Blaise Moussa, le directeur général de la Cameroon Water Utilities Corporation (CAMWATER) a participé au 21ème Congrès de l’Association Africaine de l’Eau et de l’Assainissement (AAEA) à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Avec ANA, il esquisse un bilan et revient sur ses initiatives pour améliorer la qualité de l’offre en eau potable au Cameroun.
Propos réalisé par Bernard Bangda
Quel bilan faites-vous de votre participation aux assises d’Abidjan ?
Un bilan honorable et des résultats. Nous sommes satisfaits de notre implication significative dans la préparation de ce congrès. Nous y avons déployé une forte délégation diversifiée. Le président du Conseil d’administration et le directeur général pour des sessions de haut niveau, les responsables techniques pour apprendre et les unités de communication. Nous avons associé la société civile, les experts de l’eau et l’assainissement, les universitaires, les jeunes et les femmes. A l’avenir, nous irons avec des entreprises camerounaises aux compétences avérées dans ce domaine parce que nous voulons créer un mécanisme de filière. Aussi parce que la filière eau-assainissement-énergie est devenue un secteur entraînant de l’économie.
Comment créer ce mécanisme une fois rentré au Cameroun ?
« Nous allons prendre en compte les modalités alternatives de financement pour que l’eau soit une ressource circulaire, non pas seulement à consommer ou à utiliser »
Par l’harmonie entre tous les segments qui constituent aujourd’hui la grande économie autour de la filière. En associant l’aspect sociétal à la technologique, l’ingénierie, la structuration financière, l’assurance, au tourisme, l’administration. Le tout dans un esprit qui intègre le développement durable.
Nous allons intégrer les modalités alternatives de financement pour que l’eau soit une ressource circulaire, non pas seulement à consommer ou à utiliser. Lorsqu’elle est déjà souillée du fait de l’usage, elle doit être retraitée pour rentrer dans le circuit, en tant que ressource périssable mais particulièrement délicate.
Ceci étant, l’autre élément de bilan pour nous, c’est la prise en compte général des enjeux de l’eau au Cameroun. C’est le lieu de remercier le gouvernement camerounais, notamment le ministre de l’Eau, notre tutelle, le Conseil d’administration, et surtout le chef de l’État. Tous nous accompagnent dans ce processus de contrôle de l’eau dans tous les segments.
Avez-vous conclu des partenariats à Abidjan ?
Avant de répondre à votre question, permettez-moi de relever qu’il y a une question d’image de marque, un retour d’expérience des autres qui, pour nous, sont une sorte de capacitation. Et à ce niveau, nous avons beaucoup appris. Il y a une prise de conscience collective et individuelle des différents enjeux. Ensuite, il y a cet intérêt sur nos instruments de pilotage tels que la stratégie nationale de l’eau en élaboration au Cameroun, le plan directeur de l’eau et de l’assainissement, le plan directeur de l’eau en milieu urbain et périurbain et le Programme prioritaire quinquennal d’investissement (PPQI) de la CAMWATER.
Sans oublier le Plan d’interpellation du président de la République le 31 décembre 2022 présenté aux bailleurs, aux entreprises et aux potentiels partenaires technico-financiers. Nous sommes revenus avec un carnet d’adresses bien fourni et nous ferons des propositions au gouvernement. En tant qu’entreprise disposant d’un minimum de ressources, la CAMWATER va prendre en charge certaines de ces propositions.
Des partenariats ont été initiés. Au final, désormais et de nouveau, la CAMWATER est importante, privilégiée et sollicitée à l’international.
« La croissance démographique, surtout en zone urbaine, accroît les besoins de consommation d’eau. Notre mission est d’assurer l’accessibilité à une eau potable de qualité et nous n’allons pas faillir. Reconnaissons aussi les changements positifs en très peu de mois »
Malgré ces efforts, la CAMWATER doit couper la soif au Cameroun. Comment ?
La CAMWATER déploie des efforts pour élever les standards, mais, comme pour Sisyphe, la pierre revient. La nôtre, c’est la croissance démographique, surtout en zone urbaine, accroît, entre autres, les besoins de consommation d’eau. Mais nous allons relever le défi de l’accessibilité à une eau potable de qualité.
Cela dit, reconnaissons que les choses ont changé en très peu de mois malgré les campagnes de dénigrement. Et c’est bien dommage. Nos personnels travaillent jour et nuit parfois dans des conditions de sacrifice pour améliorer nos services. Ils l’ont accepté en phase de restructuration et méritent d’être encouragés. Aujourd’hui, nous ne comptons rien et le gouvernement non plus. Et le prix de l’eau ne reflète pas ce qu’il coûte à la production. Elle est subventionnée.
Nous faisons face aux casses, aux pertes, à la fraude, que nous combattons et sur lesquelles nous avons le contrôle par notre propre éducation. Point n’est besoin de toujours brandir le verre d’eau à moitié vide, alors qu’on peut le considérer à moitié plein. Nous n’allons pas non plus nous satisfaire des insuffisances. C’est notre travail de les résorber. Pas seul mais avec toutes les parties prenantes.
Peut-on désormais faire confiance à la qualité de l’eau que vous produisez ?
CAMWATER est un service public. L’administration est continue. Nous sommes solidaires des insuccès du passé sur le plan mental, pas moral, et des responsabilités. C’est une contrainte pour progresser. Le chef de l’État l’a toujours prescrit.
Patience chez les consommateurs, abnégation de notre part, et participation citoyenne pour une meilleure satisfaction des politiques publiques permettent de mettre en œuvre le service public au profit des populations. Une responsabilité collective appelle à la solidarité et une alliance citoyenne autour de l’eau. Pour cela, l’infrastructure mentale est importante.
Le vandalisme ne doit pas affecter le renouvellement des équipements. Parce que, somme toute, il faudra toujours investir l’argent de CAMWATER ou de l’État. Les besoins sont illimités pour l’Etat, les ressources, rares. La participation des citoyens à l’édification de CAMWATER est importante. Il n’est donc pas toujours utile de ne pointer du doigt que les dirigeants qui se battent pour améliorer l’offre.
Certains quartiers n’ont pas accès à l’eau parce que des individus font des dérivations qui induisent des infiltrations de la mauvaise eau dans les circuits de distribution. D’où parfois des changements de couleur localisés, la baisse de pression et les pertes hydriques constatés à des endroits difficiles à localiser. C’est une perte, pas seulement pour la CAMWATER, mais pour le pays.
« L’assainissement se fait déjà au Cameroun avec des mairies et des sociétés de salubrité et d’autres privés. Mais cela ne suffit pas. Il faut transformer les déchets en imputs sains ou productifs »
Abidjan a intégré le volet assainissement à l’AAE. Qu’en est-il de la CAMWATER dont le DG est vice-président de cette association en Afrique centrale ?
Les questions d’assainissement, multi-partenariales, seront prises en compte au niveau politique et déclinées en stratégies à CAMWATER. Surtout que nous étions intégrés à l’élaboration de la politique nationale de l’eau et de l’assainissement. Celle-ci sera adoptée et déployée. L’assainissement se fait déjà au Cameroun. Des mairies ont des unités de traitement, des sociétés de salubrité existent, d’autres privés font dans la vidange.
Mais cela ne suffit pas. Il faut transformer les déchets en imputs sains ou productifs. Par exemple, la boue de vidange peut être traitée pour devenir le compost pour l’agriculture. Et l’eau souillée retraitée. On peut retirer les effluents pour les utiliser ailleurs. Mais l’eau souillée redevient de l’eau potable qui peut être réinjectée dans le circuit, limitant ainsi les pertes de ressources.