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Francophonie : Diversité culturelle à l’ère du numérique, défis et opportunités

C’était l’une des thématiques abordées dans le cadre de la journée porte ouverture de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) organisée dans les locaux de l’Institution, le 20 mars 2023 à Paris, à l’occasion de la célébration de la Journée internationale de la Francophonie.

Par Dounia Ben Mohamed, à Paris

« C’est une priorité de l’OIF », assure Nivine Khaled, directrice de la langue française et de la diversité des cultures francophones à l’OIF, hôtesse du jour. C’était lors de l’ouverture des portes de l’Institution aux grands publics à l’occasion de sa traditionnelle Journée internationale de la Francophonie, le 20 mars. Une date qui fait référence à la naissance, le 20 mars 1970 à Niamey, au Niger, de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), qui allait devenir en 1998 l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) puis, finalement en 2005, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Pour lutter contre la pensée unique et le monopole des pensées, l’OIF s’attèle à promouvoir la diversité, du moins dans son espace. 

“Le fil rouge de cette journée sera la promotion et la valorisation de la diversité culturelle qui se trouve au centre des priorités de notre organisation”

Un espace qui, rappelons-le, compte « 321 millions de francophones, des milliards de contenus culturels », thème de la Journée internationale de la Francophonie 2023. Une invitation à « célébrer, non seulement la créativité, mais entend également valoriser sa visibilité sur la toile, à travers un concept canadien que l’Organisation entend promouvoir, celui de la : « découvrabilité » ».

« Le fil rouge de cette journée sera la promotion et la valorisation de la diversité culturelle qui se trouve au centre des priorités de notre organisation », indiquera, à titre d’introduction, Nivine Khaled, au premier panel de la journée, « Enjeux de la création et de la diffusion à l’ère du numérique ».

“La révolution numérique, accélérée par la pandémie Covid-19, nous amène à repenser le plaidoyer en faveur de la diversité culturelle à l’ère du numérique, avec de nouveaux outils, dont la découvrabilité des contenus culturels”

« C’est tout l’enjeu de cette table ronde, souligne-t-elle. Nous sommes également très attentifs au fait que les ICC sont de fait une richesse et un foisonnement de la créativité dans les pays du sud, des leviers de la création de richesses économiques et de la création d’emploi notamment chez les jeunes. C’est sur cet axe que nous voulons travailler. » En s’adaptant aux bouleversements en cours, notamment ceux entraînés par l’avènement du numérique. « La révolution numérique, accélérée par la pandémie Covid 19, nous amène à repenser le plaidoyer en faveur de la diversité culturelle à l’ère du numérique, avec de nouveaux outils, dont la découvrabilité des contenus culturels », poursuit Nivine Khaled.

Un principe inscrit désormais sur la feuille de route de l’OIF, notamment dans sa stratégie numérique adoptée en 2021, ainsi que dans la déclaration sur la langue française adoptée en novembre 2022 au sommet de Djerba. 

« Internet et le numérique ce n’est pas magique. C’est un monde sauvage dans lequel on doit mettre en place des stratégies pour être visible »

Parmi ses outils, le fonds francophonie TV5+. « Créé en 2021, il permet de soutenir la production cinématographique et audiovisuelle des productions du sud pour qu’elles puissent s’exposer de façon exclusive sur la plateforme TV5+ », souligne Hélène Zemmour, directrice du numérique à TV5 Monde. Le fait étant que l’avènement du numérique ne s’est pas traduit pas démocratisation de la diversité culturelle. « Le numérique est aujourd’hui concentré autour de géants du marché, un marché très anglophone, composé pour l’essentiel des blockbusters américains, et payants, qui vont concentrer une grande partie des contenus et visibilité sur la toile. Une fois ce constat fait, comment diversifier, on y travaille. Ce concept de découvrabilité offre une opportunité », indique Hélène Zemmour. Invitant les producteurs à l’innovation, y compris en matière de format, elle préconise de « remettre de l’humain et d’éditorialiser des contenus pour aller vers des publics nouveaux. » Avant de rappeler : « Internet et le numérique, ce n’est pas magique. C’est un monde sauvage dans lequel on doit mettre en place des stratégies pour être visible. » C’est ce que TV5 Monde, avec ses quarante ans d’existence et les moyens dont elle dispose, propose avec entre autres la plateforme TV5+.

« Comment un spectateur camerounais peut voir un film vietnamien ? C’est quasi impossible. Et l’inverse est encore plus vrai »

« C’est un gros défi de résister aux mastodontes qui ont accaparé une grosse partie du marché, Amazone, Netflix », confirme Sylvain Garel, historien et critique de cinéma, chargé de la promotion des cinémas francophones à l’Association internationale des maires francophones (AIMF). Une manière d’y répondre, est d’inviter le public à revenir dans les salles de cinéma. « Il y a un travail de reconquête du public vers les salles de cinéma. Cela commence à se faire en France et au Canada. Mais c’est bien sûr plus difficile dans les pays où il y a peu de salles. Dans les villes africaines, Canal+, entre autres, développe des salles de cinéma mais l’on projette essentiellement des blockbusters américains. Comment un spectateur camerounais peut voir un film vietnamien ? C’est quasi impossible. Et l’inverse est encore plus vrai », poursuit-il.

Comme alternative, les festivals de cinéma « ne répondent pas une démarche commerciale ». Sylvain Garel souligne au passage que « ce n’est pas un problème de production (l’espace francophone produit près de 500 fictions par an) mais de circulation. » Et d’ajouter : « Les pays francophones doivent se mettre ensemble et résister. C’est un enjeu très important pour le XXIe siècle ».

« Cela demande un effort politique et public », plaide Saïd Hamich, réalisateur et producteur franco-marocain. Qui renvoie également à l’éducation à l’image : « Netflix, en dehors du Nigeria, ne s’intéresse pas à l’Afrique subsaharienne, parce que c’est un petit marché. »

« Le numérique offre pour avantage, notamment aux pays du sud, de faire de nouvelles propositions »

« Si le débat autour des politiques de quotas, subventions et autres continue de diviser les acteurs du secteur, du côté de l’industrie musicale, l’arrivée des plateformes de streaming a changé la donne », explique Alain Bidjeck, fondateur du Mocca. Cet événement se veut à la fois Festival et Convention dédiés aux Cultures africaines en partenariat avec le ministère de la culture en France, afin de promouvoir les nouvelles productions culturelles africaines.  « L’avènement de Spotify a imposé un modèle, en s’associant aux maisons de disque. Aujourd’hui, le streaming représente 60% de l’industrie musicale et plus personne ne se plaint du piratage », indique Alain Bidjeck. « Reste que l’Afrique, pour l’heure, poursuit-il, n’affiche que 70 millions dans les revenus du streaming. Ce n’est rien mais en même temps c’est un marché d’avenir. » Et d’ajouter : « Le numérique offre pour avantage, notamment aux pays du sud, de faire de nouvelles propositions. » Et de prendre pour exemple « Deedo, jeune plateforme de streaming au Sénégal, qui permet de varier et de donner des catalogues moins exposés au niveau du mainstream par exemple les musiques locales. »

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