Industrie textile : vers une renaissance africaine portée par l’industrialisation
Afreximbank lance en juillet un site textile intégré de 5 milliards $ au Nigeria, dans le cadre d’un vaste plan d’industrialisation continentale visant à relancer la filière coton, économiser jusqu’à 4,7 milliards $/an et créer 250 000 emplois. Un programme dès plus ambitieux destiné à booster l’industrie textile africaine, un secteur qui génère 8 milliards de dollars par an, mais demeure largement sous-exploité face à une demande locale croissante et un marché mondial compétitif… Analyse.

Le 32ᵉ Forum annuel d’Afreximbank, clôturé début juillet à Abuja, a été le théâtre d’une annonce de taille : dès ce mois de juillet, Afreximbank, en partenariat avec Arise IIP et le fabricant suisse Réiter (Rieter), va lancer au Nigeria la construction d’une usine textile intégrée de 5 milliards $, dans le cadre du « Africa Textile Renaissance Plan ».
« Africa Textile Renaissance Plan » : réduire de 4,7 milliards $ le montant annuel des importations textiles du Nigeria, et générer jusqu’à 250 000 emplois locaux
Ce projet majeur vise à revitaliser une filière coton longtemps en sommeil. Selon Benedict Oramah, président sortant de la banque, cette initiative pourrait non seulement réduire de près de 4,7 milliards $ le montant annuel des importations textiles du Nigeria, mais aussi générer jusqu’à 250 000 emplois locaux.
Il s’inscrit dans une stratégie plus large de transformation économique : Afreximbank ambitionne d’augmenter la capacité de transformation du coton à 500 000 tonnes métriques sur les trois à cinq prochaines années, avec la création potentielle de 500 000 emplois à l’échelle continentale. Les efforts porteront aussi sur la localisation de la maintenance des machines, l’assemblage industriel sur place, et l’implantation de centres de formation.
Ll’industrialisation est la pierre angulaire de la transformation économique de l’Afrique
Pour mettre en œuvre ce plan ambitieux, Afreximbank, Arise IIP et Réiter ont signé, le 14 octobre 2024, un accord de principe doté d’un financement de 5 milliards de dollars. L’objectif: installer une base industrielle robuste et durable.
L’Europe participe également à l’effort, la Suisse accompagnant ce projet ambitieux, notamment via le fournisseur Rieter. Ce dernier s’engage à établir progressivement en Afrique des unités d’assemblage et de maintenance locale, à commencer par un site à Benin City, au Nigeria .
Outre sa vocation économique, cette usine répond à un enjeu industriel et alimentaire : moins de dépendance et plus d’exports à valeur ajoutée, notamment vers les États-Unis dans le cadre de l’accord AGOA (African Growth and Opportunity Act).

L’émergence d’une Afrique plus résiliente et autonome
Cette annonce s’inscrit dans le discours de Benedict Oramah, prononcé à la clôture du forum : selon lui, « l’industrialisation est la pierre angulaire de la transformation économique de l’Afrique ». Il a rappelé que, depuis 2015, Afreximbank a mobilisé plus de 155 milliards $ de financements, avec des actifs totaux en progression x8 pour atteindre près de 40 milliards $, un résultat motivant son ambition de tripler d’ici 10 ans.
Ce projet textile figure parmi les grandes opérations d’envergure annoncées lors de son mandat : aux côtés des 4 milliards $ pour la raffinerie Dangote, de 2,9 milliards $ pour le barrage hydroélectrique de Rufiji (Tanzanie), ou d’un prêt de 750 millions $ pour le Ghana, il affirme l’émergence d’une Afrique plus résiliente et autonome.
D’un point de vue économique, le plan textile s’inscrit dans un cadre continental dynamique : malgré une expansion historique des importations (le Nigeria a vu ses achats doubler entre 2019 et 2022, représentant environ 600 M$ seulement pour les textiles, selon les données du Bureau national des statistiques du Nigeria), l’objectif est clair : inversion de tendance, valeur ajoutée sur place, accès direct aux marchés mondiaux.
Un défi reste la mise en œuvre technique : le plan sera déployé sur des emprises industrielles ARISE dotées d’infrastructures adaptées (eau, énergie, gaz), après sélection des pays selon ces critères techniques . Grâce à un processus de financement clarifié (documentation standardisée, offres clé en main), les promoteurs espèrent fluidifier le lancement de projets en deux mois.
Des centres de formation technique pour assurer la montée en compétences des travailleurs locaux
Profondément impliquée, Rieter installera d’abord un centre de maintenance et de pièces détachées dans les parcs industriels ARISE, avec une montée en puissance progressive de l’assemblage.
L’ensemble de la chaîne sera complété par des centres de formation technique pour assurer la montée en compétences des travailleurs locaux.
Ce plan pourrait marquer un tournant historique pour le textile africain, en passant d’une économie de matière première à une filière pleinement intégrée, industrielle et compétitive à l’échelle mondiale.
Nous devons transformer la manière dont l’Afrique produit et consomme le textile, en favorisant des solutions durables, compétitives et adaptées aux marchés locaux et globaux
L’industrie textile africaine représente un potentiel considérable pour la diversification économique et la création d’emplois sur le continent. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le secteur textile africain génère environ 8 milliards de dollars par an, mais demeure largement sous-exploité face à une demande locale croissante et un marché mondial compétitif. Le continent importe près de 60 % de ses textiles, ce qui engendre une forte dépendance aux produits étrangers et limite la création de valeur ajoutée locale.
Une demande intérieure en vêtements et textiles en forte croissance
Les opportunités sont nombreuses : l’augmentation de la population africaine – estimée à 1,7 milliard d’ici 2030 – crée une demande intérieure en vêtements et textiles en forte croissance. De plus, les politiques d’intégration régionale comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) facilitent le commerce intra-africain et peuvent stimuler la chaîne de valeur textile locale. Enfin, les innovations technologiques et les partenariats stratégiques, comme celui initié par Afreximbank, participent à la modernisation et à la compétitivité du secteur.
Toutefois, l’industrie fait face à plusieurs défis majeurs : infrastructures insuffisantes, manque de financement à long terme, faibles compétences techniques, et difficultés d’accès aux marchés internationaux en raison de normes strictes et de la concurrence asiatique. Le secteur doit également surmonter les problématiques environnementales liées à la production textile.
Comme l’a souligné Benedict Oramah, président d’Afreximbank, lors de la 32e Assemblée annuelle de la banque : « L’industrialisation est la pierre angulaire de la transformation économique de l’Afrique. Pour réussir, nous devons maîtriser nos chaînes de valeur, réduire notre dépendance aux importations, et investir dans des industries capables de créer des emplois durables. »
De son côté, le directeur général d’Arise Integrated Industrial Platforms (IIP), Boris Mirmont, insiste sur la nécessité d’un changement de paradigme : « Nous devons transformer la manière dont l’Afrique produit et consomme le textile, en favorisant des solutions durables, compétitives et adaptées aux marchés locaux et globaux. »