en Kiswahili le « Timua Wageni », ce qui signifie « l’expulsion des étrangers ». Des centaines de Kenyans, même ceux avec des autorisations de travail, ont été chassés.

En avril 2016, l’Ouganda s’est retiré d’un projet pétrolier appelé « Lamu Port » du Sud-Soudan pour un autre au port de Tanga, en Tanzanie. L’Ouganda a indiqué qu’il a pris cette décision en raison de l’insécurité dans le nord du Kenya et des conflits dans le Sud-Soudan.

En août 2015, le président du Kenya a convenu avec le président ougandais, Museveni, d’importer du sucre bon marché au Kenya. Les gens et les dirigeants de la société de production de canne à sucre de l’ouest du Kenya s’y sont opposés pour des raisons de dumping étant donné que le Kenya avait suffisamment de sucre.

Une union politique

Mais Paul Okello, 52 ans, politologue ougandais,  voit les choses autrement : «Ce sont des problèmes mineurs communs à tous les débuts. Ils mesurent la détermination de nos chefs d’États à l’unité et à la force de résoudre les problèmes. »

Bref, la région élabore ses quatre piliers pour assurer l’union politique. Sa vision à l’horizon de 2050 est d’atteindre un statut de revenu intermédiaire de classe supérieure dans une Afrique de l’Est sécurisée et politiquement unie.

Les réalisations dépassent les défis. Les dirigeants font tout leur possible pour éviter de commettre les graves erreurs qui ont fait tomber la première CAE. C’était une leçon comme le dit le dicton: «Si vous voulez serrer votre ceinture, commencez par la desserrer. »


 

AUTEUR Daniel Sitole // Photo Daniel Sitole, légende : Truck drivers, transporting goods from the port of Mombasa in Kenya to Uganda

 

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