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Industrie pharmaceutique : un nouveau plan pour renforcer les systèmes de défense sanitaires d’Afrique 

Le continent importe près de 95 % de ses besoins en médicaments. Un enjeu de santé publique majeur. Face à l’explosion démographique, investir dans le secteur devient urgent afin de proposer un accès à des médicaments abordables et de qualité, une mise en place de politiques publiques et de partenariats publics-privés adaptés… autant de facteurs nécessaires au développement du potentiel de croissance du secteur en Afrique. Le récent plan d’action conjointement mis en place par la BAD et la BID s’inscrit dans ce sens.

Par Bilkiss Mentari

Le 16 février 2023, le Groupe de la Banque africaine de développement et la Banque islamique de développement ont signé un plan d’action conjoint de partenariat pour le développement du secteur de l’industrie pharmaceutique dans leurs pays membres africains. Ce plan offre un nouveau cadre pour renforcer la coopération et les priorités de développement mutuelles, en mettant l’accent sur le renforcement des systèmes de défense sanitaires du continent. 

“Le plan couvre des prêts en faveur de projets dans les secteurs public et privé et de projets de développement pharmaceutique selon une approche régionale” 

« Le plan d’action conjoint permet aux deux institutions de développer une réserve commune de projets bancables, autour d’axes clés complémentaires, auxquels chacune apporterait son avantage comparatif. Le plan couvre des prêts en faveur de projets dans les secteurs public et privé et de projets de développement pharmaceutique selon une approche régionale », indique la BAD dans un communiqué.

Le Groupe de la Banque africaine de développement et la Banque islamique de développement vont également coopérer dans l’organisation d’un forum mondial des entreprises pharmaceutiques en mai 2023, lors des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement. L’événement réunira des capitaines d’industrie majeurs du secteur pharmaceutique, dont de grandes entreprises, des agences de régulation régionales, continentales et gouvernementales, et des entités de transfert de technologies. Il y sera question d’opportunités commerciales, des accords de commercialisation des vaccins, de ceux de transfert de technologie pharmaceutique et des ressources allouées à la préparation de projets – entre autres.

“Bien que certains pays africains comme l’Égypte, l’Afrique du Sud, la Tunisie ou encore le Maroc, produisent des médicaments et couvrent entre 70% et 80% de leurs besoins, plus de 80% des produits pharmaceutiques et médicaux sont importés sur le continent”

Il faut savoir qu’à ce jour l’Afrique ne produit que 3% de la production pharmaceutique mondiale (375 fabricants dans 37 pays africains, contre 5 000 en Chine par exemple) selon les données fournies par le cabinet de conseil Morgan Philips. « Pourtant, 25% des malades de la planète, toutes pathologies confondues, sont africains. » La pandémie Covid 19 a révélé les failles du secteur de l’industrie pharmaceutique africaine. A savoir, selon les Nations Unies, « l’insuffisance des capacités de l’Afrique à fabriquer et à fournir les médicaments essentiels et les équipements de protection individuelle (EPI) nécessaires à enrayer la pandémie ». Bien que certains pays africains comme l’Égypte, l’Afrique du Sud, la Tunisie ou encore le Maroc, produisent des médicaments et couvrent entre 70% et 80% de leurs besoins, plus de 80% des produits pharmaceutiques et médicaux sont importés sur le continent, majoritairement de Chine ou d’Inde, rendant le développement et l’implantation de la production locale difficile. 

D’où la nécessité d’investir dans le secteur. Un accès à des médicaments abordables et de qualité et surtout, une mise en place de politiques publiques et de partenariats publics-privés adaptés, sont autant de facteurs nécessaires au développement du potentiel de croissance du secteur en Afrique.

En 2007, l’Agence de développement de l’Union africaine – AUDA-NEPAD, s’était attaqué au morceau en lançant un vaste « Plan de fabrication pharmaceutique pour l’Afrique », porté par les pays de l’Union africaine. Mais ce n’est qu’en 2012, que le Plan a été accompagné de mesures et de « solutions techniques ».

“Institutions publiques et entreprises privées doivent s’allier, notamment concernant les réglementations car ces dernières sont peu encadrées, ce qui entraîne le développement de sous-marchés illégaux”

Face à l’explosion démographique africaine et la croissance annoncée pour les vingt prochaines années, une action qui inclut le secteur privé, semble, une fois de plus, l’alternative aux failles existantes. Avec un marché pour l’essentiel composé de « petits marchés fragmentés » et de « la faiblesse des cadres réglementaires » relève Morgan Philipps, aucune entreprise ne pourrait aujourd’hui assurer la production, l’approvisionnement et les exportations à elle-seule, de médicaments et autres produits médicaux. « C’est pourquoi, institutions publiques et entreprises privées doivent s’allier, notamment concernant les réglementations car ces dernières sont peu encadrées, ce qui entraîne le développement de sous-marchés illégaux ».  60 % des médicaments consommés en Afrique sont contrefaits ou détournés des approvisionnements classiques. 

« L’Afrique doit miser sur les marchés intégrés et mettre en place des politiques de facilitation du commerce intra-africain, faits déjà partiellement appliqués grâce à la ZLECAf »

A ce titre, la Zone de libre-échange continentale africaine apparaît, à ce niveau-là également comme une opportunité pour le développement d’une industrie pharmaceutique africaine et l’accès aux soins à tous. « L’Afrique doit miser sur les marchés intégrés et mettre en place des politiques de facilitation du commerce intra-africain, faits déjà partiellement appliqués grâce à la Zleca, recommande le cabinet. Des politiques adaptées, des investissements croissants ainsi qu’une harmonisation des systèmes réglementaires pourraient ainsi permettre à l’Afrique de fabriquer et produire ses propres médicaments à l’avenir. »

En attendant, des initiatives, comme la création, en 2021, de l’Agence africaine du médicament, située au Rwanda, doit être dupliquée.

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