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Il est temps de rendre sa grandeur à l’Afrique

Dans une tribune engagée, le journaliste nigérian Godwin Okafor appelle les dirigeants africains à rompre avec la dépendance extérieure et à s’unir pour bâtir un continent fort, souverain et confiant. Pour lui, l’heure est venue de « Make Africa Great Again ».

Par Godwin Okafor*

À l’heure où le nationalisme redessine les équilibres politiques mondiaux, l’Afrique se trouve à la croisée des chemins.

Le slogan « Make America Great Again » (MAGA) a profondément modifié la trajectoire du monde, ramenant les États-Unis vers eux-mêmes, mettant l’accent sur les intérêts domestiques au détriment du globalisme. L’Europe, elle aussi, adopte désormais une vague nationaliste similaire, avec des politiques axées sur la force régionale, l’autosuffisance et l’indépendance économique. À mesure que l’Occident se retire de la scène mondiale, une question se pose : que font les 54 nations africaines et leurs dirigeants ? N’est-il pas temps de « rendre sa grandeur à l’Afrique » ?

La mort du globalisme et la vulnérabilité de l’Afrique

Pendant des décennies, l’Afrique a été à la merci de structures économiques mondiales qui ont privilégié les intérêts occidentaux et asiatiques. L’ère de la mondialisation, à laquelle de nombreux dirigeants africains ont adhéré en pensant y trouver une voie vers la croissance économique, a en réalité laissé le continent largement dépendant de l’aide étrangère, des importations et d’accords commerciaux déséquilibrés.

Les puissances occidentales et asiatiques extraient les matières premières africaines à bas coût, fabriquent des produits à forte valeur ajoutée, puis les revendent au continent à des prix exorbitants. Ce cycle économique perpétue la dépendance et freine le développement des industries locales.

Alors que l’Occident se replie sur lui-même, avec des politiques du type « Make Europe Great Again » ou « America First », l’Afrique est de plus en plus mise à l’écart de la planification économique mondiale. La pandémie de COVID-19 a révélé les dangers de cette dépendance, quand l’accès aux vaccins est devenu un outil politique plutôt qu’un droit humain. La guerre entre la Russie et l’Ukraine a encore souligné la vulnérabilité du continent, provoquant pénuries alimentaires et énergétiques.

Le monde change, mais l’Afrique reste largement réactive au lieu d’être proactive.

Le rôle des dirigeants africains : à courte vue et intéressés

L’un des plus grands obstacles de l’Afrique est son leadership. Nombre de politiciens africains privilégient l’enrichissement personnel et le pouvoir à court terme au détriment du développement national. La corruption détourne chaque année des milliards de dollars qui pourraient servir à développer les industries, améliorer les infrastructures ou favoriser l’innovation technologique locale.

Plutôt que de renforcer le commerce intra-africain, les dirigeants continuent de chercher des solutions à l’extérieur. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) représente une opportunité de rompre ces chaînes, mais sa mise en œuvre reste lente.

Si l’Afrique veut s’élever, elle doit d’abord se tourner vers elle-même et investir en elle-même, au lieu de chercher à plaire aux intérêts occidentaux.

Un continent prêt pour une renaissance économique et culturelle

L’Afrique abrite 1,4 milliard d’habitants, une richesse minérale immense et certaines des économies les plus dynamiques du monde. Pourtant, elle fonctionne encore comme une mosaïque d’États fragmentés, plutôt qu’une force unifiée. Si les nations européennes peuvent promouvoir l’autosuffisance et relancer la production locale sous l’idéologie du « Make Europe Great Again », pourquoi l’Afrique n’en ferait-elle pas autant ?

La construction de solides industries locales doit être au cœur de la renaissance africaine. Des pays comme la Chine, autrefois dépendants de la fabrication étrangère, se sont transformés en puissances mondiales en misant sur la production locale. L’Afrique peut suivre le même chemin en investissant dans les infrastructures, les technologies et l’éducation, en fonction de ses objectifs de développement à long terme plutôt que d’intérêts étrangers.

Sur le plan culturel, l’Afrique traverse une crise d’identité

La mondialisation a érodé les dialectes, traditions et valeurs locales, les remplaçant par des modèles occidentaux souvent inadaptés aux structures sociales africaines. Les écoles africaines adoptent de plus en plus des programmes d’enseignement occidentaux, les jeunes aspirent à des modes de vie occidentaux et les langues autochtones disparaissent.

Le résultat ? Un continent à l’identité fragmentée, qui peine à concilier modernité et préservation culturelle.

La voie à suivre : un appel à l’action

Pour « rendre sa grandeur à l’Afrique », un changement radical de politique et de mentalité s’impose. Voici ce qui doit changer :

  1. Indépendance économique : Les nations africaines doivent donner la priorité à la production locale, à l’industrialisation et au commerce intra-africain. La dépendance aux biens importés affaiblit les économies nationales et leur souveraineté.
  2. Responsabilisation des dirigeants : Les leaders corrompus doivent être tenus pour responsables de leurs actes. Une gouvernance solide, une transparence accrue et des politiques efficaces sont essentielles.
  3. Renaissance culturelle : L’identité africaine doit être préservée. Les réformes éducatives doivent intégrer l’histoire, les valeurs et les langues africaines. Les arts, la littérature et les médias doivent célébrer le patrimoine africain plutôt que d’imiter les récits occidentaux.
  4. Alliances stratégiques : L’Afrique doit négocier en position de force. Ses partenariats avec la Chine, l’Europe ou les États-Unis doivent être mutuellement bénéfiques, et non exploitants.
  5. Autonomisation des jeunes : La jeunesse africaine est son atout le plus précieux. Les gouvernements doivent investir dans l’éducation, la technologie et l’entrepreneuriat pour créer des opportunités qui retiennent les talents sur le continent plutôt que de les pousser à l’exil.

L’heure n’est plus à l’attentisme. L’Afrique ne peut plus se permettre d’être un acteur passif dans la réorganisation mondiale des pouvoirs. Alors que les nations occidentales privilégient désormais leurs propres intérêts, l’Afrique doit faire de même.

Le message est clair : Make Africa Great Again, non pas par la dépendance, mais par l’autonomie, l’unité et un leadership visionnaire.

*Godwin Okafor est journaliste et chef d’entreprise.

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