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« Il y a un malaise des sociétés civiles africaines sur l’action politique de la France » – Pierre De Gaétan Njikam Mouliom

Depuis cinq ans, Pierre De Gaétan Njikam Mouliom, adjoint au maire de Bordeaux en charge des partenariats avec l’Afrique subsaharienne, organise les Journées nationales des diasporas Africaines à Bordeaux. Au-delà de mettre le projecteur sur les talents des diasporas, les JNDA invitent à repenser les relations franco-africaines. A quelques jours de l’élection présidentielle, nous l’avons interrogé sur l’avenir de la France-Afrique.

Propos recueillis à Bordeaux, par Ghizlaine Badri 

Avant de parler des relations France-Afrique de demain, quel regard portez-vous sur le bilan « Africain » de François Hollande ?

Il faut être à la fois raisonnable, à la limite de l’objectivité, et quand il le faut sévère. Pour être raisonnable, François Hollande a été salué pour tous les chantiers qu’il a réalisés en matière de sécurité, et par les Africains eux même. Les Africains unanimement, ont reconnu les réussites de l’action militaire et les actions de renforcement des capacités de défense, de formation par les services de coopération.

En revanche, d’autres volets sur lesquels il s’était engagé, n’ont pas été conduits à terme. Sur la jeunesse africaine, avec le premier sommet France-Afrique, s’agissant de la gouvernance et du respect des droits de l’homme, le constat aujourd’hui sur la question de la gouvernance démocratique en Afrique reste inachevé. Il y a un malaise des sociétés civiles africaines, sur l’action politique de la France. La communauté française en Afrique ne s’est pas sentie soutenue, et a l’impression de souffrir de discrimination et d’inégalités à plusieurs niveaux. Pour ce qui est de la communauté africaine et française en Afrique, pendant ce quinquennat cette diaspora n’a pas été entendue. Sur le plan de la formation et de l’accueil des étudiants africains, très peu de choses ont été améliorées. A part, Laurent Fabius qui a engagé une diplomatie économique vers la fin de ce quinquennat, et qui est sur la bonne voie.

L’Afrique a été peu présente pendant cette campagne présidentielle, est-ce de mauvais augure ?

Il est vraiment regrettable qu’un pays comme la France, consacre peu de place à l’espace francophone y compris l’Afrique. Au moment des primaires, déjà,  la question africaine n’a pas été au cœur de cette campagne. Tous les candidats ne traitent  l’Afrique que de manière biaisée par rapport aux flux migratoires et par rapport aux questions relatives à l’aide humanitaire. Cela dit, une campagne c’est un moment de construction, les acteurs économiques et sociaux auraient pu mettre au cœur de ces élections l’Afrique, mais pour des raisons de tactique politique, d’autres sujets ont été mis au-devant de ces élections, notamment la question européenne, celle de la relation avec les USA, la Russie, et la Syrie. L’Afrique est passée après, et nous avions l’impression que c’était un sujet mineur, alors que les problèmes sécuritaires et le développement de ce continent géographiquement proche sont primordiaux. La question de la cohésion sociale en France est intimement liée à l’Afrique. C’est aussi l’Afrique en France.

Justement, depuis cinq ans vous organisez à Bordeaux la JNDA, où vous mettez à l’honneur la diaspora africaine. L’idée sous-jacente est de renouveler les relations entre la France et l’Afrique, en s’appuyant sur les diasporas africaines …

J’ai la conviction qu’émerge depuis quelques années un nouvel acteur social économique et politique. La diaspora va impacter de manière sérieuse la politique française. Dans une approche de revendication et de présence, informer les sociétés africaines est primordial. C’est un acteur de l’émergence de l’entre deux. Dans tous ces pays, les gouvernements ont pris conscience que c’est utile, et l’espace politique français ici est très conscient de l’importance de la diaspora africaine. Encore faudrait-il qu’il y ait une prise de conscience africaine, et je pense que cette conscience est en train  de s’épaissir et de créer les conditions favorables à sa mise en place.

Depuis Bordeaux déjà, les relations France-Afrique sont renouvelées. Avec quels résultats ?

La politique africaine de Bordeaux, est ancienne, car il y a toujours eu des liens depuis des siècles, au niveau économique, culturel et humain. Un tournant a eu lieu dans les années 2000, c’est l’établissement de relations avec Oran, Casablanca, Douala, Ouagadougou. En 2014, il y a eu un tournant avec la nouvelle mandature, c’est le renforcement de ce lien à travers la création d’une délégation spécifique pour créer des partenariats avec l’Afrique. Il s’agissait aussi de réajuster  la politique bordelaise dans le temps de l’Afrique, c’est-à-dire de cibler la jeunesse, et les jeunes entrepreneurs, et ensuite de créer la journée de la femme africaine. Bordeaux c’est la French Tech, la santé, la formation des cadres avec Sciences Po, nous avons un programme qui accueille des lycéens, et pour les entrepreneurs, ils passent plusieurs semaines de résidence à Bordeaux afin d’échanger sur les compétences des uns et des autres.

Le rapport avec l’Afrique n’est donc pas seulement vu sous le prisme des intérêts économiques français. C’est pourtant la tendance à Paris. Pensez-vous que le MEDEF dicte la politique africaine française ?

Non, je ne le pense pas. C’est une organisation qui participe à porter la voix de ses adhérents, et à mettre dans l’agenda africain les préoccupations d’un certain nombre d’entreprises. Mais l’Afrique n’a pas attendu le MEDEF  pour développer un secteur privé créateur de valeurs sur le continent. Le climat des affaires juridiques et économiques s’améliore. Surtout, la société civile n’attend pas que son salut vienne d’ailleurs.


 

Auteur : Ghizlaine Badri // Photo : © Pierre De Gaétan Njikam Mouliom, adjoint au maire de Bordeaux en charge des partenariats avec l’Afrique subsaharienne
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