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FAD 2016 Casablanca, capitale des nouvelles relations sud-sud… et nord-sud

Il soufflait comme un vent de panafricanisme ressuscité pendant cette quatrième édition du Forum Afrique Développement (FAD) qui se tenait à Casablanca, les 25 et 26 février. Organisé par la banque Attijariwafa, bras financier de l’expansion marocaine en Afrique, et Maroc-Export, levier des produits made in Maroc sur le continent, le forum aura réuni plus de 4000 participants originaires d’une vingtaine de pays. D’Afrique en premier lieu.

C’est une photo qui vaut tout un symbole. Les présidents des principaux patronats d’Afrique francophone réunis sur une même scène. « Il est là l’avenir du continent ! » commente un opérateur économique marocain. Et cette initiative, on la doit à un homme, Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa Bank, co-organisateur avec Maroc Expo du Forum Afrique Développement (FAD) qui tenait sa quatrième édition à Casablanca, les 25 et 26 février. « Si l’Occident à son Davos, l’Afrique a le FAD », déclarait en clôture Ouided Bouchamaoui, présidente de l’Utica, principale confédération patronale tunisienne et récemment décorée du Prix Nobel de la Paix avec ses acolytes du Quartet. De quoi lui valoir, à elle, à la Tunisie à travers elle, une standing-ovation. Signe du soutien de ses pairs africains.

 

« Le Roi Mohammed VI a fait de l’axe sud-sud un axe prioritaire de son règne »

 

La coopération interafricaine, c’est précisément le leitmotiv de cette manifestation dont cette nouvelle édition, qui a rassemblée plus de 4000 opérateurs économiques du continent originaires d’une vingtaine de pays africains, confirme le positionnement du Royaume chérifien. « Au delà des discours d’intention, le Maroc s’est donné les moyens d’atteindre son ambition, à savoir s’imposer comme le hub de la région », reconnait un membre de la délégation tunisienne, un pays qui occupait le titre de plateforme privilégiée des Européens auparavant (lire l’article La Tunisie défend sa place à Casablanca), depuis largement dépassé par le Maroc. Le fruit d’une stratégie habilement menée par le roi Mohammed VI à laquelle il a su intégrer le secteur privé local. « Depuis son intronisation, sa Majesté le Roi Mohammed VI a eu cette vision extraordinaire, explique Mohamed El Kettani. Il a fait de l’axe sud-sud un axe prioritaire de son règne ». Le résultat, quinze ans plus tard, ce sont des relations renforcées avec les « pays frères », le Gabon, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, d’autres nouées avec le Burkina, le Cameroun, la République du Congo, et des sociétés marocaines installées à travers des filiales dans tout l’espace francophone, dont Attijari, mais également Royal Air Maroc, Maroc Telecom, Saham, ou encore Managem. Mines, télécoms, finance, BTP, plusieurs secteurs sont concernés pour des investissements marocains qui ont atteint, selon les estimations d’un hebdomadaire local, La Vie Eco, 1,6 milliard de dirhams, sur le continent.

 

« Nous sommes à la recherche de partenaires techniques et financiers, en particulier dans le domaine de l’agriculture, et nous faisons là appel à nos frères marocains »

 

Une présence de plus en plus sollicitée par les partenaires subsahariens, pour leur expertise, le savoir-faire dont ils assurent le transfert de compétence dans le cadre de la coopération sud-sud qui accompagne chacun des contrats signés. Dernier exemple en date, le projet d’aménagement de la Baie de Cocody, à Abidjan, assuré par la société publique marocaine Marchica Med, et dont la première phase des travaux, estimée à plus de 11 milliards de F CFA (16,77 millions d’euros), est financée en partie par un prêt de 10 milliards de F CFA accordé par le groupe bancaire marocain AttijariWafa Bank, à travers sa filiale ivoirienne, La Société ivoirienne de banque. Le Gabon, également pays « frère », avec des relations nouées par les « pères » feu Omar Bongo Ondimba et Hassan II, renforcées par les fils Ali Bongo Ondimba et Mohammed VI, bénéficie également de l’« expertise marocaine » ainsi que l’explique le ministre gabonais de l’Agriculture, Mathieu Mboumba Nziengui. «  Ma présence à Casablanca, à la tête d’une importante délégation, confirme les liens, très étroits, qui unissent le Maroc et le Gabon. L’agriculture est un pilier sur lequel notre président compte pour supplanter le pétrole. La chute des cours du baril le confirme dans son choix. Pour l’instant, nous mettons l’accent sur les petites exploitations, l’agriculture familiale. Mais nous pensons également à l’avenir, à exporter. Pourquoi pas au Maroc. Pour l’instant, nous importons du Maroc, mais dans l’objectif de pouvoir, demain, exporter vers le royaume des produits transformés. En attendant, nous sommes à la recherche de partenaires techniques et financiers, en particulier dans le domaine de l’agriculture, dans le domaine de la mécanisation agricole, et nous faisons là appel à nos frères marocains ».

 

Tony Elumelu : « Je suis un panafricain résolu. L’avenir de l’Afrique dépend de la coopération sud-su »

 

Au même titre que les délégations togolaises, camerounaises, ou encore sénégalaises. L’Afrique anglophone également était de la partie. Le Kenya, le Ghana ainsi que le puissant Nigeria représenté, entre autres, par le désormais célèbre homme d’affaires et millionnaire Tony Elumelu, à la tête d’une fondation qui accompagne l’entreprenariat des jeunes Africains. « Je suis un panafricain résolu, explique-t-il. En tant que tel, des initiatives comme celles prises par AttijariWafa Bank doivent être soutenues. L’avenir de l’Afrique dépend de la coopération sud-sud ». Et donc du secteur privé. Sachant que si Tony Elumelu, PDG d’UBA, participe à un événement organisé par une banque qui vient le concurrencer sur son marché, à savoir le Nigeria, c’est le signe d’une coopération effective, ou du moins naissante, entre les opérateurs privés africains. « Les opérateurs économiques des différents pays font face aux mêmes problématiques, liées au climat des affaires, aux infrastructures, à l’énergie, à l’entreprenariat, des jeunes notamment…, rappelle Mohamed El Kettani. Ce qui fait qu’aujourd’hui, l’ensemble des secteurs privés, à travers les organisations patronales, les interactions avec les gouvernements, et avec le soutien du canal bancaire, un soutien essentiel, car il conforte la confiance entre opérateurs, nous sommes à même d’être une véritable force de proposition pour nourrir les stratégies de développement des gouvernements. Sans une synergie totale entre les secteurs publics et privés, nous n’allons pas réaliser les objectifs de développement de notre continent ». (Lire ici l’interview en entier de Mohamed El Kettani, PDG d’AttijariWafa Bank). Et c’est dans cette optique de constituer un réseau interafricain de décideurs et d’opérateurs économiques, générateur d’opportunités de développement, que le Club Africa Développement, plateforme qui complète le RDV annuel, a été créé en décembre dernier. Une initiative qui participe là encore à renforcer l’influence marocaine sur le continent… et au delà.

 

 

« Notre ambition est de faire de notre partenariat sud-sud un partenariat gagnant. Attention, ce n’est pas un slogan, c’est une exigence, pour les équilibres mondiaux »

 

« L’histoire du Maroc et de l’Afrique est une belle histoire qui continue de s’écrire, a déclaré le ministre Salaheddine Mezour, en charge des Affaires étrangères et de la coopération, pendant la cérémonie d’ouverture du forum. Le monde est en train de vivre de grands changements, et dans les vingt prochaines années, le monde sera encore différent. Il est clair que dans ces années, l’Afrique sera le continent qui marquera cette mutation du monde. Une belle histoire qui reste à écrire. Comme aujourd’hui. Notre continent bouge, il a des élites exceptionnelles, une population exigeante, et des problèmes à résoudre, mais aussi des leçons à tirer de l’histoire. Le 20e siècle a été celui des indépendances, on a mis beaucoup de temps à sortir de ce que le colonialisme a laissé, le panafricanisme a fait son chemin, et aujourd’hui, nous sommes des pays, des peuples, qui veulent avancer en toute indépendance et en s’émancipant ». S’adressant aux opérateurs privés de l’assistance, le ministre se dit convaincu que « la balle aujourd’hui n’est plus entre les mains des politiques, mais des acteurs économiques. Les vrais acteurs qui font que les ambitions marquées par nos leaders deviennent une réalité ». Et de préciser : « Contrairement à ceux que certains ont prétendu, le Maroc n’est pas parti pour s’imposer ou remplacer, mais pour accompagner ses frères africains, avec la certitude qu’on est capable de bâtir ensemble des choses. Qu’on ne se méprenne pas, le Maroc également apprend à travers l’expérience des autres ». Enfin, il conclut : « Notre ambition est de faire de notre partenariat sud-sud un partenariat gagnant. Attention, ce n’est pas un slogan, c’est une exigence, pour les équilibres mondiaux. Sans exclure le nord, à travers ce partenariat sud-sud renforcé, nous allons construire ce nouveau partenariat avec le nord ». Un partenariat plus équilibré donc et avec pour centre de gravité… le Maroc.


 

Par Dounia Ben Mohamed, en direct de Casablanca

 

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