Un soutien à hauteur de 30 milliards de dollars; un plaidoyer afin que l’Afrique obtienne un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU; plus largement, « une étroite collaboration » pour une Afrique « plus résiliente». Dans le jeu des puissances qui se joue actuellement sur le continent, le Japon, à la lumière de la dernière TICAD, replace ses pions…
Par Bylkiss Mentari, à Tunis
Lire la suite : Japon : Nouvelle donne, nouvelle stratégieAlors que les puissances internationales rivalisent sur le continent, sur fond de déjà vu et de guerre froide bis, sereinement et stratégiquement, le Japon avance ses pions sur le continent. Mieux, l’Empire du soleil levant redéfinit sa stratégie et repositionne ses pions. C’est ce qui ressort de la 8ème Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique (TICAD8) qui s’est tenue à Tunis, les 27 et 28 août derniers.
Près de trente ans après sa première édition, en 1993, la TICAD, lancée en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique de l’ONU, puis avec la Banque mondiale depuis 2000, dans le but de promouvoir un dialogue politique entre les dirigeants africains, le Japon et leurs partenaires dans le développement, revient sur le devant de la scène africaine à travers cette rencontre organisée pour la seconde fois en Afrique, après l’édition au Kenya, en 2016. Avec une promesse : celle d’« une étroite collaboration » avec l’Afrique, afin d’y promouvoir une économie « plus résiliente » face aux crises et aux épidémies et davantage de « sécurité ».
« Un partenaire d’une Afrique qui grandit avec elle et œuvre pour surmonter les défis »
Et pour joindre le geste à la parole, le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, intervenant par vidéoconférence pour cause de Covid, a annoncé un soutien à hauteur de 30 milliards de dollars, destiné aux pays africains, au cours des trois prochaines années. Un engagement porté par les secteurs publics et privés japonais qui «concerne plusieurs domaines, dont la croissance verte, la santé, l’éducation, les ressources humaines, l’agriculture et l’encouragement à l’investissement, notamment pour les start-ups ». Avec l’objectif d’« être un partenaire d’une Afrique qui grandit avec elle et œuvre pour surmonter les défis ». A ce titre, 82 projets ont été présentés pendant le Sommet pour une valeur de 2,7 milliards de dollars, dans les secteurs ciblés.
Et dans ce contexte de crise alimentaire provoquée par le conflit ukraino-russe, Tokyo, en plus de 130 millions de dollars d’aide alimentaire déjà prévue, projette de « fournir une assistance pour la production de riz, afin de la faire doubler à moyen long terme ».
Une coopération financière avec la BAD pouvant atteindre 5 milliards de dollars
Par ailleurs, le Japon et la Banque africaine de développement (BAD) ont conclu, en marge du Sommet, une coopération financière pouvant atteindre 5 milliards de dollars, dans le cadre de la cinquième phase de l’Initiative d’assistance renforcée au secteur privé en Afrique (EPSA 5), pour la période 2023-2025. Un financement composé de 4 milliards de dollars au titre du guichet existant et d’un montant supplémentaire pouvant atteindre 1 milliard de dollars au titre d’un nouveau guichet spécial que le Japon mettra en place.
Un partenaire qui ira jusqu’à porter la cause de l’Afrique et « remédier à une injustice historique » en plaidant pour que l’Afrique obtienne un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.
Ainsi, le Japon ne joue plus la carte de la prudence et de la discrétion. Traditionnellement davantage orienté vers l’investissement plus que l’aide au développement en Afrique, le Japon se positionne désormais comme une alternative à la Chine, critiquée par Tokyo lors de la TICAD7 pour sa politique du « piège de la dette » en Afrique. L’Empire du soleil levant s’engage sur le terrain d’un partenariat plus inclusif, mené par les Africains eux-mêmes et répondant aux intérêts des Africains, avec l’objectif d’une croissance durable. D’autant que, si « l’Afrique concentre les contradictions de l’économie mondiale telles que les inégalités et les problèmes environnementaux, une croissance dynamique y est attendue, soutenue par une population jeune », précise le ministère nippon des Affaires étrangères. Soutenir cette croissance serait donc un pari rentable pour Tokyo.
C’est du moins l’idée. Car si les Japonais jouissent d’une bonne perception sur le continent, à en croire les derniers sondages effectués par le baromètre du CIAN. Pour l’heure, il n’est que le 4ème partenaire commercial des pays d’Afrique subsaharienne, selon le Financial Times.
Avec les 30 milliards de dollars promis lors de la TICAD6, les 20 milliards en 2019 à l’issue de la TICAD7 et une aide japonaise à l’Afrique qui pourrait augmenter de 40% pour les trois années à venir, selon le journal économique nippon Nikkei, le Japon veut rattraper son retard dans une Afrique plus que jamais au cœur de toutes les convoitises…
Sur le même sujet :