Kara Diaby : Repat Africa, connecter la diaspora africaine aux opportunités du continent
Repat Africa, fondé en 2020, facilite l'intégration des "repats" en leur offrant des opportunités de réseautage, de formation et d'investissement dans des start-up et PME locales. Explications avec Kara Diaby, son fondateur. Par la rédaction
Kara Diaby, vous avez été vous-même un Repat, c’est ce qui vous a amené à créer Repat Africa ?
En effet, après mes études, j’ai travaillé trois ans en Afrique. J’ai d’abord été volontaire européen au Cameroun entre 2015 et 2017, où j’ai travaillé au port de Douala, principalement dans l’exportation de fruits et légumes vers l’Europe et l’importation de véhicules usagés. Ce poste de responsabilité m’a permis d’interagir avec les autorités locales comme la douane, les dockers, et l’autorité portuaire. Contrairement à beaucoup d’expatriés, je m’étais immergé avec les locaux, ce qui m’a aidé à comprendre les codes culturels. Après cette expérience, je suis parti en Côte d’Ivoire, puis au Sénégal où j’ai travaillé pendant six mois. Malheureusement, cette dernière expérience ne s’est pas bien passée, ce qui m’a conduit à démissionner et à rentrer en France. J’ai ensuite travaillé pendant deux ans dans une start-up spécialisée dans le développement informatique, ce qui m’a permis d’acquérir de nouvelles compétences.Après ces deux ans en France, j’ai ressenti le désir de retourner travailler en Afrique.
J’ai commencé à postuler à diverses offres, mais j’ai rapidement constaté que le marché avait évolué. Les compétences locales s’étaient développées grâce à des écoles comme HEC qui s’étaient implantées localement ce qui limitait les opportunités pour des contrats expatriés. On me proposait des salaires locaux de l’ordre de 600 euros, ce qui n’était pas viable pour moi. Je me suis alors dit qu’il y avait sûrement d’autres personnes de la diaspora dans la même situation. Je cherchais à rejoindre une organisation qui aiderait les personnes de la diaspora à trouver des opportunités pour travailler ou entreprendre en Afrique. Ne trouvant pas de structure correspondant à mes attentes, j’ai décidé de la créer moi-même. C’est ainsi que Repat Africa est né en 2020, d’abord sous forme d’une newsletter pour tester l’intérêt des gens. En un mois, j’ai eu 1000 abonnés, ce qui m’a montré qu’il y avait une véritable demande. J’ai alors commencé à structurer la communauté, en créant un groupe puis une association.
L’aspect social est très important, aussi bien en Europe qu’une fois de retour en Afrique, où il est crucial de s’intégrer et de créer des réseaux
Concrètement, comment accompagnez-vous les membres des diasporas à matérialiser “leur rêve” de retour sur le continent ?
Nous avons aussi constaté qu’il y avait une différence culturelle entre ceux qui ont étudié à l’étranger et les locaux restés sur le continent, ce qui nécessite une réadaptation. Les « Repat » ont donc besoin de se connecter avec d’autres « Repat » pour s’intégrer et réussir leur retour.
A côté de cela, nous avons créé un fonds d’investissement de la diaspora, « Repat Invest », pour permettre à chaque membre d’investir dans des start-ups et PME africaines. Nous avons déjà réalisé deux investissements d’une valeur totale de 300 000 euros. Le premier, en janvier 2024, concernait une start-up sénégalaise, Kemet Automotive, qui fabrique des véhicules électriques. Nous avons investi 120 000 euros pour les aider à développer leur prototype. Le second investissement a été fait dans DanaPay, une entreprise spécialisée dans les transferts d’argent via la blockchain, qui réduit les frais d’envoi.
Les « Repat » ont besoin de se connecter avec d’autres « Repat » pour s’intégrer et réussir leur retour
L’accès aux financements, c’est l’un des principaux défis auxquels sont confrontés les entrepreneurs des diasporas ?
L’accès au financement est l’un des plus gros défis. Contrairement à des pays comme la France, il n’existe pas d’équivalents à la BPI (NDLR : Banque Publique d’Investissement) pour soutenir les projets. Les entrepreneurs doivent se débrouiller seuls et souvent faire face à des taux d’intérêt exorbitants imposés par les banques. En plus de cela, il y a souvent un manque de formation juridique et de compréhension du marché. C’est pour cela que nous organisons des missions commerciales et offrons des formations pour aider nos membres à mieux appréhender ces défis.
Notre objectif est de renforcer notre impact collectif et de participer activement à la croissance économique du continent
Vous avez également parlé des opportunités. Comment Repat Africa valorise-t-elle ces opportunités pour la diaspora ?
Nous avons plusieurs programmes pour valoriser ces opportunités, notamment à travers nos voyages d’affaires. Par exemple, récemment, en Casamance, nous avons rencontré des agriculteurs et des entrepreneurs qui voulaient se lancer dans la transformation des matières premières. Nous avons identifié des milliers de tonnes de mangues gaspillées chaque année et envisagé des projets de transformation en compote ou jus, ou encore d’utilisation des déchets pour fabriquer du beurre de mangue pour la cosmétique. Bien que ce projet n’ait pas abouti, c’est le genre d’opportunités que nous explorons. Nous avons également initié des investissements dans des parcs de loisirs en Côte d’Ivoire, avec des tarifs accessibles pour les familles, ce qui répond à un véritable besoin sur place.
il y a souvent un manque de formation juridique et de compréhension du marché
Quels sont les prochains projets de Repat Africa ?
Nous continuons à développer notre fonds d’investissement et nos missions commerciales. Notre objectif est de renforcer notre impact collectif et de participer activement à la croissance économique du continent. Nous souhaitons également élargir notre communauté dans d’autres pays africains et continuer à offrir des solutions adaptées aux besoins des diasporas et des entrepreneurs locaux.
Pour en savoir plus : https://www.repat.africa/fr/