Infrastructure : l’Afrique mise sur son capital domestique pour redessiner son futur
Le dernier State of Africa’s Infrastructure Report 2025 de la Africa Finance Corporation (AFC) révèle un trésor inexploité : plus de 4 000 milliards $ de capital domestique, dont 1,1 milliard $ mobilisable à long terme. Le rapport propose un plan d’action clair pour investir dans l’énergie, les transports, l’industrie et le numérique. Analyse chiffrée et perspectives.

Selon l’édition 2025 du State of Africa’s Infrastructure de l’AFC, l’Afrique dispose déjà de 1 100 milliards $ en capital institutionnel (fonds de pension, assurance, banques publiques, fonds souverains), auxquels s’ajoutent 2 500 milliards $ en actifs bancaires et 470 milliards $ de réserves des banques centrales. Au total, plus de 4 000 milliards $ de ressources internes pourraient financer les infrastructures nécessaires au décollage économique du continent.
Au total, plus de 4 000 milliards $ de ressources internes pourraient financer les infrastructures nécessaires au décollage économique du continent
Pourtant, la majeure partie de ces fonds reste investie dans des actifs liquides et peu risqués — bons du Trésor, placements à court terme — au lieu d’être redirigée vers l’énergie, les transports ou le numérique . Le rapport appelle donc à des réformes financières profondes et à la création de véhicules d’investissement collectifs adaptés à l’infrastructure.
Énergie : passer à la vitesse supérieure pour nourrir la croissance
En 2024, l’Afrique a ajouté seulement 6,5 GW de capacité électrique/utilitaire – comparés à 18 GW pour l’Inde et 48,6 GW aux États-Unis. Le rapport préconise de doubler ou tripler ce rythme pour atteindre l’autonomie énergétique .
La feuille de route proposée comprend des interconnexions transrégionales, des marchés de l’électricité intégrés, des réformes tarifaires et la structuration de pipelines de projets à grande échelle .
Transports & logistique : vers des corridors modernes et compétitifs
Le rapport souligne une nouvelle vague de privatisations portuaires tournée vers la technologie et la modernisation, ainsi qu’un essor du rail privé et régional — comme le Corridor de Lobito. Avec 7 000 km de voies ferrées en projet, le continent pourrait doubler son rythme d’infrastructures ferroviaires au cours de la prochaine décennie.
Les routes, surtout rurales et vers les centres agricoles enclavés, sont identifiées comme un domaine à fort impact, nécessitant des partenariats public‑privé (PPP) et des mécanismes de péage par corridor .
Industrie : transformer localement un panier d’importations stratégiques
L’AFC cible trois secteurs prioritaires : l’acier, les engrais et le raffinage pétrolier. L’Afrique importe chaque année 300 milliards $ de ces produits. Par exemple, la consommation d’acier plafonne à 24 kg/hab contre 219 kg dans le reste du monde ; pour les engrais, 23 kg/ha contre 140 kg.
Les investissements brownfield s’élèvent à 16 milliards $, nécessaires pour moderniser les raffineries existantes, et de nouveaux projets greenfield sont incontournables pour atteindre l’autosuffisance .
Numérique : construire un écosystème inclusive et souverain
Avec l’arrivée de câbles sous-marins à haute capacité, l’Afrique dispose d’un terreau propice pour étendre la fibre, les points d’échange Internet (IXP) et data centers régionaux – fondements de la souveraineté numérique.
Le rapport formule un agenda clair : combler la fracture rural-urbain, libéraliser progressivement les marchés télécoms — citant l’exemple de l’Éthiopie —, harmoniser les régulations sur la protection des données, et investir dans les compétences numériques et infrastructures telles que l’e-ID et les e‑paiements.
Un appel à l’action coordonnée
L’AFC conclut que les contingences climatiques, la crise de la dette (service de la dette plus lourd que l’aide climatique selon la CEA) et la contraction des capitaux extérieurs font de l’autofinancement une urgence. Le déficit annuel estimé à plus de 400 milliards $ d’infrastructures ne pourra être comblé que par une mobilisation massive des ressources locales.
Pour cela, la mission est triple : Réformer les régulations des fonds institutionnels pour autoriser l’investissement long terme ; Profiter des instruments de mitigation pour sécuriser les investissements ; Structurer des véhicules d’investissement adaptés via PPP et fonds thématiques.
Les outils existent. Le capital est disponible. Ce qu’il faut maintenant, c’est une action coordonnée pour le libérer. Les dirigeants africains doivent mobiliser les ressources domestiques à grande échelle…
« Ce rapport offre une feuille de route concrète pour permettre à l’Afrique de canaliser sa puissance financière considérable vers les infrastructures nécessaires à sa transformation industrielle — qu’il s’agisse de développer l’approvisionnement en électricité, de revitaliser le rail ou de renforcer des secteurs stratégiques comme l’acier et les engrais. Les outils existent. Le capital est disponible. Ce qu’il faut maintenant, c’est une action coordonnée pour le libérer, conclu Samaila Zubairu, PDG de l’Africa Finance Corporation (AFC). Les dirigeants africains doivent mobiliser les ressources domestiques à grande échelle… Les nouvelles recherches de l’AFC estiment prudemment la valeur des capitaux nationaux africains à plus de 4 000 milliards de dollars. »