Industrie pharmaceutique : des initiatives, publiques et privées qui changent la donne
Avec des partenariats stratégiques, des investissements croissants et une volonté politique renouvelée, l'Afrique se positionne comme un acteur majeur dans la production et l'innovation pharmaceutiques, marquant ainsi une étape cruciale dans la quête du continent pour une santé durable et une autosuffisance médicale.

Par Bilkyss Mentari
Les progrès de l’Afrique vers la construction d’une industrie pharmaceutique résiliente et autosuffisante ont franchi une étape significative avec la signature, le 19 décembre dernier, d’un accord de siège entre la Fondation africaine pour la technologie pharmaceutique et le gouvernement rwandais, pays hôte, ouvrant ainsi la voie à la mise en œuvre opérationnelle de la Fondation. Un pas crucial vers la réalisation de l’autonomie pharmaceutique du continent.
Approuvée par le Conseil d’administration du Groupe de la Banque africaine de développement en juin 2022, la Fondation africaine de technologie pharmaceutique représente un effort collectif pour doter l’Afrique d’une infrastructure pharmaceutique solide. Son travail bénéficie d’un soutien technique et financier mondial, ce qui en fait un acteur central du secteur pharmaceutique africain.
La Fondation a également renforcé sa coopération en signant un mémorandum d’accord avec la Banque européenne d’investissement, soulignant ainsi l’importance des partenariats pour atteindre cet objectif commun.
La Banque africaine de développement s’engage à investir jusqu’à 3 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie

Le rôle clé du gouvernement rwandais dans l’ancrage de la Fondation et l’attribution de son statut d’agence internationale souligne l’importance de l’engagement politique dans cette entreprise. Lors de la cérémonie de signature de l’accord de pays hôte à Kigali, le ministre rwandais des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Dr Vincent Biruta, a souligné l’impératif de réduire l’écart en matière d’équité vaccinale entre l’Afrique et les nations développées.
« Pour combler cet écart, nous devons continuer à investir dans la production pharmaceutique en Afrique et dans d’autres pays en développement », a déclaré Biruta. Il a ajouté : « Le transfert de technologie et de connaissances est essentiel. La nouvelle Fondation africaine de technologie pharmaceutique aidera l’Afrique à accéder rapidement aux dernières avancées pharmaceutiques. »
« La technologie est l’outil de transformation principal qui permettra le développement d’une industrie pharmaceutique compétitive dont l’Afrique aura besoin pour garantir la santé et le bien-être de tous ses habitants », a souligné le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Dr Akinwumi Adesina. Il a ajouté : « La Banque africaine de développement s’engage à investir jusqu’à 3 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie dans le développement de l’industrie pharmaceutique dans le cadre de nos efforts pour industrialiser l’Afrique et réduire la dépendance du continent vis-à-vis des importations. »
Une initiative saluée par les partenaires mondiaux, dont l’Organisation mondiale de la santé et l’Organisation mondiale du commerce. « L’Organisation mondiale de la santé est fière de soutenir la Fondation africaine de technologie pharmaceutique et sa mission d’accroître l’accès à des médicaments sûrs et efficaces pour l’Afrique. La santé n’est pas un privilège. C’est un droit humain, qui est intégré au développement et à la durabilité » a rappelé le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesu. «
La Fondation a également renforcé sa coopération en signant un mémorandum d’accord avec la Banque européenne d’investissement, soulignant ainsi l’importance des partenariats pour atteindre cet objectif commun. Ce partenariat vise à mobiliser de nouveaux financements pour surmonter les obstacles du marché et à encourager les investissements dans la production pharmaceutique sur le continent.
Le travail de la Fondation, qui bénéficie d’un soutien technique et financier significatif à l’échelle mondiale et en Afrique, sera central pour le secteur pharmaceutique africain. Il s’agit du premier du genre à favoriser la collaboration entre les secteurs public et privé en Afrique, en Amérique du Nord, en Europe et dans le reste du monde en développement.

A côté des efforts des Etats et des bailleurs de fonds, le secteur privé africain également contribue à cet engagement en faveur de l’autonomie pharmaceutique du continent. Pour preuve, les constructions d’usines pharmaceutiques qui se multiplient. Le groupe Dangote, dirigé par l’homme d’affaires nigérian Aliko Dangote, a annoncé la construction d’une usine pharmaceutique à Lagos, au Nigeria. Cette usine, qui devrait être l’une des plus grandes d’Afrique, produira une gamme de médicaments génériques pour répondre aux besoins du marché local et régional.
L’Éthiopie a récemment inauguré une usine de fabrication de produits biopharmaceutiques à Addis-Abeba. Cette usine, construite en partenariat avec une entreprise allemande, vise à produire des médicaments biologiques essentiels pour le traitement de maladies telles que le cancer et le diabète.
Une nouvelle usine pharmaceutique a été inaugurée à Kampala, en Ouganda, visant à renforcer la capacité de production nationale de médicaments essentiels. Cette usine devrait contribuer à réduire la dépendance du pays aux importations pharmaceutiques et à améliorer l’accès aux médicaments pour la population locale.
Une usine pharmaceutique suisse, Siegfried PharmaChemikalien, a récemment annoncé son intention d’ouvrir une nouvelle usine de production de médicaments génériques à Mindanao, au Nigeria. Cette usine devrait contribuer à accroître la disponibilité des médicaments essentiels sur le marché nigérian.
L’Afrique du Sud a lancé la construction d’un nouveau centre de recherche et développement biopharmaceutique dans la province du Gauteng. Ce centre, financé par le gouvernement sud-africain, vise à stimuler l’innovation dans le secteur pharmaceutique et à renforcer la compétitivité de l’industrie sud-africaine sur le marché mondial.
Sans oublier l’usine de production de vaccins développée par BioNtech et implanté au Rwanda.
Seulement 3% de la production pharmaceutique mondiale…Pourtant, 25% des malades de la planète, toutes pathologies confondues, sont Africains
Des exemples qui illustrent la tendance croissante à investir dans le secteur pharmaceutique en Afrique, une industrie en pleine ébullition, mais avec des défis majeurs à dépasser. “L’Afrique abrite 17,2% de la population mondiale en 2020, mais seulement 3% de la production pharmaceutique mondiale (375 fabricants dans 37 pays Africains, contre 5 000 en Chine par exemple), relève le cabinet Morgan Philips dans un rapport sur l’industrie pharmaceutique en Afrique. Pourtant, 25% des malades de la planète, toutes pathologies confondues, sont africains. Le secteur pharmaceutique est ainsi un enjeu majeur dans lequel le continent doit investir. Un accès à des médicaments abordables et de qualité et surtout, une mise en place de politiques publiques et de partenariats publics-privés adaptés, sont autant de facteurs nécessaires au développement du potentiel de croissance du secteur en Afrique.”
Si Ebola et pandémie de la Covid-19 ont participé à une prise de conscience, révélant « l’insuffisance des capacités de l’Afrique à fabriquer et à fournir les médicaments essentiels et les équipements de protection individuelle (EPI) nécessaires à enrayer la pandémie », seuls l’Égypte, l’Afrique du Sud, la Tunisie ou encore le Maroc, produisent des médicaments et couvrent entre 70% et 80% de leurs besoins, alors que plus de 80% des produits pharmaceutiques et médicaux sont importés sur le continent, majoritairement de Chine ou d’Inde, rendant le développement et l’implantation de la production locale difficile.
Pour inverser la tendance, il convient de procéder à une « amélioration de l’accès, de la qualité, de la disponibilité et de l’accessibilité financière des produits pharmaceutiques » et une « augmentation des avantages économiques grâce à la durabilité, la compétitivité et l’autonomie de l’industrie », résume le cabinet. Avant de souligner, l’urgence, à savoir le manque de « financements abordables » et « technologies modernes », qui ne permettent pas l’expansion des entreprises du secteur.
A ce titre, des initiatives qui servent de catalyseur des acteurs, financements, et projets, telle que la Fondation africaine pour la technologie pharmaceutique, sont plus que nécessaires.