Femme & Tech : une combinaison gagnante
Si les femmes ne sont que 21,9 % à être connectées en Afrique, contre 28,9 % des hommes, leur usage d’Internet se fait à bon escient. Mieux, elles transforment le continent à travers les solutions qu’elles mettent en place. Or si l’Afrique ne veut pas manquer le virage de la 4ème révolution industrielle, celle de l’intelligence artificielle, il faudra miser sur les femmes et encourager l’inclusion numérique.
Par Dounia Ben Mohamed
Déjà continent de l’entreprenariat féminin_ avec le taux de femmes entrepreneurs le plus élevés au monde, soit 27 %_, l’Afrique serait-elle en passe de devenir celui de la révolution féminine 4.0 ? Malgré des inégalités, majeures, qui demeurent entre les femmes et les hommes, les entrepreneures du continent ont très vite saisi les opportunités que leur offrait le numérique précisément pour braver les discriminations dont elles font encore l’objet.
Dans tous les domaines – l’emploi, l’éducation, la santé, la gouvernance – elles opèrent, et innovent, à travers des solutions qui répondent à des problématiques locales. Leur rôle, déjà reconnu comme un moteur de développement durable, en est alors démultiplié.
Même si les freins demeurent encore nombreux_ l’accès aux outils et compétences numériques, aux financements_, dans ce marché en évolution rapide et constante, les femmes africaines dans le secteur des technologies bénéficient d’une représentation sans précédent.
Selon l’ITU (NDLR : Union internationale des télécommunications), en Afrique, 18,6% des femmes ont accès à Internet contre 24,9% des hommes. Si le nombre d’internautes ne cesse de croître (+20% par an), le fossé numérique qui existe entre les genres est encore bien présent.
Ruée vers les filières STEM
Si pour l’heure, les femmes ne représentent que 30 % des secteurs de l’industrie technologique en Afrique, leur ruée vers les filières STEM (NDLR : sciences, technologies, ingénierie et mathématiques), encouragée par un certain nombre d’initiatives, laisse présager que dans un secteur numérique en pleine ébullition, les femmes joueront un rôle de plus en plus important. Et massif.
D’autant plus qu’à l’avenir, 90% des emplois nécessiteront des compétences digitales. La formation aux métiers dans le digital se confirme ainsi comme un accélérateur de carrière pour les femmes.
A l’heure de la ZLECAf, la digitalisation est en mesure d’aider les femmes, qui produisent près de 65 % des biens du continent, à accroitre leurs revenus dans leurs activités. Et à augmenter par la même occasion leur impact dans l’économie réelle. Les études démontrent que les femmes gagnent plus de revenus et 90% de leurs budgets sont réinvestis dans le bien-être de leurs familles pour améliorer le vécu quotidien, à savoir l’éducation et la santé. Autrement dit dans le développement.
Transformation du secteur financier
Reste l’ultime combat. Celui de l’accès au financement. En effet, à l’échelle mondiale, les hommes représentent 92% des partenaires des 100 principales sociétés de capital-risque, et les start-ups créées par des femmes ne reçoivent que 2 % des investissements de ces sociétés. Dans son dernier rapport, le fonds d’investissement Partech, spécialisé dans le financement des start-ups en Afrique, a révélé que les jeunes pousses fondées par des femmes africaines ont levé 834 millions de dollars en 2021, soit 16 % du total des levées de fonds réalisées la même année par l’ensemble des start-ups opérant sur le continent (5,2 milliards de dollars). Selon ce même rapport, les fintechs ont levé 3,2 milliards de dollars durant l’année écoulée, trustant ainsi 62% de l’ensemble des financements.
Mais là encore, les femmes sont les principales actrices du changement. Investissant le secteur de la fintech, en plein essor sur le continent, elles participent à transformer le secteur financier. Grâce à la mise en place de nouveaux modèles commerciaux, ce secteur permet de résoudre bon nombre de challenges quotidiens, tel que l’accès à l’eau, à l’électricité, à l’éducation, à la santé, à une meilleure connaissance du marché. En effet, la fintech offre une gamme de services financiers digitaux à des prix abordables. Ces sociétés utilisent la technologie afin de toucher une clientèle plus large, en évitant les dépenses élevées des infrastructures. Grâce à ce nouveau modèle, elles peuvent mieux gérer les coûts de leurs services.
Les femmes d’abord !
Au regard de son impact social non négligeable, au cœur de toutes les politiques publiques, le soutien à l’entreprenariat féminin s’affirme comme la priorité des acteurs publics du continent comme des bailleurs de fonds. Même le privé s’y met, multipliant les concours et programmes exclusivement dédiés aux femmes et à la technologie, à l’image du linguère digital challenge, visant à promouvoir les femmes dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. De même, l’initiative AFAWA (Affirmative Finance Action for Women in Africa / L’Initiative pour favoriser l’accès des femmes au financement en Afrique) vise à combler le déficit de financement, qui est estimé à 42 milliards de dollars. Ou encore l’initiative eTrade forWomen lancée par la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), qui vise à faire des femmes entrepreneures numériques un vecteur de création de richesses dans les pays en développement.
Adapter les politiques publiques
Reste à adapter les politiques publiques afin qu’elles s’attaquent aux défis particuliers que rencontrent les femmes. L’accélération des réformes réglementaires, notamment par la réduction des taxes sectorielles et des droits de douane, peut rendre les services mobiles plus abordables pour l’utilisateur final, en particulier les femmes qui représentent la majorité des personnes non connectées.
Avec l’arrivée sur la scène politique de plus en plus de femmes, notamment à la tête des ministères en charge du numérique (Aurélie Adam Soulé au Bénin, Cina Lawson au Togo, ou encore Paula Ingabire au Rwanda), ces questions sont de plus en plus prises en compte.
Incontestablement, si l’Afrique de demain évoluera au rythme du digital, les femmes seront au premier rang de cette transformation. Un juste retour des choses : les premières codeuses, les premières développeuses et chercheuses qui ont marqué l’histoire du numérique, faut-il le rappeler, sont des femmes. Ada Lovelace au XIXe siècle ; Grace Hopper, Karen Spärck Jones, Margaret Hamilton au XXe siècle, et plus récemment Shafi Goldwasser, ont ouvert la voie à des générations de Women in Tech !