Ibrahim Assane Mayaki, Secrétaire exécutif du NEPAD « Se donner les moyens de ses ambitions »
Le secrétaire exécutif de l’Agence du nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) depuis 2009, le Nigérien Ibrahim Assane Mayaki fonde de grands espoirs dans la politique réformatrice de l’Union africaine. Des réformes qui ont pour objectif la création d’une agence de développement de l’UA et son autonomie financière.
Par Propos recueillis par Yannick Ndiaye, à Dakar
Quelles sont les grandes réformes que l’Union africaine doit engager en priorité ?
Les réformes visent à concentrer les travaux de l’organisation sur quatre domaines spécifiques : la paix et la sécurité ; les affaires politiques ; la création d’une zone de libre-échange continentale ; et la représentation de l’organisation dans les affaires mondiales, en accord avec l’idéal panafricaniste des pères fondateurs. L’autosuffisance financière fait partie intégrante de ce processus. Rappelons qu’en 2012, les États membres n’ont financé que 3 % des programmes de l’UA. En 2017, ce pourcentage était passé à 14 %, mais restait encore très loin de l’engagement pris en juin 2017 de financer 75 % des programmes de l’UA d’ici à 2020. Des ressources supplémentaires doivent notamment être obtenues par la taxe de 0,2 % imposée aux importations de « tous les produits éligibles » sur le continent. Il s’agit donc de se donner les moyens de ses ambitions.
En quoi ces réformes peuvent-elles impacter le fonctionnement de l’Agence du NEPAD?
Les réformes sont larges et englobent le fonctionnement de l’Agence du NEPAD. Rien de définitif n’a encore été décidé en ce qui concerne cette institution. Ce qui est certain, c’est que l’exécution des programmes économiques de l’Union africaine sera renforcée et que l’Agence du NEPAD a montré son efficacité dans la mise en œuvre de l’Agenda 2063. L’une des solutions envisagées consiste à créer une agence de développement de l’Union africaine qui serait une sorte d’Agence du NEPAD dotée de plus de ressources à la fois humaines et financières.
Ces réformes peuvent-elles aider à l’intégration des zones économiques identifiées sur le continent (CEDEAO, CEMAC, SADC, etc.) ?
Cultiver et amplifier nos liens, encourager la libre circulation des biens et des personnes, sont des buts essentiels de l’organisation panafricaine. Aujourd’hui, le continent compte huit Communautés économiques régionales. Ces huit communautés officiellement reconnues par l’Union africaine sont le pilier de l’architecture institutionnelle du continent. C’est en les renforçant et en se basant sur leurs États membres que l’Union africaine parvient à proposer des solutions communes à nos problèmes aussi bien communs qu’individuels. Elles sont les courroies de transmission des politiques panafricaines et sont la preuve sur le terrain de la nécessité de penser en commun face aux défis du développement, notamment dans les domaines des infrastructures et de la réglementation.
La question de l’indépendance, notamment financière de l’Union, vis à vis de l’Union européenne, des Etats-Unis et autre, se pose également…
Tout ce qui permet à l’Afrique de parler d’une seule voix lui sera bénéfique pour peser dans le concert des nations. Aujourd’hui, les grands ensembles du monde, depuis les États-Unis jusqu’à la Chine en passant par l’Inde ou par l’Europe, s’organisent diplomatiquement et politiquement. Si l’Afrique continue de s’exprimer par la seule voix de chacun des 55 pays qui la composent, elle ne parviendra pas à faire valoir ses intérêts dans un monde globalisé. Au début des années 2000, l’Afrique a montré au monde qu’elle pouvait s’organiser et choisir elle-même quelles politiques de développement étaient bonnes pour elle. C’est selon moi le début de sa véritable émancipation.
Paul Kagamé, Président en exercice de l’Union africaine, peut-il être le réformateur de l’institution ?
Il n’est pas dans mon rôle de commenter le travail des responsables politiques, tout particulièrement au sein de l’Union africaine. Je note seulement que le président Paul Kagamé déploie une énergie et une écoute au service de l’unité africaine. Je suis très optimiste sur la conduite et sur les conclusions à venir de cette grande réforme.