Football : des retombées économiques majeures
Le football reste incontestablement le roi des sports en Afrique, générant des retombées économiques considérables pour les pays organisateurs. En 2024, la Côte d'Ivoire a accueilli la 34e édition de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN), un événement qui a eu un impact majeur sur l’économie du pays, consolidant son statut de première puissance économique de la région. Le Maroc qui doit accueillir la prochaine CAN et en partie la Coupe du monde de football en 2030 en attend tout autant si ce n’est plus…
Par Bilkyss Mentari
Alors que la Côte d’Ivoire se préparait à accueillir la deuxième CAN de son histoire, après celle de 1984, le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, affirmait que ce serait « la meilleure de l’histoire ». Il avait fait du succès de l’événement une priorité politique. Si les autorités du pays voulaient en faire « une vitrine diplomatique et levier d’influence », la CAN ivoirienne devrait également être « un moteur de croissance pour le pays ». « Le sport est un outil de puissance polymorphe, qui peut notamment être utilisé pour attirer des investisseurs », rappelle Lukas Aubin, spécialiste de la géopolitique du sport à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
Plus de 500 milliards de FCFA investis
Pour mieux imprimer son leadership économique régional, la Côte d’Ivoire a entrepris de mener de grands travaux. Au total, l’Etat a investi plus de 500 milliards de FCFA (environ 760 millions d’euros). Avec à la clé, quatre stades « ultramodernes » construits à Ebimpé (en banlieue d’Abidjan), San Pedro (sud-ouest), Yamoussoukro (centre) et Korhogo (nord). Dans le même registre, le gouvernement a consenti la rénovation de deux autres stades au sud d’Abidjan et au centre de Bouaké tandis que 24 terrains d’entraînement ont été aménagés.
L’Etat ivoirien n’a pas seulement investi sur le sportif. L’accent a été mis sur l’amélioration de la qualité des axes routiers reliant les villes hôtes pour faciliter le déplacement des équipes et des supporters. Ainsi, l’on a procédé à la modernisation de la voie reliant Abidjan à San Pedro alors que l’autoroute Abidjan-Yamoussoukro a été rallongée jusqu’à Bouaké. Selon une source au ministère des Travaux Publics, « tous les secteurs du BTP ont bénéficié de cette CAN. Les aciéries, notamment, tournent à plein régime ».
Le meilleur gagnant de l’organisation de la CAN en Côte d’Ivoire en 2024 est le secteur du tourisme. Les pouvoirs publics en avaient fait leur priorité depuis le lancement en 2019 du programme « Sublime Côte d’Ivoire ». Ce sont au total 3.200 milliards de FCFA (environ 4,8 milliards d’euros) qui ont été investis. Cette enveloppe est le fruit d’un partenariat entre l’Etat qui y a investi 1.500 milliards de FCFA (2,2 milliards d’euros) et le secteur privé qui aura misé 1.700 milliards de FCFA (2,6 milliards d’euros). Le programme de développement du tourisme autour de la CAN 2023 visait à faire entrer la Côte d’Ivoire dans le top 5 des destinations africaines. Le pays ambitionnait de devenir un « leader africain du tourisme d’affaire ». Dans le cadre du programme « Sublime Côte d’Ivoire », outre la modernisation des stations balnéaires et l’aménagement des circuits touristiques, le pays a entrepris de construire des projets immobiliers colossaux. C’est ainsi que sont nés le luxueux complexe hôtelier « Serena village » à Abidjan ou la tour « Abidjan Business City », le futur épicentre de l’économie ivoirienne et régionale.
L’engagement de l’Etat pour améliorer le visage de la Côte d’Ivoire lors de la CAN a créé de la richesse et l’emploi
A l’heure du bilan, et selon l’Office national du tourisme, la compétition a drainé des dizaines de milliers de visiteurs qui ont découvert « les charmes et les attractions du pays ». Ce, à la faveur d’une application mobile, « Pass touristique », développée pour répertorier des sites à visiter et faciliter les réservations. « Tous les secteurs, de l’hôtellerie à la restauration, en passant par les transports, avaient mis les bouchées doubles pour être prêts. Tout ce dynamisme a des répercussions positives sur l’emploi », souligne Ladji Karamoko Ouattara, chercheur enseignant en relations internationales.
Malgré l’optimisme autour de ces investissements, certains experts restent prudents. « Une fois les touristes repartis et la fête achevée, certains craignent que la machine économique s’essouffle », prévient Laurice Serge Eteki Eloundou, expert camerounais en développement économique, en faisant écho à la situation difficile vécue par le Cameroun après avoir organisé la CAN 2022.
Le Maroc pourrait enregistrer un afflux de 1,5 million de visiteurs supplémentaires lors du Mondial 2030, générant entre 2 et 3 milliards de dollars de recettes
Si la Côte d’Ivoire a réussi à capitaliser sur son organisation, la prochaine étape se trouve au Maroc, qui accueillera la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et la Coupe du Monde 2030, conjointement avec l’Espagne et le Portugal. Ces deux événements représentent une opportunité majeure pour stimuler l’économie du royaume, en particulier à travers le secteur touristique, mais aussi en raison des investissements colossaux dans les infrastructures sportives et les transports. Un rapport de l’Observatoire du Travail Gouvernemental (OTRAGO) indique que le Maroc pourrait enregistrer un afflux de 1,5 million de visiteurs supplémentaires lors du Mondial 2030, générant entre 2 et 3 milliards de dollars de recettes.
Outre le tourisme, l’organisation du Mondial 2030 devrait entraîner des investissements massifs dans les infrastructures sportives et les transports, notamment un réseau ferroviaire à grande vitesse et la construction de nouveaux stades. Le coût total de ces projets pourrait atteindre entre 10 et 12 milliards de dollars. Ces investissements ne se limitent pas à l’événement lui-même, mais devraient également avoir des effets bénéfiques sur l’économie à long terme, notamment grâce à l’augmentation du PIB marocain de 0,5 à 1 % par an. L’impact sur l’emploi, avec la création de 50 000 à 80 000 postes, est également une promesse d’opportunités pour les jeunes dans divers secteurs, de l’hospitalité au marketing.
Néanmoins, les défis sont considérables. La gestion de la dette, la digitalisation des services et la concurrence avec l’Espagne et le Portugal pour la gestion des événements seront des enjeux cruciaux. Le Maroc devra également s’assurer que les retombées économiques de ces compétitions se traduisent par un développement durable, afin d’éviter les pièges d’une croissance purement événementielle, comme ce fut le cas dans certains autres pays africains.