Proparco lance un nouveau programme pour répondre aux besoins des entreprises en ce contexte de crise économique, Choose Africa Résilience. L’occasion d’un bilan de l’initiative Choose Africa lancée en 2019. Et du jeune DG arrivé à la tête de l’institution en 2016 alors que Proparco affiche de nouvelles ambitions : 3 milliards de financement annuel à partir de 2022.
Par Dounia Ben Mohamed
Vous avez récemment annoncé le lancement de « Choose Africa Résilience ». Une initiative qui s’inscrit dans le cadre de la crise Covid-19. Quelle est la particularité de celle-ci par rapport aux autres, nombreuses, lancées depuis le début de la pandémie ?
Il y a en effet eu plusieurs initiatives, lancées depuis le début de la crise, qui a d’abord été une crise sanitaire puis économique. L’ AFD, notre maison mère, a dès le 9 avril dernier déployé l’initiative, « Covid-19 – Santé en commun » de 1,2 milliard d’euros en réponse à la crise sanitaire mondiale engendrée par la pandémie. Une initiative à laquelle nous, Proparco, participons pleinement, en soutenant les acteurs privés de la santé en Afrique avec notamment des subventions pour assurer la protection des personnels en première ligne et renforcer les capacités d’approvisionnement en matériels et consommables pour accueillir des patients atteints de la Covid-19. Par exemple, Proparco a accordé des subventions à deux acteurs majeurs du secteur de la santé au Maroc : le Groupe Oncologie et Diagnostic du Maroc (ODM) et Amanys Pharma (ex-Saham Pharma). De même, nous avons dès le mois de mars soutenu nos clients en répondant à leurs besoins les plus urgents et notamment en leur proposant des reports d’échéances.
Ainsi, Proparco a déployé des financements additionnels pour répondre à la crise avec, par exemple pour l’Afrique, 450 millions d’euros de lignes bancaires dédiées pour inciter les institutions financières locales à maintenir et renforcer leur soutien aux PME.
Plus récemment, il y a eu le lancement du nouveau fonds « Bridge by Digital Africa » avec 5 millions d’euros en faveur des start-ups limitées dans leur développement en raison de la crise, qui est porté par Digital Africa et déployé par Proparco. Ce fonds va permettre de faire des prêts-relais d’une durée maximum de 24 mois à des entreprises dont les levées de fonds ont été annulées ou retardées en raison de la contraction du marché de l’investissement, en attendant qu’elles puissent reprendre le processus de renforcement de leurs fonds propres.
Et bien sûr Choose Africa Résilience, avec 1 milliard d’euros supplémentaire pour soutenir les TPME en Afrique touchées par la crise. Ce volet Résilience complète l’initiative existante, Choose Africa, et la gamme des outils financiers mis en œuvre par Proparco en proposant de nouveaux produits grâce aux 100 millions d’euros de garanties levées auprès de l’UE et aux 160 millions d’euros de garanties de l’Etat Français. Sur ces 160 millions d’euros, 100 millions seront utilisés pour offrir une garantie à 80 % à 125 millions d’euros de prêts consentis par des banques locales à des TPE ou des PME affectées par la crise. Les 60 millions d’euros de garanties restantes seront utilisés pour garantir des financements à court terme accordés par des banques locales à des TPE/PME, des micro-prêts consentis par des IMF ou des prêts directs de Proparco à des entreprises.
Ces ressources de l’État français et de l’Union Européenne vont donc nous permettre de déployer ce milliard d’euros supplémentaire. Concrètement, nous sommes en train de déployer déjà dans 4 pays, Madagascar, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Cameroun, cette offre de prêts garantis exceptionnellement à 80% par le Groupe AFD. Les financements y seront distribués par Société Générale aux TPE et PME affectées par la crise. Un moyen de dérisquer les opérations pour les banques et de permettre le financement des acteurs économiques locaux. Pour le moment, nous déployons cette garantie dans des pays où nous avons déjà mis en place des instruments de garanties et surtout où nous avons des accords de partenariat avec des banques locales. Ce sont ainsi 250 millions d’euros de prêts qui vont venir compléter les 450 millions d’euros de lignes bancaires déjà déployés en urgence que j’ai évoqué précédemment.
Ce nouveau volet Resilience de 1 md d’euros représente l’engagement de la France et du groupe AFD dans les 4 milliards de dollars annoncés lors du récent Sommet Finance en Commun par les banques de développement, notamment européennes, pour aider les PME africaines.
Car pendant cette période, nous nous sommes fortement concertés avec les différents bailleurs pour unir nos forces et élaborer une réponse commune de soutien au secteur privé. Notre maison mère, l’AFD, et notamment son DG Rémy Rioux, a ainsi réussi à réunir l’ensemble des banques de développement, lors du Sommet Finance en commun, en novembre dernier. Celles-ci se sont notamment engagées à dédier les 4 milliard de dollars que je viens d’évoquer en faveur des petites entreprises africaines d’ici fin 2021, dont 1 milliard d’euros de la France qui sera piloté par l’AFD et Proparco. L’initiative Choose Africa Résilience, c’est ce milliard que l’on va déployer d’ici la fin 2021.
Il s’agit, vous l’avez précisé, d’un milliard additionnel qui vient compléter le programme Choose Africa. L’occasion d’un premier bilan de ce programme qui arrive à mi-parcours…
Ce milliard d’euros additionnel vient en effet compléter l’initiative lancée en 2019, Choose Africa qui avait, je le rappelle, pour objectif initial de consacrer 2,5 milliards d’euros au financement des TPE/PME sur la période 2018-2022. Si l’on dresse un bilan à mi-parcours, et si je mets de côté le milliard supplémentaire de Choose Africa Resilience, 2 milliards d’euros de financement ont déjà été engagés ce qui a permis d’accompagner plus de 16 000 TPE et PME et des dizaines de milliers de microentreprises.
Nous avons réussi à mobiliser notre maison mère, l’AFD, l’UE, le gouvernement français, pour obtenir des ressources spécifiques et apporter des réponses à la crise économique qui affecte le continent africain. C’est une reconnaissance du succès de Choose Africa, de la part de l’État, qui nous confie ce type de ressource, et également de la part de l’UE.
A travers cette expérience, comment jugez-vous l’évolution de la coopération France-UE sur le continent alors que l’Union revoit sa stratégie de coopération avec l’Afrique ?
Il existe un partenariat de longue date entre Proparco et l’Union Européenne. Celle-ci a d’ailleurs un long historique de financement et de mise en œuvre directe de programmes d’appui au secteur privé. Proparco est accréditée depuis plusieurs années par l’UE, ce qui nous a permis d’utiliser des fonds mis à disposition par l’UE pour mettre en place des actions en faveur du financement des PMEs en Afrique.
Nous travaillons avec la Commission européenne, pour créer des produits spécifiques, par exemple la garantie Euriz qui permet d’encourager les banques et les institutions de microfinance locales à financer des PMEs, en particulier celles détenues par des femmes ou des jeunes. Nous avons ainsi pu déployer ce produit Euriz au Nigéria, auprès de la banque UBA, qui a été la première bénéficiaire de cette garantie. Ce produit permet à UBA de financer des projets à fort impact de développement, notamment ceux portés par des entrepreneurs incubés par la fondation Tony Elumelu. Ce projet a été signé en mai 2019 pour un montant de 8,6 millions d’euros.
Pour prendre un autre exemple, sur un autre secteur, celui de l’énergie, c’est toujours grâce à l’UE que nous avons pu mettre en place la facilité « African Renewable Energy Scale-Up » (ARE Scale Up facility) qui permet d’accompagner des jeunes (et petites) entreprises en phase de croissance dans le domaine de l’énergie décentralisée, notamment en milieu rural. Nous avons ainsi pu investir en 2020 3 millions de dollars en fonds propres dans la société Rensource, acteur majeur dans les énergies renouvelables au Nigeria.
Plus récemment, l’UE a lancé un nouveau plan d’investissement, le plan d’investissement extérieur, avec notamment un outil de garantie FEDD, particulièrement approprié aux institutions comme Proparco qui souhaitent soutenir les PME africaines. Pour mettre en œuvre Choose Africa Resilience, 68 millions d’euros de garanties FEDD (sur les 100 millions au total que j’évoquais précédemment) permettront à Proparco de couvrir une partie du risque qu’elle prend sur certains clients du secteur financier comme les institutions de microfinance, les institutions de leasing ou les banques spécialisées sur le segment des PME à qui elle souhaite apporter une réponse financière d’urgence face aux impacts de la crise actuelle.
Autre action, l’UE devrait également apporter prochainement une garantie permettant de déployer l’initiative FISEA+, dans la suite de Fisea, en faveur de l’investissement d’impact, en encourageant l’investissement dans le Social and Inclusive Business, en venture Capital ou dans les pays fragiles.
Même dans un contexte dégradé, l’UE continue donc de nous apporter son soutien via de nouvelles garanties.
A noter également que l’UE nous offre l’opportunité de proposer à nos clients des enveloppes d’assistance technique, qui sont très importantes pour Proparco car nous pouvons ainsi les accompagner techniquement vers de meilleures pratiques environnementales, sociales et de gouvernance. Cette assistante technique est un canal de diffusion de bonnes pratiques.
Enfin, le Parlement européen vient d’adopter, dans le cadre du plan pluriannuel 2021-2027, une enveloppe de plus de 70 milliards d’euros pour l’aide extérieure. C’est sur cette enveloppe que Proparco souhaite mobiliser à nouveau des fonds européens pour favoriser la contribution du secteur privé aux objectifs du développement et notamment encourager la lutte contre le changement climatique.
Sur ce point justement, arrivez-vous, dans la mesure où Proparco jouit d’un réseau en Afrique qui lui assure une certaine expertise dans le soutien au secteur privé, à être entendu par vos pairs de l’UE ?
Oui, et de plus en plus. D’abord parce que nous appartenons à un groupe puissant, le Groupe AFD, qui entretient une relation historique et de plus en plus importante avec l’UE. Cela nous permet de développer une approche Groupe et d’être ainsi plus entendu.
Ensuite parce ce que nous avons développé, depuis plus de 40 ans, une expertise, une bonne maîtrise de nos marchés, et un réseau local. Enfin parce que nous faisons partie de l’association des institutions européennesde financement du développement (IEFD ou EDFI sous son acronyme en anglais). Au cours de ces dernières années Proparco a énormément grossi et changé d’échelle. Aujourd’hui nous sommes quasiment comparables à nos homologues hollandais et britanniques, et cela nous permet de porter des positions et de contribuer à faire bouger les lignes. Il y a notamment tout un travail d’harmonisation à réaliser entre les différents acteurs sur les bonnes pratiques, notamment environnementales et sociales et de mesure d’impacts. Et aujourd’hui, nous ne le faisons pas seuls, mais au sein de l’association des EDFI, et aussi en dialoguant avec d’autres partenaires, notamment IFC (Groupe Banque Mondiale) avec laquelle nous avons récemment noué un partenariat important. Proparco et IFC ont ainsi signé un accord-cadre leur permettant de collaborer plus étroitement pour soutenir les pays les plus pauvres (https://www.proparco.fr/fr/actualites/proparco-et-ifc-vont-collaborer-plus-etroitement-pour-accroitre-leur-impact-sur-le).
Ainsi, vous l’avez dit, Proparco a désormais atteint sa taille critique, ces nouveaux fonds vont lui permettre de financer ses actions. C’est votre bilan ? Concrètement, quelle orientation avez-vous donné à Proparco depuis votre arrivée ? Les objectifs fixés et atteints, ce qu’il reste à atteindre, et par conséquent votre nouvelle feuille de route…
Je suis arrivé en avril 2016, ce qui fait bientôt cinq ans. A mon arrivée, Proparco avait, depuis deux ou trois ans, entre 2013 et 2015, financé environ 1 milliard d’euros chaque année. Nous avons commencé en 2016 par travailler sur la stratégie pour 2017-2020, avec pour objectif de doubler de taille, en passant à 2 milliards d’engagements financiers par an et ainsi renforcer la contribution du secteur privé au développement durable. Notre objectif était également qu’à l’horizon 2020, Proparco triple ses impacts en faveur de l’emploi, du climat ou de l’accès aux services essentiels. Nous souhaitions en même temps infléchir la répartition entre notre activité de financement et celle de prise de participation. Il s’agissait d’amplifier notre activité de prise de participation, car la demande est très forte, notamment en Afrique, pour renforcer les fonds propres des TPE et leur permettre de lever des fonds. Cela passait par le renforcement de notre organisation et de notre équipe pour changer de dimension et viser à terme 25 % de notre activité en 2020.
Depuis, il s’est passé beaucoup de choses. Premièrement, Proparco est devenue le point d’entrée unique secteur privé du Groupe AFD. Cela nous a permis d’atteindre plus rapidement nos objectifs voire de les dépasser, avec par exemple en 2020 près de 2,5 milliards d’euros d’engagements, un record. Aujourd’hui, notre objectif passe à 3 milliards d’engagements financiers par an, à compter de 2022, même si nous restons prudents car nous ne mesurons pas encore entièrement l’impact de la crise. Mais nous maintenons cette ambition forte.
Autre élément majeur dans la transformation entamée depuis 2016 : nous avons maintenu notre priorité africaine, avec 50% de notre portefeuille consacré au continent. Nous avions également, depuis 2016, décidé d’avoir un focus fort en faveur des pays dits fragiles. Notre nouvelle stratégie pour 2020-2022 réaffirme cet engagement vis-à-vis des pays fragiles, avec notamment la mise en place du partenariat stratégique avec IFC dont je viens de vous parler, qui nous permet d’unir nos forces et de travailler davantage sur l’amont, en faveur des pays du G5 Sahel et de la RDC. Nous nous sommes répartis un certain nombre de secteurs et nous travaillons pour créer les conditions de l’émergence de futurs projets.
Sur cette période, nous avons donc réussi à changer de taille, ce qui nous permet de faire désormais jeu égal avec les principaux bailleurs européens. Et finalement nous avons atteint l’ensemble de nos objectifs, aussi bien sur l’equity, les volumes globaux, la priorité africaine et les pays fragiles… Nous avons également atteint nos objectifs en termes d’impacts sur le développement, sur le climat, qui est un marqueur fort pour Proparco, mais aussi sur le maintien et la création d’emplois. Les projets que nous avons financé en 2019 ont par exemple permis de créer ou de maintenir près de 1,6 million d’emplois (https://www.proparco.fr/fr/ressources/rapport-de-developpement-durable-2019). Depuis son lancement, l’initiative Choose Africa a elle permis de créer ou de maintenir 20 000 emplois directs et 1,4 million d’emplois indirects (https://choose-africa.com/reportages/bilan-a-mi-parcours-de-linitiative-choose-africa/).
Tout cela est possible grâce à l’appartenance à un groupe fort, le Groupe AFD, qui a lui-même connu une forte trajectoire de croissance mais aussi grâce à la qualité des équipes de Proparco, qui est particulièrement manifeste en ces périodes troublées. Des équipes expertes et motivées, qui n’ont pas compté leur temps pour adapter les instruments et être au chevet de nos clients et partenaires. J’ai la chance de servir un très beau mandat et une très belle mission.