Fintech : « Afrique peut devenir un hub fintech mondial si elle parvient à relever le défi de la digitalisation et de l’inclusion financière »
Le secteur fintech en Afrique continue de captiver l’attention des investisseurs et des acteurs économiques. À l’occasion de l’Inclusive Fintech Forum 2025 (IFF 2025) à Kigali, experts et décideurs ont débattu des défis et opportunités d’un écosystème en pleine mutation.
Du 24 au 26 février 2025, le Centre de Convention de Kigali a accueilli la deuxième édition de l’Inclusive FinTech Forum (IFF), réunissant plus de 3 000 délégués, dont des décideurs politiques, des investisseurs, des entrepreneurs fintech et des leaders d’institutions financières et de développement. Cet événement a mis en lumière le rôle croissant de la fintech en Afrique, en particulier dans la promotion de l’inclusion économique et du développement durable.
Croissance exponentielle de la fintech en Afrique
Depuis 2020, le secteur fintech africain connaît une croissance remarquable. Les revenus sont passés de 3,8 milliards de dollars en 2020 à une prévision de 12 milliards de dollars d’ici 2025. Cette progression est alimentée par une adoption accrue des technologies numériques et une demande croissante de services financiers innovants.

En 2024, les fintechs africaines ont levé 1,034 milliard de dollars, soit 47 % du total des fonds obtenus par les startups du continent, contre 42 % en 2023, selon Africa: The Big Deal (13 janvier). Malgré un début d’année timide, le secteur a repris des couleurs au second semestre avec des levées majeures, dont 110 millions de dollars pour la nigériane Moniepoint, 157,5 millions pour l’égyptienne MNT-Halan et 250 millions pour la sud-africaine Tyme. Toutefois, la tendance globale reste à la baisse depuis 2021 (2,4 milliards de dollars cette année-là). Face à une concurrence accrue et à des investisseurs plus sélectifs, les fintechs africaines devront innover et explorer de nouveaux marchés pour maintenir leur attractivité.
Malgré ces avancées, des défis subsistent. Le coût élevé des envois de fonds en Afrique subsaharienne, atteignant en moyenne 8,37 %, reste un obstacle majeur.
Renforcer l’écosystème fintech africain
Récemment, plusieurs initiatives ont été annoncées pour renforcer l’écosystème fintech africain. Par exemple, Vodacom a dévoilé sa « Vision 2030 », visant une croissance à deux chiffres de son EBITDA entre 2025 et 2030. L’entreprise prévoit d’élargir sa base de clients de 50 millions pour atteindre 260 millions d’ici 2030, en se concentrant sur l’expansion des services financiers à travers le continent.
Parallèlement, des startups comme Nala, basée en Tanzanie, ont levé 40 millions de dollars pour étendre leurs services de transfert de fonds numériques, facilitant des transactions plus rapides et moins coûteuses pour les Africains.
L’inclusion financière n’est pas juste un objectif, c’est une responsabilité

Les Etats, institutions régionales et internationales, acteurs financiers s’emploient également à mettre en place le cadre favorable à l’éclosion des fintech sur le continent. L’impact de la fintech sur les populations étant un enjeu majeur. « L’inclusion financière n’est pas juste un objectif, c’est une responsabilité », a affirmé Nick Barigye, CEO de Rwanda Finance Limited, lors de la session d’ouverture d’IFF, hôte de la rencontre.
Nshuti Mbabazi, Directrice Générale de Better Than Cash Alliance, a interpellé les décideurs : « La fintech sans frontières ne doit laisser personne de côté. L’Afrique est leader dans la fintech mobile, notamment pour les transferts transfrontaliers. Pour soutenir la ZLECAf, nous avons un besoin urgent de paiements numériques pour les commerçants aux frontières terrestres. La fintech responsable est le chemin le plus rapide – comment pouvons-nous obtenir un engagement réglementaire pour des paiements interopérables dans deux blocs régionaux d’ici IFF2026 ? »
De son côté, Evelyn Kaingu, CEO de Lupiya, une plateforme de microfinance zambienne, a rappelé que « 65 % de la population en Afrique est exclue du système financier, et 70 % des exclus sont des femmes. Nous sommes déjà en Tanzanie et nous arrivons bientôt au Rwanda pour répondre à ces besoins.
Les participants à l’IFF ont appelé à une coopération renforcée entre les gouvernements, les régulateurs et le secteur privé pour réduire ces coûts et améliorer l’accès aux services financiers. Le président rwandais, Paul Kagame, présent lors de l’événement, a souligné l’importance de l’innovation et de la collaboration pour transformer le paysage financier africain. Il a encouragé les acteurs à exploiter les technologies émergentes pour créer des solutions inclusives adaptées aux réalités africaines.
Singapour, partenaire stratégique et modèle en matière de fintech



Singapour, co-organisateur de l’événement, a envoyé une délégation importante pour partager son expertise. « C’est formidable d’être de retour à Kigali. Cette année est particulière pour Singapour et le Rwanda, car nous célébrons 20 ans de relations diplomatiques », a déclaré Alvin Tan, qui a servi en tant que ministre d’État au ministère de la Culture, de la Communauté et de la Jeunesse, ainsi qu’au ministère du Commerce et de l’Industrie de Singapour. Il a également mis en avant la solidité de l’écosystème fintech singapourien : « Dans les dernières décennies, nous avons bâti un écosystème fintech robuste qui génère des milliards. 2024 a été une année difficile pour les financements, mais notre écosystème a démontré sa résilience.» Et d’ajouter : Nous avons beaucoup à apprendre de l’Afrique, notamment en matière de croissance, de jeunesse et d’entrepreneuriat féminin. »
L’Afrique, futur hub mondial de la fintech ?

Alors qu’un quart de la population mondiale reste non bancarisé, l’Afrique a prouvé son rôle de laboratoire technologique, notamment avec la naissance du mobile banking. Selon Wamkele Mene, Secrétaire Général de la ZLECAf, « l’Afrique peut devenir un hub fintech mondial si elle parvient à relever le défi de la digitalisation et de l’inclusion financière ». Il a insisté sur l’importance de la régulation, du transfert de données, de la protection des consommateurs et du développement des identités numériques.
Avec des initiatives ambitieuses telles que le lancement d’un projet panafricain de paiements transfrontaliers et de renforcement des compétences, l’Inclusive Fintech Forum 2025 s’est affirmé comme une plateforme essentielle pour structurer l’avenir de la fintech en Afrique. Ce projet, mis en place pour simplifier et sécuriser les paiements transfrontaliers, vise à créer un réseau interopérable de systèmes de paiements numériques à travers toute l’Afrique. En permettant des transactions plus rapides et moins coûteuses entre les pays africains, il facilite non seulement le commerce intra-africain, mais soutient également les envois de fonds effectués par les diasporas. La réduction des frais de transfert, actuellement très élevés sur le continent, représente un enjeu crucial pour la croissance économique de nombreuses régions, particulièrement les plus rurales.

Parallèlement à cette initiative, un programme de renforcement des compétences est lancé pour aider à la formation des acteurs du secteur financier, des régulateurs et des entrepreneurs. L’objectif est de développer un vivier de talents locaux capables de soutenir l’innovation dans la fintech et de contribuer à la mise en place de solutions de paiement adaptées aux réalités africaines. Ce programme de formation s’appuie sur des partenariats avec des institutions académiques et des entreprises de la fintech, afin d’accompagner la création d’un écosystème financier résilient et inclusif. L’ambition est de rendre les technologies de paiement accessibles à tous les Africains, qu’ils soient dans les grandes villes ou dans des zones rurales.
Cette initiative, qui implique la collaboration entre gouvernements, institutions financières, fintechs et régulateurs, pourrait changer radicalement le visage des paiements en Afrique. Elle ouvre la voie à une véritable intégration économique et facilite l’accès aux services financiers pour des millions d’Africains, en particulier les jeunes et les femmes. En renforçant l’infrastructure de paiements transfrontaliers et en développant les compétences locales, l’Afrique pourrait non seulement accélérer son développement économique, mais aussi se positionner comme un modèle mondial d’inclusion financière et de digitalisation.
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