
Si l’Afrique a toujours été terre de créativité, une source d’inspiration pour les stylistes, musiciens, peintres et autres esprits créatifs du monde entier, elle ne représente que 5% du marché mondial des industries créatives évalué à 2,4 milliards de dollars. Pour transformer le potentiel du continent en point de croissance, valeur ajoutée, et in fine en emploi pour une jeunesse en quête de devenir, tout un écosystème reste à construire. C’est le pari lancé par Samba Bathily, Président du groupe ADS& Mathilde Lafarge, CEO d’ONYX, réunis au sein de la société DEEP (Dream Exclusive Entertainment and Production) qui ont conviés, en cette fin d’année 2019, près de 200 personnes à Mindelo, capitale culture du Cap Vert, pour l’Afro Creative Ecosystem Meet-UP (A.C.E.).
Par Dounia Ben Mohamed, à Mindelo (Cap-Vert)
Si l’âme de Césaria Evora est omniprésente à Mindelo, à se promener dans cette citadelle du Cap-Vert, située sur l’île de São Vicente, considérée comme la capitale culturelle du pays qui aura vu naître « la Diva aux pieds nus », on comprend que c’est l’esprit de Mindelo qui a inspiré cette dernière.
Avec son identité propre, brassage culturel entre les influences africaines et européennes qui se lit dans les visages, les architectures de ses maisons toutes en couleur, et les nombreuses mélodies, du fado à la samba en passant par des sons plus urbains, qui rythment les jours de cette île presque hors du temps qui fut jadis un des derniers points de non-retour, du temps de la traite, et se mue, au fil des années, portée par des artistes, soutenus par ses responsables publics, comme la source d’une renaissance culturelle panafricaine.
« Ici, ce n’est pas l’énergie solaire mais le tourisme et la création artistique »
Une destinée qui n’aura pas échappée à Samba Bathily. C’est au hasard d’un séjour professionnel que l’homme d’affaire malien pose ses premiers pas à Mindelo, au départ pour un projet solaire avant d’être happé par l’âme de l’île. « Pour la petite histoire, confiera Samba Bathily, je suis venu la première fois à Praia il y a trois ans, pour un projet solaire. Le soir, on jouait de la musique. Quand les personnes qui m’entouraient ont vu que j’aimais la musique, elles m’ont conseillé d’aller à Mindelo. » Ce qu’il fera. Immédiatement séduit, l’homme y achète une maison avant de mûrir un projet plus ambitieux.

« Étant un homme d’affaire, j’ai aussi flairé des opportunités. Ici, ce n’est pas l’énergie solaire mais le tourisme et la création artistique. J’ai décidé d’y créer un espace où l’on peut réunir des artistes, des musiciens, mais également des plasticiens, des réalisateurs… Un cadre où l’on peut se retrouver, échanger sur les questions de développement du continent. Parce que, souvent, en Afrique, on ne se rencontre pas. Et quand on se voit, c’est chez les autres, nous ne fixons pas notre propre agenda. Pour moi, Mindelo est un creuset de tout ce à quoi je réfléchissais et j’aspirais. Avec en plus la mer, ce côté insulaire, quand on parle d’île, cela fait toujours rêver. C’est facile d’y attirer les gens. Mindelo peut-être le Las Vegas, le Monaco, la Rivera africaine, tous les ingrédients sont là ! »
« Échanger, partager des repas, danser…réfléchir ensemble à la manière de tirer profit du potentiel créatif de l’Afrique »
C’est ainsi que d’échanges en échanges, il organisera, avec Mathilde Lafarge, CEO d’ONYX,réunis au sein de la société DEEP(Dream Exclusive Entertainment and Production), du 27 au 31 décembre, à Mindelo, l’Afro Creative Ecosystem Meet-UP (A.C.E.), une rencontre qui réunit des producteurs (TV & musique), des artistes, des sportifs, des acteurs publics et économiques, des investisseurs … En somme, l’écosystème nécessaire à la promotion et à l’optimisation économique des industries créatives en Afrique. « Je n’ai pas pensé à un forum comme on a l’habitude d’en voir, confiera Mathilde Lafarge. Nous voulions réunir dans un même endroit, une cinquantaine de personnes qui allaient échanger, partager des repas, danser, dans le cadre des fêtes de fin d’année, dans cette île qui nous offre le décor parfait, pour réfléchir ensemble à la manière de tirer profit du potentiel créatif de l’Afrique et, par la même occasion mieux connaître le Cap-Vert ».
Des musiciens, des comédiens, des sportifs, des acteurs publics et économiques, des investisseurs …
De la cinquantaine de convives prévus, ils seront au final 180 personnes. Parmi lesquelles, des personnalités de choix, du comédien béninois à la carrière internationale, Djimon Hounsou à Amadou Gallo Fall, vice-président et directeur général de la NBA Africa, en passant par les créateurs de mode made in Africa les plus en vue Elie Kuame et Alphadi, jusqu’aux ministres cap-verdien du tourisme et de la culture, leur homologue guinée, Gabriel Curtis, ministre des Investissements et des partenariats publics-privés, ou encore le chanteur nigérian Patoranking, Marina Sow, présidente de la Maison Ousmane Sow, etc. Des profils divers et variés mais tous partageant la même conviction : l’Afrique regorge de talents.

Or, si l’Afrique a toujours été terre de créativité, une source d’inspiration pour les stylistes, musiciens, peintres et autres esprits créatifs du monde entier, elle ne représente que 5% du marché mondial des industries créatives évalué à 2,4 milliards de dollars. Pour transformer le potentiel du continent en point de croissance, valeur ajoutée, et in fine en emplois pour une jeunesse en quête de devenir, tout un écosystème reste à construire.Allant des écoles de formations aux usines de textiles en passant par les studios et maisons de production., en vue de poser les fondations d’une plateforme panafricaine de promotion des industries créatives.Lequel pourrait trouver son centre de gravité à Mindelo, qui abrite d’ores et déjà le Hub flottant, un centre de production et de divertissement de musique contemporaine, d’arts et de culture par ADS Cabo Verde conçu par l’architecte Kunlé Adeyemi, NLÉ Works.
« Notre image a été construite par les autres et diffusée à l’intérieur du continent. Nous devons corriger et diffuser une image positive de l’Afrique… »
« La Cap-Vert en général et Mindelo en particulier peuvent être un incubateur. Tout le monde connaît cette île à travers Césaria Evora, donc la culture, rappelle Samba Bathily. La chose la plus partagée en Afrique, ce sont les talents. Chaque Africain a du talent, il est né avec. Dans la danse, le sport, la mode, on est les meilleurs. La question c’est comment monétiser ses talents ? Nous avons besoin d’un cadre dans lequel les investisseurs vont pouvoir rencontrer et investir dans ces talents. » Pour le business man qui opère déjà dans les infrastructures, l’énergie, le tourisme, l’industrie créative est un secteur à fort potentiel. « Je ne vois pas quel autre secteur en Afrique peut créer les 50 millions d’emplois dont nous avons besoin. Il ne peut y avoir de développement en Afrique sans la culture. »
De la mode, à la production audiovisuelle, au graphisme et jeux vidéo, sans oublier l’artisanat, les arts plastiques… Les disciplines sont aussi nombreuses que les opportunités et les autorités cap-verdiennes sont bien décidées à les explorer en positionnant l’archipel idéalement situé entre les côtes ouest-africaines et l’Atlantique comme la capital culturel africaine. « L’Afrique est un vaste continent, très diversifié, mais avec un vrai problème d’image. Notre image a été construite par les autres et diffusée à l’intérieur du continent. Nous devons corriger et diffuser une image positive de l’Afrique, exhortera José Gonçalves, ministre du Tourisme, des Transports et de l’Économie maritime du Cap-Vert. En matière de tourisme, nous avons un énorme potentiel, mais nos infrastructures demandent des investissement, pour lesquelles il faut de la stabilité… Et au final créer les perspectives pour que les Africains trouvent plus davantage à rester en Afrique que l’inverse. »
« Nous n’avons pas encore compris l’importance de notre culture pour éduquer nos jeunes mais aussi le monde. Pour dire qui nous sommes ! »
« La culture n’est pas une question d’amateur, poursuivra le ministre de la Culture et des Industries créatives du Cap-Vert, Abraao Vicente. Le Cap-Vert est le premier pays à avoir ouvert un centre culturel en Europe. Dans cet objectif de catalyser les investissement et de promouvoir positivement notre identité. »

Car la culture, loin de se limiter à du divertissement est également le vecteur d’une histoire, d’une identité, d’un patrimoine ainsi que l’exprimera Djimon Hounsou. « Je suis très optimiste pour mon continent, je sais ce que mon continent peut apporter au monde. L’image c’est votre histoire, à travers les films. Regardez comment l’American Dream a voyagé à travers le monde à travers le cinéma ! Nous n’avons pas encore compris l’importance de notre culture pour éduquer nos jeunes mais aussi le monde. Pour dire qui nous sommes ! »