A 36 ans, Khaled Igué, Managing Partner et Africa Chairman chez B&A, fondateur et président du think tank Club 2030 Afrique et par ailleurs co-fondateur de la toute jeune French-African Foundation, incarne cette nouvelle génération de cadres « Made in Africa », formés à l’international, décomplexés, et ambitieux, qui évoluent entre la France et le continent. Dans « L’heure de l’Afrique »*, il livre le fruit de ses réflexions et expériences, sur le développement durable et inclusif du continent.
Propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
Pourquoi ce livre ? C’était le « moment », à ce stade de votre parcours ?
Ce livre a vocation à rassembler, réveiller une conscience collective. Le poète Paul Valéry disait que « le meilleur moyen de réaliser ses rêves est de se réveiller ». Nous avons depuis trois générations des attentes, des espérances, des déceptions, … Ma génération à la responsabilité de réussir sa mission, faire en sorte que le développement de notre continent soit notre œuvre, dans le respect de nos valeurs et intérêts. Finalement il n’y a pas de moment pour se réveiller, l’essentiel est de le faire peu importe l’instant de notre parcours.
Le fruit de vos expériences et rencontres en somme, d’Areva à l’OCP en passant par les Young Leaders et votre think tank, le Club 2030 Afrique…
Oui, avec beaucoup d’humilité, c’est le fruit des échanges, des partages, aussi bien sur le plan professionnel que de mon engagement associatif. J’ai pendant une dizaine d’années au sein de mon think tank Club 2030 Afrique, fait dialoguer les générations, des femmes et des hommes, des étudiants et des cadres, les secteurs et je ne voulais pas que le fruit de ces échanges restent dans les mains d’un certaine élite, je voulais que ces idées soient partagées avec le plus grand nombre.
Ainsi, dans cet essai vous livrez un message à votre génération : il est temps de prendre le destin de l’Afrique en main ?
Frantz Fanon disait que « chaque génération doit dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ». Le message de ce livre est de dire à tous les Africains peu importe l’âge, le sexe, résidant sur le continent ou ailleurs, immigrant, afro-descendant, notre mission est de contribuer à la grandeur du continent, il n’y a pas d’autres alternatives, il n’y a rien de plus noble.
Dans votre préface, Abdou Diouf, parle de « mission ». Vous vous sentez en charge d' »une mission » celle du développement du continent ?
Remplir une mission relève du destin de tout un chacun, mais encore faut-il y croire. J’ai toujours cru à la mission de ma génération, ce n’est pas une mission individuelle, elle est collective, il faudra une masse pour ça. Regardez les grands changements dans le monde, regardez le progrès et l’innovation sociale, c’est toujours l’œuvre de la jeunesse. Oui je me sens investi d’une mission.
2020 démarre avec son lot d’espoir… mais également d’inquiétudes. Le Sahel, la Libye, … Pourtant, plus que jamais l’Afrique est à un tournant. La question est de savoir si elle prend le bon virage ?
En 2020, nous aurons plus d’une dizaine d’élections sur le continent africain. Nous avons les problèmes de terrorisme au sahel, nous avons des déplacements importants de populations à cause du changement climatique et il a neigé au Nord du Niger, cela peut faire sourire mais nous sommes face à de grands défis. Il importe de lutter contre la pauvreté, et c’est à ma génération, qui arrive aux affaires, d’impulser la nouvelle marche ou un nouveau virage.
En tant que binational, à cheval entre la France, le Bénin et le reste du continent, comment analysez-vous la montée du sentiment anti-français ?
Il n’existe pas de sentiment anti-Français, il existe sûrement une révolte contre un passé, une envie que les choses changent, parce que nous vivons dans un nouveau monde et il faudra un nouveau type de leadership.
Pour conclure, qu’est-ce qui vous, vous rend confiant ?
Les signes ! Alors même qu’il y un recul en Occident sur l’ouverture vers le reste du monde, que le populisme gagne du terrain, notre continent n’a jamais autant été favorable au partenariat avec le reste du monde. Nous avions subi la globalisation de plein fouet, mais nous avons avec le temps développé une certaine sorte de résilience, et nous apprenons de nos erreurs passées. Ensuite, l’état de droit gagne du terrain dans nos pays même s’il est mis à rude épreuve dans d’autres. Nous avons conscience qu’aujourd’hui, la performance de nos économies, notre attractivité dépend de la confiance que nous inspirons et de la transparence. Enfin, une nouvelle génération, une démographie exceptionnelle, la moitié de la population du continent a moins de 25 ans, on tend vers l’éducation de masse avec les nouvelles technologies. Tout cela fait que je suis plus que jamais confiant en l’avenir que nous tous ensemble participons à construire.
*L’heure de l’Afrique, Khaled Igué, janvier 2020, Hermann Éditeurs.