Gagan Gupta : Made in Africa ou Made from Africa ? Il est temps de choisir
In this new Cart’Afrik, Gagan Gupta, CEO of ARISE Integrated Industrial Platforms, warns that Africa can no longer settle for exporting raw cotton only to re-import finished garments. Between emerging industrial zones and a continental textile strategy, he advocates for “Made in Africa” to become the norm, not the exception. By Gagan Gupta*

Les T-shirts importés racontent une histoire plus profonde d’extraction sans transformation qui doit cesser
Alors que les cadres commerciaux mondiaux sont repensés, les nations se posent des questions difficiles sur la résilience de leurs économies. Partout en Afrique, l’une d’elles est claire : continuerons-nous à exporter des matières premières et à importer des produits finis, ou allons-nous enfin construire les écosystèmes industriels dont nous avons besoin pour être compétitifs ?
La « malédiction des ressources » qui touche de nombreuses économies en développement dans le monde n’est pas nouvelle. Les plus grands efforts pour y remédier se concentrent sur la transformation en aval des minéraux et métaux nécessaires aux technologies émergentes. Mais en réalité, inverser ce phénomène commence à petite échelle.
Pensez à un T-shirt. Du coton, des coutures et une étiquette. Vous le portez sans y réfléchir. Mais en Afrique, ce T-shirt raconte une histoire plus profonde : celle d’une extraction sans transformation, d’opportunités sans infrastructures, et d’une demande mondiale satisfaite ailleurs. Et il est temps que cela cesse.
Exporter du potentiel
Chaque année, l’Afrique produit d’énormes quantités de coton — dont environ la moitié provient de certains de ses pays les plus pauvres, notamment le Bénin, le Burkina Faso et le Mali. Pourtant, 90 % de ce coton est exporté brut. Le même coton revient des mois plus tard sous forme de vêtements finis. Résultat ? Plus de 23 milliards de dollars de textiles, vêtements et chaussures importés chaque année, et des millions d’emplois potentiels perdus.
Ce n’est pas un déséquilibre commercial : c’est une dépendance structurelle. L’Afrique exporte du potentiel et importe de la valeur, un système qui perdure alors que le reste du monde évolue vers la souveraineté industrielle, des chaînes d’approvisionnement plus courtes et des pôles de production régionaux.
Les textiles ont alimenté les révolutions industrielles de la Grande-Bretagne, de la Chine, du Bangladesh et du Vietnam. Pourquoi pas l’Afrique ?
Pourquoi l’Afrique s’habille-t-elle encore dans la dépendance en 2025 ?
Prenons le Nigeria. Il y a quelques décennies, il comptait plus de 180 usines textiles. Aujourd’hui, moins de cinq subsistent. Le pays dépense désormais 4 milliards de dollars par an pour importer des textiles, qui représentent plus de 90 % des produits textiles présents sur son marché. C’est une alerte. Les textiles ont alimenté les révolutions industrielles de la Grande-Bretagne, de la Chine, du Bangladesh et du Vietnam. Pourquoi pas l’Afrique ?
Nous avons le coton. Nous avons la main-d’œuvre. Nous avons les marchés — tant domestiques que mondiaux. Ce qui manque, c’est un investissement à long terme, une cohérence politique et une volonté stratégique.
« Nous avons le coton. Nous avons la main-d’œuvre. Nous avons les marchés — tant domestiques que mondiaux. Ce qui manque, c’est un investissement à long terme, une cohérence politique et une volonté stratégique »
Mais le changement arrive. Sur tout le continent, des parcs industriels sont construits non seulement pour attirer des investissements, mais pour reconquérir des chaînes de valeur entières. Le parc textile de la zone industrielle de Glo-Djigbé, au Bénin, aurait attiré 550 millions de dollars d’investissements au cours de ses premières années d’exploitation, tandis que l’ensemble de la zone a créé plus de 12 000 emplois. Des marques mondiales s’approvisionnent désormais directement sur le site. Au Nigeria, nous construisons l’usine « Renewed Hope Giga Plant » de 2,4 milliards de dollars pour produire 550 millions de vêtements par an.
Ce ne sont pas des projets isolés. Ils s’inscrivent dans une stratégie continentale appelée Plan africain de la renaissance textile. Lancé fin 2024 avec le soutien de 5 milliards de dollars de financements, ce plan prévoit la création de 10 nouvelles zones industrielles, 5 millions d’emplois et 30 milliards de dollars de valeur retenue chaque année sur le continent.
Des industries invisibles
En parcourant Paris ou Milan, l’Afrique est partout. Elle est dans les motifs, les designs et l’inspiration. Mais si le monde porte notre culture, notre industrie, elle, reste invisible. Nous exportons de l’imagination et importons des produits. Cette contradiction doit cesser.
« Ce ne sont pas des projets isolés. Ils s’inscrivent dans une stratégie continentale appelée Plan africain de la renaissance textile »
Le moment ne pourrait être plus crucial. Le Congrès américain examine actuellement la loi Africa Growth and Opportunity Act (AGOA), qui, depuis 25 ans, permet l’importation en franchise de droits de près de 2 000 produits — dont les textiles — en provenance d’Afrique subsaharienne. L’Afrique a besoin d’accords commerciaux qui encouragent la création de valeur et non l’exportation brute. L’AGOA offre l’occasion de passer d’un simple accès au marché à une véritable transformation. Alors que le reste du monde cherche des chaînes d’approvisionnement résilientes et diversifiées, il devrait regarder vers l’Afrique non pas seulement comme une source, mais comme un partenaire de production.
« Made in Africa » ne doit pas être une tendance, mais une norme
Transformer l’Afrique en un producteur textile mondial est une tâche colossale. Les gouvernements doivent soutenir les infrastructures et limiter les importations de vêtements de seconde main qui sapent la compétitivité locale. Les investisseurs doivent considérer la fabrication en Afrique non pas comme de l’aide, mais comme un nouveau front de croissance. Les entrepreneurs doivent bâtir l’économie de la mode de demain. Et les consommateurs africains, en particulier dans la diaspora, doivent porter leurs valeurs. « Made in Africa » ne doit pas être une tendance, mais une norme.
« La prochaine fois que vous prendrez un T-shirt, demandez-vous : a-t-il été fabriqué en Afrique ou simplement à partir de l’Afrique ? »
Alors, la prochaine fois que vous prendrez un T-shirt, demandez-vous : a-t-il été fabriqué en Afrique ou simplement à partir de l’Afrique ?
Il y a une différence. Car la renaissance industrielle de l’Afrique ne sera ni offerte, ni importée. Elle sera cousue, tissée et portée.
*Gagan Gupta est PDG d’Arise Integrated Industrial Platforms