Femmes : ces héroïnes du quotidien

Elles sont médecins, universitaires, militantes écologiques. Méconnues du grand public, leurs actions changent pourtant la vie de milliers de personnes au quotidien. A l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, ANA a choisi de mettre un coup de projecteur sur 10 profils de femmes, des héroïnes du quotidien.
Par la rédaction
Maha Abdelhamid, pionnière dans la défense des Noirs en Tunisie
Universitaire franco-tunisienne, Maha Abdelhamid a créé en 2012 l’association Adam pour l’égalité et le développement, première association pour la défense des noirs en Tunisie. Un combat qui connaît une résonance particulière ces jours-ci en Tunisie alors que les migrants subsahariens font l’objet de discriminations.

Née à Gabès, dans le sud tunisien, où elle grandit et étudie jusqu’en 1996 où elle rejoint la capitale pour poursuivre ses études universitaires, Maha Abdelhamid est historienne et géographe de formation. Chercheuse associée au Centre arabe de recherches et d’études politiques, sensible aux discriminations touchant les siens, les noirs tunisiens, elle milite très tôt en faveur de l’égalité et la défense des noirs dans son pays. Pionnière dans la cause, elle fonde en 2012 avec d’autres, l’association ADAM, première association pour la défense des Noirs en Tunisie.
« Les femmes noires tunisiennes vivent toujours dans une société à la fois patriarcale et raciste »
Par ailleurs, membre du Comité pour le respect des libertés et droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT), elle participe à l’organisation de plusieurs mobilisations en Tunisie, comme la caravane des marcheurs contre le racisme ralliant Djerba à Tunis en 2014.
En 2020, déçue par l’exclusion et l’invisibilité des femmes noires en Tunisie et même dans l’espace féministe, Maha Abdelhamid s’indigne et déclare dans la presse : « Les femmes noires tunisiennes vivent toujours dans une société à la fois patriarcale et raciste. » Elle lance le 23 janvier de la même année, date symbolique correspondant à l’abolition de l’esclavage en Tunisie en 1846, avec d’autres militantes, le premier mouvement de femmes noires tunisiennes, “Voix des femmes tunisiennes noires”, dont le but est d’encourager les femmes noires tunisiennes à s’affirmer et se débarrasser de l’invisibilité que leur impose la société.
Un engagement qu’elle raconte dans le documentaire “De Arram à Gabès, mémoire d’une famille noire” qui retrace la vie de sa famille sur trois générations.
Bintou Doumbia Infirmière du coeur
Infirmière depuis plus de vingt ans, Bintou s’est reconvertie dans la médecine socio-esthéticienne pour aider les victimes de cancer à reprendre confiance en soi à travers un certain nombre de soins et outils dont la fabrication de perruques avec leurs propres cheveux.

« 50% de la guérison relève du mental », rappelle Bintou Doumbia. La médecine reconnaît aujourd’hui que les soins de beauté aident à garder un bon moral et à trouver la force de combattre la maladie. Les cheveux et la peau, symboles de force, de pouvoir, de séduction, d’appartenance culturel et sociale,en font partie. « Le personnel soignant à tendance à banaliser l’estime de soi, parce qu’ils n’ont pas le temps. Mais même 5 minutes, c’est important!» C’est le combat mené par Bintou Doumbia.
Infirmière depuis vingt ans en France, notamment aux services des urgences, elle a vu défiler des patients. Des victimes de cancer notamment. « Je suis une femme qui aime ses cheveux, qui en prend soin, qui change souvent de coiffure. Mes patients me le font souvent remarquer. Les victimes de cancer notamment en me disant “moi aussi avant la chimio j’avais de beaux cheveux” ».
Face à une adolescente de 16 ans, équipée d’une perruque inadaptée et visible et d’une consœur malade qui refuse de porter la perruque offerte par ses collègues, elle comprend. « Ces perruques n’étaient pas adaptées. Elles ne leur ressemblent pas. D’où le rejet. Alors je me suis assise et je me suis demandé : “Qu’est-ce qu’on peut faire pour ces patients qui subissent le cancer, qui n’ont rien demandé pour cela. Moi j’ai choisi de porter des perruques de temps en temps. Pas eux. »
« Quand elles se sentent mieux, elles vont mieux »
Elle décide alors de se reconvertir dans la socio-esthétique et crée en 2014 l’association PHAWOP qui apporte soins et conseils aux victimes dans la quête de l’estime de soi. « 1 500 euros pour acheter une perruque ce n’est pas accessible à tous. Et si en plus, cette perruque n’est pas adaptée… Nous, avec leur accord bien sûr, on récupère les cheveux des patients victimes des effets secondaires de la chimiothérapie, et on fabrique avec des perruques, indétectables à œil nu, conçues à la main, un à un, sur une tulle plus adaptée. On peut les garder à vie. C’est un mois et demi de travail. Le prix, 1 500 euros, n’est pas payé par les patients mais par des mécènes. Les patientes ne payent que 30%, soit 300 à 400 euros selon le budget de la personne », déclare-t-elle.
L’association, qui assure également l’entretien des perruques, propose d’autres initiatives dans le même esprit. « Quand elles se sentent mieux, elles vont mieux. A l’hôpital, on identifie 14 besoins, parmi lesquels boire, manger, respirer. Quand un des besoins est perturbé on met des actions en place. Nous, avec l’association, on fait la même chose. Par rapport à l’estime de soi. Pour aider les personnes à se réapproprier leur corps, le restaurer, avec les outils de la socio-esthétique. On propose aussi des moments de détente pour les patients et leurs familles. Le retour dans la vie active après un an ou plus de maladie également. »
Deux activités phares sont menées chaque année, le Noël des anges, où l’association de Bintou Doumbia va dans les hôpitaux dispenser des soins de bien-être pour le personnel soignant. Et le 8 mars, les adhérentes sont invitées à une journée bien être au SPA Mama Bally. « On commence par une formation sur l’autopalpation et le dépistage du col de l’utérus. Puis, après les soins, elles repartent avec des cadeaux offerts par nos partenaires, Uriage et Orange money », expose l’infirmière. Qui rappelle au passage qu’« une femme a besoin de 600 euros de soins capillaires par mois pour atténuer les effets de la chimiothérapie ».
Djamilla Touré : la voix des Africaines du Canada
Avec Sayaspora, Djamilla Touré a créé une plateforme d’expression pour les femmes africaines résidant au Canada.

En septembre 2022, Djamilla Touré lance la plateforme en ligne Sayaspora. Tout part d’un déficit de communication autour des femmes africaines résidant au Canada.
Djamilla Touré garde encore en mémoire le moment où elle a réalisé qu’elle était noire. Si elle le savait très bien, elle n’avait pas encore réalisé ce que cela signifiait avant de quitter la Côte d’Ivoire, où elle est née, pour le Maroc, où sa peau commençait déjà à se distinguer. Soudain, être noire signifiait être différente. « J’ai compris le poids que la société associait au fait que je suis une femme noire et je vais devoir marcher différemment dans ce monde », aime-t-elle à confier à la presse. En tant qu’adolescente noire déracinée de la diaspora africaine, elle était désespérée de trouver quelqu’un qui puisse parler de son expérience. Elle regardait des émissions et cherchait dans les médias, mais si elle voyait des femmes noires à la télévision, elles n’avaient jamais l’impression de s’identifier à elles.
« Partager des histoires »
Ce n’est que lorsqu’elle a déménagé à Montréal pour l’université que Djamilla a finalement trouvé ce qu’elle cherchait, en rencontrant d’autres étudiants originaires d’Afrique de l’Ouest. « Vous m’avez manqué toute ma vie. Où étiez-vous ? », s’exclame-t-elle. C’est grâce à ces conversations, notamment avec d’autres femmes noires, qu’elle réalise qu’elle n’était pas la seule à vivre ce vide.
C’est ce qui l’a incitée à créer Sayaspora, une plateforme en ligne spécialement conçue par et pour les femmes de la diaspora africaine, où elles peuvent écrire et partager des histoires.
« L’insertion des femmes africaines dans le marché du travail canadien est le prochain objectif de Sayaspora »
Depuis, Sayaspora s’est développée et rassemble les femmes africaines de Montréal pour des événements et des ateliers. L’un des projets vise à aider les femmes africaines à s’insérer dans le marché du travail canadien.
Kadiatou Konaté : debout contre les VBG en Guinée
A 19 ans seulement, cette activiste guinéenne est la co-fondatrice du Club des jeunes filles leaders qui lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) en Guinée.

Kadiatou Konaté n’a que 19 ans mais elle sait déjà ce qu’elle veut dans la vie. Et a choisi son combat. L’activiste guinéenne co-fonde le Club des jeunes filles leaders de Guinée qui compte plus de 500 membres à travers le pays qui a pour vocation de lutter contre les VBG, notamment celles exercées sur les filles. Elle est également membre du comité Ad hoc pour la mise en place du conseil national de la jeunesse avec le premier ministre de son pays et le représentant du Système des Nations Unies.
Depuis plus de quatre ans, Kadiatou milite à travers son organisation pour l’éradication des mariages d’enfants, le viol, l’excision, les agressions physiques, les discriminations à travers les dénonciations, les causeries éducatives, les sensibilisations de masses, les campagnes digitales ainsi que les discussions communautaires pour impacter la communauté à la base aux côtés de l’État, des institutions et de d’autres jeunes militantes tant au niveau national qu’internet.
« Son activisme lui a valu de remporter plusieurs prix, notamment celui de la meilleure activiste féminine en Guinée décerné par Firawa Groupe »
Lauréate du prix du leadership féminin décerné par All Africa, elle a également reçu le prix de la meilleure activiste féminine en Guinée décerné par Firawa Groupe, a représenté la Guinée en 2018 à la conférence africaine GIMA et a pris part au sommet des filles de l’Union africaine et les partenaires à Accra sur le thème du mariage précoce et l’éducation des filles.
Hadiatou Diallo Barry : le combat pour l’autonomie financière des femmes
Professionnelle de la banque avec plus de quinze ans d’expériences dans le secteur bancaire africain, Hadiatou Barry a développé au cours de sa carrière une grande expertise en inclusion financière. Une expertise qu’elle met aujourd’hui au service des femmes africaines qu’elle aide à créer de la richesse pour elles-mêmes.

Ayant travaillé dans les plus grandes banques panafricaines (Ecobank, UBA, Nsia Banque), elle y gravit tous les échelons : de responsable de vente des produits de la trésorerie au poste de Directrice Générale. Lors de son parcours, elle a réalisé que les produits et services bancaires ne sont pas vraiment adaptés aux besoins de la frange la plus vulnérable de la population (les femmes et les jeunes). C’est ainsi qu’elle prend la décision de quitter son poste de directrice générale pour fonder le Groupe AKIBA Finance qui est la première microfinance digitale en Guinée.
“À travers AKIBA Finance, Hadiatou vise l’autonomisation et l’indépendance financière de plus de 1 000 000 de femmes à l’horizon 2025”
À travers AKIBA Finance, Hadiatou vise l’autonomisation et l’indépendance financière de plus de 1 000 000 de femmes à l’horizon 2025. Après seulement une année d’activités, malgré le contexte de la COVID 19, AKIBA peut être fier d’avoir impacté plus de 30 000 femmes qui ont eu accès à des comptes épargne via la tontine digitale, à l’éducation financière et à des petits financements grâce à leurs simples épargnes.
Hadiatou est convaincue qu’une des manières sûres de transformer le futur des femmes africaines de façon positive est de leur permettre d’avoir leur indépendance, notamment financière en leur facilitant l’accès à l’épargne et à un financement adapté.
Elle est également engagée dans l’éducation de la jeune fille à travers son association « Let girls Shine » qu’elle a fondée en 2016. Hadiatou est diplômée de l’ICN Business School en France. Elle est aussi détentrice d’un certificat en leadership et Management de HEC Paris.
Nisreen Elsaim : figure soudanaise de la lutte contre le changement climatique
Née au Soudan, Nisreen Elsaim , est diplômée en physique. A 27 ans, elle est déjà une figure incontournable de la jeunesse africaine.

Militante écologiste depuis 10 ans, Nisreen Elsaim est très engagée dans les questions climatiques. Originaire d’un pays en proie aux effets néfastes du changement climatique, elle milite depuis 2012 sur les questions de climat. Et son engagement finit par être mondialement reconnu. En août 2020, elle est nommée présidente du Groupe consultatif de la jeunesse du secrétaire général des Nations Unies sur le changement climatique, le climat et la sécurité.
Dans cette posture, la jeune femme intervient dans les plus grands panels réunissant des chefs d’État, ministres, responsables des Nations Unies de très loin plus âgés qu’elle. Mais s’impose par ses positions sur la question urgente du changement climatique.
« Son combat date de 2012, lorsque son pays, le Soudan, devient l’un des plus vulnérables au changement climatique »
Titulaire d’une licence en physique et d’un master en énergie renouvelable de l’Université de Khartoum, Nisreen s’implique activement dans le développement durable dès 2012. En cause, son pays, le Soudan, est classé comme l’un des pays les plus vulnérables au changement climatique et connaît plusieurs méfaits du changement climatique, notamment une fréquence accrue de sécheresses, une forte variabilité des précipitations qui met en péril l’agriculture et les moyens de subsistance pour le pâturage. Sans oublier les problèmes de santé liés à la pollution, les épidémies, la surexploitation des sols et des cours d’eau, l’insécurité alimentaire.
C’est au cours de ses études universitaires, que la jeune Soudanaise commence à militer dans différentes organisations qui œuvrent sur les questions de climat et de sécurité en Afrique. Elle fait entendre sa voix sur le sujet, tire la sonnette d’alarme sur l’urgence de la prise de conscience en matière de changement climatique, l’urgence de prendre des mesures concrètes.
Elle milite, notamment, au sein du Youth Environment Sudan (YES), qui est une organisation regroupant l’action de plus de 1000 associations environnementales au Soudan et dont elle est la coordinatrice au niveau national.
Grâce à son engagement sur le climat, Nisreen Elsaim est nommée également co-présidente de la jeunesse soudanaise pour le changement climatique (SYOCC). Elle dirigera plus tard la Conférence Africaine de la Jeunesse (COY Afrique). La jeune militante s’engage aussi comme membre active de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique, un consortium qui regroupe plus de 1 000 organisations de 48 pays africains qui œuvrent ensemble pour remédier aux problèmes climatiques et défis environnementaux auxquels l’humanité et la planète font face.
En 2019, Nisreen Elsaim est nommée comme l’une des 30 envoyés spéciaux pour la jeunesse de l’ONU. La même année, elle organise le Sommet des jeunes sur le climat. En 2020, l’Africa Youth Awards l’a classée parmi les 100 jeunes les plus influents au monde.
Nafissatou Idé Sadou : figure de proue pour la défense et la promotion des droits des femmes
A la tête d’ONG Femmes, Actions et Développement (FAD-Niger), Nafissatou Idé Sadou se bat depuis une décennie pour que la femme accède à la place qu’elle mérite dans le développement du Niger.

A la tête d’ONG Femmes, Actions et Développement (FAD-Niger), dédiée à la cause féminine, qu’elle a créée en 2009, Nafissatou Idé Sadou intervient dans le domaine des droits des femmes, les violences faites aux femmes, la santé et l’environnement entre autres.
« Les femmes sont sous-représentées et nous avons formé les femmes candidates aux élections locales pour une meilleure participation »
Titulaire d’un master en psychologie obtenu à l’université de Niamey en 2014, Nafissatou Idé Sadou a servi de mentor à 151 jeunes filles du Niger dans la promotion de leur leadership et leur participation à la gestion et prévention des conflits. Un engagement qui lui a valu d’être répertoriée dans la base de données de l’Union africaine comme observatrice internationale. Elle va orienter les actions de son ONG vers des actions portant sur la participation des femmes aux élections. « Les femmes sont sous-représentées et nous avons voulu former les femmes candidates aux élections locales pour une meilleure participation », explique la présidente de l’ONG FAD-Niger.
« La femme nigérienne a des qualités exceptionnelles et ce sont ces qualités que nous voulons qu’elles comprennent à travers nos actions », soutient-elle. Une position saluée par une kyrielle de distinctions honorifiques au Niger et en Afrique. L’une de ses distinctions est le Trophée de « Femme leader en devenir » qui lui a été décerné par le Trophée International de Femmes Actives d’Afrique (TIFA) et le groupe CIPEL. Une distinction décernée à Niamey pour son engagement pour les causes féminines défendues au Niger et à l’occasion des grandes rencontres internationales, à l’occasion de la Journée internationale de la femme 2012.
A 33 ans, Nafissatou Idé Sadou, à travers son ONG initie un projet visant à contribuer à la préservation des écosystèmes du fleuve Niger, à la lutte contre la dégradation des terres et à la réduction de la pauvreté, la collecte et la transformation de la jacinthe d’eau. Là également, les femmes riveraines du fleuve Niger sont au centre du projet de FAD-Niger.
Easter Okech et Jane Kihungi : icônes kényanes de la lutte pour l’inclusion des femmes handicapées
Elles dirigent des ONG qui ont choisi de promouvoir les droits de ces femmes que la société kényane tarde à reconnaître.

Easter Okech est la directrice exécutive de l’organisation Kefeado qui lutte contre les violences faites aux femmes et mise sur l’empowerment. Elle se considère comme féministe et explique : « Comme disent les féministes africaines, personne n’est libre tant que toutes les femmes et filles ne sont pas libres. Nous travaillons pour que les filles apprennent à se connaître et pour qu’en devenant des jeunes femmes, elles aient le pouvoir de faire tout ce qu’elles souhaitent. »
« Les femmes handicapées ont les mêmes opportunités que les autres »
De son côté, Jane Kihungi dirige l’organisation Women Challenged to Challenge, dont le but est de promouvoir la participation des femmes handicapées à tous les aspects de la vie sociale, économique, politique et culturelle du Kenya. Elle-même handicapée suite à une polio. « Je voulais que les futures femmes en situation de handicap n’aient pas à vivre ce que moi j’ai vécu. Il fallait rassembler les femmes pour qu’elles puissent parler des problèmes qui les touchent. Elles doivent avoir les mêmes opportunités que les autres. »
Avec HI, Jane et son association ont documenté les bonnes pratiques dans la lutte contre les violences liées au genre, et permettre à l’association de prendre une envergure internationale.
Nunu Salufa : l’entreprenariat féminin au Sud-Kivu
Son association en a fait son cheval de bataille. Cette mission passe par l’observation stricte des règles de bonne gouvernance en affaires.

A la tête de l’Association pour la promotion de l’entreprenariat féminin au Sud-Kivu, Nunu Salufa forme les femmes aux principes de bonne gouvernance dans l’entrepreneuriat. Par ces formations, Nunu Salufa vise l’autonomisation de la femme.
« Nous donnons des formations techniques aux femmes du Sud-Kivu. Elles apprennent un métier qui permettra d’augmenter leurs faibles revenus, explique la coordinatrice d’APEF. C’est aussi une manière de renforcer leur estime de soi, car leur contribution au bien-être de toute la famille les rend plus fortes. Le plus important pour nous est que ces femmes sentent qu’elles ont un pouvoir dans la société, que ce qu’elles pensent et ce qu’elles font, pourra changer l’histoire du Congo. Nos formations préparent les femmes à lutter contre les violences qu’on exerce sur elles », décline la militante féministe RDCongolaise.
« L’éducation intégrale de la femme est le chemin le plus sûr vers le développement d’une nation »
« Éduquer une femme c’est éduquer une nation » dit-elle, convaincue que « l’éducation intégrale de la femme est une clé pour la participation à la gestion, l’émancipation économique, bref une voie pour le développement d’une nation ». Nunu Salufa indique qu’APEF forme des jeunes filles notamment sur des questions de l’entrepreneuriat, de l’assainissement, de la construction de paix et bien d’autres.
A 59 ans, mariée et mère de trois enfants, elle a travaillé pendant plusieurs années dans une ONG dénommée Union de femmes paysannes du Kivu (UWAKI) où elle œuvrait pour l’allégement de la tâche de la femme paysanne par l’éducation populaire.
Dans un contexte de dégradation de la situation socio-économico-politique en RDC, Nunu Salufa a été amenée à réaliser une étude sur la situation de la femme dans la province du Sud Kivu. C’est cela qui a abouti à la création d’APEF dont elle est aujourd’hui Secrétaire exécutive.
Elle a une bonne expérience dans le travail avec les femmes, mais aussi dans le domaine de la gestion de crédits, de groupes associatifs, de micro-entreprises.
Olive Gandonou Adjéhi, de la banque au social pour la dignité féminine
Pas très connue, mais présente dans la sensibilisation à la prise en charge de l’endométriose, l’Ivoirienne Olive Gandonou Adjéhi est de ces Africaines, afro-optimistes, qui ont décidé de porter haut le combat pour la dignité des femmes africaines.

Olive Sonagnon Gandonou est une boule d’énergie. Pas grande de taille, d’une grande beauté, elle a la voix fluette. Derrière son enthousiasme, elle ne cache pas moins une histoire de vie qu’elle partage avec les femmes de la Côte d’Ivoire profonde. Aujourd’hui conférencière en motivation leadership, coach en développement personnel et formatrice en entrepreneuriat, cette mère de deux enfants a, à son corps défendant, abandonné un bureau douillet de banque, pour les rues, les marchés.
Sur ces sites, où elle organise des marches de sensibilisation sur l’endométriose, l’ancien agent de banque, vit son engagement social. Mettre au grand jour une terrible souffrance des femmes, une maladie silencieuse qui peut contrarier l’avenir des jeunes filles sur le continent.
« Je n’ai pas eu d’adolescence heureuse »
En rupture scolaire à cause de la maladie, encore méconnue, Olive, déscolarisée, va connaître de cinq à six années d’errance médicale qui vont la conduire sur le billard. Commerçante sur la ligne Noé-Abidjan, gérante de cabine téléphonique, Olive trouve tout de même la force d’avoir le regard rivé sur la formation. Alors qu’elle est enceinte, elle s’inscrit dans une grande école. Mais, les douleurs de la maladie sont vives. « J’ai fait deux ans sans aller en classe, je n’ai pas eu le BAC je n’ai pas eu d’adolescence heureuse, je ne demandais que de l’Antadys, un médicament pour soulager les douleurs », raconte-t-elle. Sans se laisser aller, elle retourne sur les bancs pour le BTS, échec !
Quand elle subit sa première intervention chirurgicale en 1999, elle se croît délivrée. Pas du tout. En février 2002, elle va connaître la joie de la grossesse. La vie est difficile sans réussir à la faire craquer. C’est finalement en candidate libre qu’elle décroche son Brevet de Technicienne Supérieure (BTS). Après un stage concluant à la Caisse nationale de crédit et d’épargne (CNCE) devenue entre-temps Banque Populaire, elle y est embauchée. Olive y gravit les échelons jusqu’à être chef d’agence de Yamoussoukro. Elle travaille bien, refuse les coups bas pour casser une grève du personnel mais souffre toujours de l’endométriose. Quoique bénéficiant de traitements grâce à l’assurance que lui offre sa banque, elle démissionne en 2018 pour mieux se traiter et porter la voix des femmes, des jeunes filles face à ce mal pernicieux.
L’endométriose, dont elle a souffert pendant 28 ans, va être une source de motivation pour elle, pour sauver les jeunes filles, des femmes qui souffrent souvent en silence car, elles méconnaissent la maladie. Elle se veut la bonne samaritaine pour leur éviter « la souffrance due à la méconnaissance et à l’errance médicale ».
Elle crée ainsi l’organisation non gouvernementale Endo Women Afrique qui a pour but la sensibilisation à l’endométriose. « Procurer de la joie autour de soi » est son leitmotiv, elle veut valoriser la femme en lui donnant de la confiance par un cadre adéquat surtout pour les femmes qui souffrent de l’endométriose.
« Créer les conditions de leur autonomisation »
« Cet engagement découle du fait que dans nos sociétés, malheureusement, on croise des femmes opprimées, marginalisées, même pour celles qui sont en bonne santé, elles rencontrent des problèmes qu’elles ne peuvent exposer. La femme Africaine, en dépit de ses qualités, il y a encore beaucoup à faire pour celles surtout qui sont dans les zones rurales, incomprises, livrées à elles-mêmes, sans moyens financiers. L’idée m’est venue de créer les conditions de leur autonomisation » soutient Olive.
« Cet engagement me coûte financièrement, physiquement et psychologiquement parce que, en voulant mener ces activités, je suis obligée de surseoir à mes engagements personnels pour être présente là où l’on parle d’endométriose. L’ONG ne bénéficie pas de partenaire, de sponsor, de subvention, nous travaillons avec nos maigres moyens. Il m’arrive de faire des crises, parce que je reste victime de la maladie, je suis obligée de marquer des arrêts mais, même en ces périodes, il faut pouvoir être au chevet des femmes, pas physiquement mais il faut pouvoir leur parler sur l’ensemble du continent ».
« Les femmes, en Afrique, n’ont pas de moyens financiers pour faire face à cette maladie »
Et de reconnaître que « les femmes, en Afrique, n’ont pas de moyens financiers pour faire face à cette maladie. C’est 10 à 20% de femmes, en entreprise ou à de hautes fonctions qui bénéficient de traitement. Les produits de procréation ne passent pas sur les bons d’assurance, de même que les examens. Pour les femmes en zone rurale, pour s’offrir des antalgiques, c’est la croix et la bannière. »
La réalité ivoirienne n’est point différente de celle des autres pays. Olive soutient que « les femmes en Côte d’Ivoire n’ont pas forcément de moyens, de se traiter convenablement. En Côte d’Ivoire, 30 à 40% de femmes seraient touchées par l’endométriose, mais le paradoxe c’est qu’un pourcentage plus élevé en soufre, qui sont dans l’ignorance. C’est difficile car elles ne savent pas de quoi elles souffrent parce que la maladie n’est pas assez connue. En zone rurale, l’illettrisme aggrave le facteur de méconnaissance. C’est contre cette ignorance que nous nous battons. Elles assimilent cela à de la sorcellerie, à des pratiques mystiques. »
« Il faut pouvoir sortir du silence »
«Face à l’endométriose, l’espoir est permis, il faut pouvoir sortir du silence. Si on n’en parle pas comment les gens vont pouvoir nous aider. »