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Gabon : les femmes à l’avant-garde de la lutte contre la pauvreté

Face à la crise du marché pétrolier qui frappe le Gabon, les femmes ont choisi de se lancer dans l’entrepreneuriat pour nourrir leurs familles et pour leur épanouissement personnel. Exerçant des métiers allant de l’esthétique à l’entrepreneuriat commercial, en passant par la décoration ou la restauration, elles constituent de bons exemples de courage et de réussite, même si elles éprouvent encore de nombreuses difficultés liées au financement de leurs activités.

Une préférence pour les métiers de l’esthétique

Parmi les métiers qui intéressent les Gabonaises en cette période de vache maigre figurent en bonne place les métiers de la beauté, au regard du nombre toujours croissant des salons de coiffure et des instituts de beauté dans la capitale gabonaise. « Les métiers de l’esthétique ont de l’avenir en Afrique. Nous venons de recruter un spécialiste de la coiffure masculine, en vue de diversifier nos offres de services et capter également le marché des hommes », a souligné Ornela Christine Nyang Mboumba, promotrice de l’institut de beauté éponyme. A Avéa, un quartier sous-intégré de Libreville, Yvonne Mengue propose des services de pédicure et manucure en plein trottoir. « Célibataire et mère de deux enfants, je n’ai pas de choix. On ne peut plus compter sur l’argent des hommes, de nos jours. C’est grâce à mon activité que j’arrive à scolariser et à nous nourrir les enfants », déclare-t-elle.

La ruée vers le commerce de détail

Au marché Mont Bouet, le plus grand espace commercial public de la capitale gabonaise, les femmes commerçantes occupent les premières loges. Elles y bravent au quotidien les intempéries et les tracasseries policières, afin d’assumer leur destin et se prendre en charge. Pour beaucoup, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. « Nous sommes victimes des raquettes des policiers et des agents municipaux, tous les jours. Il arrive parfois qu’on nous arrache la marchandise mais, on ne peut plus rester à la maison. Le commerce est une alternative à la prostitution. Nous demandons tout simplement une meilleure protection de l’Etat », souligne pour sa part Marie Pambo, vendeuse de poissons fumés et mère d’une famille nombreuse. Solange Lekou, 36 ans, mère de 3 enfants, s’est lancée pour sa part dans le commerce des produits vivriers frais au marché Mont Bouet depuis qu’elle a perdu successivement en 2015 son travail et son mari. Elle raconte : « Abandonnée par la famille, je me suis retrouvée ici au marché grâce au soutien de mes copines à travers une tontine que nous avons initiée pour nous entraider mutuellement. Aujourd’hui, j’ai retrouvé ma dignité et l’état de mes finances s’est considérablement amélioré ».

Beaucoup de commerçantes rencontrées au marché Mont Bouet travaillent malheureusement encore dans l’informel, malgré les campagnes de sensibilisation initiées par le gouvernement, depuis 3 ans. « La tâche est difficile, mais nous devons persévérer pour amener l’ensemble des acteurs  du secteur du commerce de détail où se trouvent impliquées beaucoup de femmes à exercer leurs activités conformément aux normes établies en matière de commerce dans notre pays, lequel est engagé dans la diversification de son économie », a souligné Marcel Nze, agent au ministère du Commerce.

Les opportunités dans la restauration et la décoration

Brigitte Ntsinami a choisi pour sa part de se lancer dans la décoration, la restauration et la création artistique pour rompre avec la routine et se faire une place dans le cercle des femmes entrepreneurs du pays. « Ce n’était pas facile au départ. Le chemin a été difficile, mais je suis fière de moi aujourd’hui, fière de montrer tout le potentiel de la femme africaine aux yeux du monde. Pour moi, la bataille pour l’autonomie est une évidence. Nous ne devons jamais croiser les bras. La manne ne tombera pas du ciel. Je suis restauratrice et directrice d’un atelier de création. J’assume mon destin et voudrais inviter mes sœurs à se mettre débout pour un Gabon qui gagne », déclare-t-elle.

Les difficultés d’accès aux crédits

Conscientes de leur chance de succès dans les affaires et bénéficiant parfois d’un réseau relationnel plus dense, les femmes gabonaises n’hésitent plus à investir dans les domaines autrefois réservés aux hommes. Certaines sont devenues des patronnes d’agence de tourisme, d’autres des chefs d’entreprise de courtage d’assurances. « Nous développons un tourisme durable autour de la faune et de la flore, tout en valorisant le patrimoine culturel des peuples africains », souligne Ida Andagui, directrice de l’agence de tourisme Mbolotours. Elle ajoute : « La seule difficulté que nous rencontrons est liée à l’accès aux financements publics ». Une difficulté que rencontre également Marlène Moudjegou, chef d’une société de courtage d’assurances à Libreville : « Nous sollicitons de l’Etat, notamment dans la mise en place des conditions devant faciliter l’accès aux crédits. Les femmes entrepreneurs ont besoin des financements publics pour développer leurs entreprises et participer plus efficacement à la lutte contre le chômage et la pauvreté », a fait savoir Marlène Moudjegou.

Promesse présidentielle et engagement du FNAS

Prenant la parole le 16 avril 2016 lors des manifestations de la fête nationale de la femme gabonaise, le président de la République Ali Bongo Ondimba s’est engagé à stimuler l’accès aux financements bancaires en faveur de la gent féminine, afin de permettre aux femmes de concrétiser le programme pour l’égalité des chances et participer activement à la construction d’un Gabon plus juste, plus efficace et plus prospère. Il reste à espérer que la parole présidentielle sera suivie d’effets palpables.

L’application de l’accord signé le 9 août 2015, entre le fonds national d’aide sociale (FNAS) et la banque gabonaise de développement (BGD), pour le financement des activités génératrices de revenus (AGR) en faveur des personnes économiquement faibles doit largement profiter aux femmes du pays. Elles ont été invitées à monter des projets et à se regrouper en associations ou coopératives pour solliciter les financements publics. Le FNAS a demandé la mobilisation de plus de 2 milliards FCFA, en vue d’accompagner les porteurs et porteuses de projets à fort potentiel d’emplois dans les secteurs de l’agriculture, l’artisanat, la pêche, le tourisme et la petite transformation.


 

Par Pierre Eric Mbog Batassi

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