Guinée : des mines au numérique, un pari pour l’avenir
Longtemps dépendante de ses ressources minières, la Guinée mise aujourd’hui sur le numérique pour transformer son économie et renforcer sa souveraineté. Le Transform Africa Summit 2025 à Conakry a été l’occasion de dévoiler le Pilier 3 du programme Simandou 2040, symbole de cette ambition.

Hier encore, la Guinée comptait sur ses minerais pour générer sa richesse. Aujourd’hui, elle investit dans ses talents, ses idées et ses infrastructures digitales pour bâtir son futur. « Autour du projet minier Simandou 2040, nous avons bâti un programme de transformation socio-économique. Aujourd’hui, l’axe 3 porte sur la technologie », explique Rose Pola Pricemou, Ministre des Postes, des Télécoms et de l’Économie numérique.
Des infrastructures solides pour soutenir la transformation

La Guinée a déployé un réseau numérique ambitieux : 12 000 km de fibre optique à travers le pays, un Data Center national Tier III pour garantir l’indépendance technologique, et plus de 500 écoles déjà connectées grâce au projet GIGA mené avec l’UIT et l’UNICEF. Un second câble sous-marin est en cours de raccordement avec le soutien de la Banque mondiale, tandis que des interconnexions régionales sont déjà actives avec le Mali, la Sierra Leone et la Côte d’Ivoire, avec des discussions avancées pour le Sénégal, le Libéria et la Guinée-Bissau. Chaque capitale régionale se dote de hubs numériques, véritables pôles d’innovation et de formation pour la jeunesse, tandis qu’un Technopôle national de 20 hectares à Symphonia accueillera start-up et investisseurs internationaux.
« Élaborer un programme, c’est 5 %; l’exécution, c’est 95 %. La Guinée s’est dotée d’une Delivery unit pour lever les blocages et garantir les résultats », rappelle Maimouna Diakhaby, conseillère du président sur Simandou 2040.
Capital humain et inclusion numérique
Le numérique devient un levier transversal, soutenant l’éducation, l’industrie, la culture et l’énergie. La Guinée investit massivement dans le capital humain. Le programme R‑CUN illustre cette priorité : plus de 300 femmes ont déjà été formées aux outils numériques pour développer leur activité depuis leur domicile, avec un objectif ambitieux de 1 500 participantes cette année, surtout dans les zones rurales. « Ces femmes repartent avec des projets concrets et créent une économie de valeur depuis chez elles », souligne Rose Pola Pricemou.
Les start-up guinéennes bénéficient d’un accompagnement technique et financier : plus de 300 candidatures ont été reçues pour le Grand Prix Suède cette année, dont 10 lauréats seront soutenus. L’année dernière, quatre start-up locales ont été primées au Sommet mondial de la Société de l’information à Genève, preuve d’un potentiel reconnu à l’international.
Pilier 3 du Simandou 2040 : numérique et souveraineté
Le Pilier 3 comprend 12 projets pour un investissement total de 3,4 milliards de dollars, combinant digitalisation, infrastructures et industrialisation. L’objectif est de créer une économie numérique robuste capable de soutenir les entreprises locales, d’améliorer l’accès à la connectivité et de développer une intelligence artificielle africaine, adaptée aux standards internationaux et nourrie par des données locales. « La constitution, si vous voulez la lire dans n’importe quelle langue, c’est à travers l’IA », précise la ministre.
La Guinée s’est dotée d’un cadre institutionnel moderne, avec la création d’agences dédiées à la digitalisation, à la cybersécurité et à l’inclusion numérique, ainsi que des incitations fiscales pour attirer les investisseurs. La coopération avec le Rwanda illustre la volonté du pays de produire des solutions africaines aux défis africains.
Aujourd’hui, plus de 200 services publics sont digitalisés, le taux de pénétration mobile atteint 102 %, et la part du numérique dans le PIB devrait passer de 4 % à 14‑20 % d’ici 2040. Ces résultats témoignent de l’ampleur de la transformation et de l’engagement du pays pour que le numérique devienne un moteur de croissance inclusive.

Selon Thierno Habib Hann, CEO de Shelter Afrique, « le numérique est un facilitateur du développement. Il ne s’agit pas seulement de mines ou d’infrastructures, mais de construire des villes intelligentes et une économie inclusive ». La Guinée montre qu’un pays riche en ressources naturelles peut réussir sa diversification économique en investissant simultanément dans l’infrastructure, le capital humain et la technologie. L’inclusion des femmes, la formation de la jeunesse, l’accompagnement des start-up et le renforcement des infrastructures digitales sont les piliers d’une transformation durable.
La Guinée affirme ainsi son rôle de hub régional de connectivité et d’innovation, illustrant comment l’Afrique peut construire son propre futur numérique, fondé sur l’inclusion, l’innovation et la souveraineté technologique.



