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Forum de la Transformation des Systèmes Agricoles : les graines sont semées

Le Forum Africain sur les Systèmes Alimentaires 2024 (AFS2024), qui s'est tenu à Kigali, a réuni plus de 5000 participants autour du thème « Innover, accélérer et évoluer : assurer la transformation des systèmes alimentaires à l’ère du numérique et du climat ». Entre signatures d’accords, partenariats stratégiques et mise en avant d’innovations, l’événement a marqué une étape majeure vers la transformation des systèmes alimentaires en Afrique.

Par Dounia Ben Mohamed, à Kigali

Des accords ont été signés entre gouvernements, entreprises internationales, partenaires au développement, et coopératives agricoles, des startups ont trouvé des acheteurs pour leurs solutions innovantes, des prix ont également été attribués pour récompenser les initiatives les plus impactantes … En somme, l’AFS2024 aura tenu ses engagements en réunissant les divers acteurs du secteur agricole en Afrique, les invitant à échanger, établir des partenariats et conclure des accords, notamment au sein de la « deal room », innovation de cette édition.

Venu “pitcher” sa solution au sein du Pavillon Rwandais, un espace dédié à la promotion des entreprises agricoles Made in Rwanda, Bruce Mutangana, jeune co-fondateur de Farmoja,  était en quête departenariats et de collaborations pour accroître notre impact.” “Il y a de nombreuses sessions ici offrant des opportunités d’apprendre ce que font les autres. Il est possible que quelqu’un travaille sur quelque chose ici et qu’une autre personne travaille déjà sur un projet similaire dans un autre pays africain. J’espère avoir des conversations significatives et former des partenariats précieux.”

Notre objectif est d’aider les agriculteurs à augmenter leur rendement en termes de qualité et de quantité

@Farmoja

Farmoja est une entreprise agri-tech créée il y a deux ans qui utilise des technologies de pointe telles que l’Internet des objets, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique pour aider les agriculteurs à collecter en temps réel des données sur l’humidité et la température du sol. Ce, afin de contrôler les systèmes d’irrigation et de favoriser l’agriculture de précision. “Notre objectif est d’aider les agriculteurs à augmenter leur rendement en termes de qualité et de quantité pour qu’ils puissent accéder à des marchés premium” explique le jeune entrepreneur.

Produire mieux pour produire plus en somme. C’est l’idée. “Les agriculteurs rencontrent différents défis au Rwanda. La plupart continuent de pratiquer l’agriculture de subsistance. Beaucoup d’entre eux ne possèdent pas les compétences nécessaires pour appliquer des méthodes agricoles plus avancées ou modernes, ce qui limite leur rendement et leur production. De plus, ils font face à des problèmes financiers. Ils n’ont pas les investissements nécessaires pour leurs activités agricoles, ce qui conduit à des rendements faibles.” Des défis auxquels Farmoja apportent des solutions “concrètes”. “Nous abordons principalement le problème des faibles rendements pour les agriculteurs. Je me souviens avoir visité une grande entreprise qui importe des produits agricoles. Je leur ai demandé pourquoi ils importaient alors qu’ils avaient des agriculteurs locaux produisant des produits similaires. Ils ont répondu que le principal problème était que les agriculteurs locaux ne pouvaient pas produire assez pour répondre aux besoins de l’entreprise. J’ai compris que le problème que rencontrent les agriculteurs est l’accès aux marchés prêts à les payer et la durabilité du marché pour leur production, en raison des faibles rendements en qualité et en quantité. Ainsi, notre technologie aide les agriculteurs à augmenter leur rendement pour que les entreprises qui achètent chez eux obtiennent une quantité suffisante. De plus, nous veillons à la qualité de leur production. Par exemple, si l’irrigation est excessive ou insuffisante, cela impacte les cultures. Nous veillons à ce qu’ils appliquent la bonne quantité d’intrants nécessaires pour une croissance efficace des cultures.”

La Banque africaine de développement, qui a inscrit l’agriculture au cœur de ses priorités, mise elle aussi sur les technologies pour répondre aux défis du secteur. A travers notamment le programme Technologies pour la Transformation de l’Agriculture Africaine (TAAT). Lancé en 2018, il vise à exploiter des technologies à fort impact pour accroître la production agricole sur le continent. “Un programme très ambitieux”,  assure Chrysanthème Akem, coordonnateur du programme. “Il couvre 34 pays africains, 11 centres de recherche agricole (CGIAR), plus de 150 technologies.” Et d’expliquer : “Le CGIAR fait de la recherche depuis de nombreuses années. Mais cette recherche se traduit par des publications qui finissent sur des étagères, les résultats ou les conclusions n’atteignent pas l’utilisateur final, qui devrait être le fermier. Aussi, le Président de la Banque Africaine de Développement, Dr Adesina, a décidé de rassembler toutes les technologies développées à travers l’Afrique et de faire en sorte de les transmettre aux utilisateurs finaux par l’intermédiaire des gouvernements nationaux. Et de transformer ainsi l’agriculture africaine.”

Un programme que l’Institution est venue promouvoir à l’AFS, chiffres à l’appui. “Nous avions un objectif d’atteindre environ 40 millions de personnes, dont la plupart sont des femmes et des jeunes. Jusqu’à présent, nous avons atteint environ 23 millions. L’objectif est aussi de doubler les rendements, la productivité. Nous avons réalisé cela de manière substantielle dans plusieurs cultures, comme le manioc, le riz, le blé. Et ce sont quelques-unes des cultures prioritaires que nous utilisons pour mesurer nos progrès.”

Nous avons les technologies mais elles ne sont tout simplement pas mises en œuvre à grande échelle. Ce que nous devons faire, c’est engager les gouvernements pour les placer au centre du problème

Et le coordinateur de préciser : “L’essentiel c’est les technologies. Nous avons les technologies mais elles ne sont tout simplement pas mises en œuvre à grande échelle. Ce que nous devons faire, c’est engager les gouvernements pour les placer au centre du problème. Beaucoup d’entre eux ont promis qu’ils allaient consacrer 10 % de leur budget national à l’agriculture.  Cela n’a pas toujours été fait. Nous devons continuer à les challenger” ajoute Chrysanthème.

@AFS

La vocation d’AFS. “Nous voulons que l’AFS aille au-delà de l’agriculture. Elle est plus vaste que l’agriculture. Elle englobe les aliments que nous mangeons, et de nombreuses personnes font partie de la chaîne de valeur de ce système alimentaire”, a déclaré Amath Pathé Sene, Directeur général d’Africa Food Systems Forum.

Avec seulement six ans restants pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) et à un an de l’échéance de la Déclaration de Malabo, la transformation des systèmes alimentaires africains est une priorité pour garantir la sécurité alimentaire et favoriser les opportunités d’emploi, en particulier pour les jeunes et les femmes. D’où le thème choisi pour cette édition : « Innover, accélérer et passer à l’échelle : Assurer la transformation des systèmes alimentaires à l’ère du numérique et du climat ». Réunissant chefs d’État, experts, ONG, investisseurs et agriculteurs, le Forum s’est confirmé comme une plateforme incontournable pour trouver des solutions aux défis alimentaires du continent.

“L’alimentation est un droit humain fondamental, mais, sur tout notre continent, il reste un combat quotidien” ainsi que l’a rappelé le Premier ministre rwandais, Édouard Ngirente, lors de la cérémonie d’ouverture. « En 2023, 298,4 millions de personnes souffraient de la faim sur le continent, contre 284 millions l’année précédente », a précisé Ngirente, appelant à une mobilisation collective pour inverser cette tendance. « En tirant parti des technologies numériques et en adoptant des pratiques résilientes au climat, l’Afrique pourra assurer sa sécurité alimentaire et créer des opportunités économiques pour ses jeunes ».

Ce qui passera par la mobilisation du secteur privé a souligné Dr. Agnès Kalibata, présidente de l’AGRA. « En exploitant le pouvoir du secteur privé, nous pouvons conduire une transformation significative des systèmes alimentaires et parvenir à une croissance durable. ».

La voie de la transformation des systèmes alimentaires en Afrique réside dans notre capacité à innover, à accélérer et à élargir

Une transformation qui ne se fera pas non plus sans l’implication des jeunes qui représente jusqu’à 70% de la population active dans certains pays du continent. “ Les jeunes ont une autre façon de voir la vie, ils veulent que les choses aillent vite, alors que l’agriculture a toujours été perçue comme une activité traditionnelle de misère. C’est le changement de paradigme que nous devons faire et changer de discours, a indiqué Pathé Sene.  Nous devons transformer un village en un lieu où les gens sont heureux de rester, mais aussi en un lieu d’activité économique”.

“La voie de la transformation des systèmes alimentaires en Afrique réside dans notre capacité à innover, à accélérer et à élargir”, aura conclu le premier ministre rwandais Ngirente, invitant ses pairs à une action rapide et coordonnée pour relever les défis de la sécurité alimentaire sur le continent. Certaines auront été prises au cours d’AFS 2024.

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